L’émission est entièrement
consacrée à
Michel
Eckhard Elial qui
est joint par téléphone.
Professeur de littérature
comparée et docteur en sémiotique textuelle, Michel Eckhard Elial
est poète et traducteur de la littérature hébraïque : Yehuda Amichaï,
Dahlia Ravikovitch, Aaron Shabtaï, David Vogel, Ronny Someck, Shimon
Adaf, Miron Izakson, Eliaz Cohen, Amir Or…Il contribue à plusieurs
anthologies de la poésie israélienne contemporaine, et dirige la
Revue «Levant – Cahiers de l'Espace Méditerranéen » et la
Bibliothèque du Levant,
qu'il a fondées en 1988 à Tel-Aviv, aujourd'hui à Montpellier, dont
la vocation est de promouvoir
un dialogue pour la paix
entre les trois rives de la Méditerranée.
Parmi les publications
poétiques:
Dans
l’éclat des mots, Editions de la Margeride, 2024 ; La poésie n’est
pas une métaphore, Levant, 2023 ; Cristal Blues, Ségust, 2022 ;
Crier à l'étoile, L'Aigrette, 2021 ; La ville que tu portes n’a pas
de terre, Voltije Editions, 2020 ; L’arbre lumière, Levant, 2017 ;
Exercices de lumière, Levant, 2015 ; L'instant le poème, Levant,
2009; Sa tête aux ciels, Levant, 2008 ; Un l'Autre, Levant, 2008;
Beth, Levant, 1995 ; Au midi du retour, Euromedia, 1993 ;
L’Ouverture de la bouche, Levant,1992
Parmi les traductions :
Yehuda Amichaï, La poésie est une célébration, L’éclat, 2025 ;
Miriam Neiger-Fleischman, Le livre de Miriam, Levant, 2021 ; Hava
Pinhas-Cohen, Rapprocher les lointains, Levant, 2020 ; Miron C.
Izakson, Ajours,Levant, 2019 ; Lali Tsipi Michaeli, Psaume de femme,
Levant, 2019 ; Shimon Adaf, Le monologue d’Icare, Caractères, 2018 ;
Dahlia Ravikovitch, Même pour des milliers d’années, Bruno-Doucey,
2018 ; Ronny Someck, Le piano ardent, Bruno-Doucey, 2015 ; Ronny
Someck & Salah Al Hamdani, Bagdad-Jérusalem- A la lisière de
l’incendie, Bruno-Doucey, 2012 ; Miron C. Izakson, L’audace du jour,
Levant, 2015 ; Hagit Grossman, Neuf poèmes pour Schmuel, La
Margeride, 2014 ; Yehuda Amichaï, Poèmes de Jérusalem, L'Eclat,
2008; Début, fin, début, L'Eclat, 2008; Les morts de mon père, L'Eclat/Levant,
2001; 1995; Histoires d'avant qu'il n'y ait plus d'après, Alfil/Levant,
1994 ; David Vogel, La vie conjugale, Stock, 1992 ; Naïm Araydi, Le
trente-deuxième rêve, Levant, 1990 ; Aharon Shabtaï, Seconde
lecture, L’Eclat, 1988, Le poème domestique, L’Eclat, 1987 ; David
Avidan, Cryptogrammes d’un téléstar, Now, 1978
Essais :
Jabès le livre lu en Israel (David Mendelson & Michel Eckhard Elial),
Point Hors Ligne, 1987 ; Michaël Elial; David Mendelson, Ecrits
français d'Israel,
Paris :
Lettres Modernes Minard, 1989.
Exercices
de Lumière, Levant 2015.
De ce livre né après le
deuil de son fils Mathias disparu à l’âge de 19 ans, il explique :
Ces
textes font partie de mon temps de deuil et d'espérance. Je n'ai pu
tenir jusqu'à présent que par la pensée d'une présence, d'un visage,
d'une lumière, émergeant de l'obscure absence. J'ai toujours eu en
face des jours terribles, semblables à un séisme, la voix
réparatrice de la poésie: Jose Angel Valente, Paul Celan quelques
autres, ont été en quelque sorte les antennes de mon rassemblement,
de ma rédemption quotidienne, parce qu'ils ont, particulièrement,
touché le mystère et le naufrage de la parole, pour en faire surgir
de la lumière, cette même lumière que le peintre Pierre Soulages
fait surgir de la matière noire. Le fait que ces textes aient été
rassemblés, en ce moment de Pâques est loin d'être un hasard (la
poésie ignore le hasard, elle ne reconnait que l'évidence): exode et
résurrection sont les fils de lumière qui rendent mon fils présent à
ma pensée et à mon amour.
Poèmes extraits de
« L’arbre lumière » :
A retourner
au silence
le chemin
nous enveloppe de ses arbres
de pensées,
car tout est
manifeste
sous la
brûlure
du
feuillage.
C’est un
éveil qui épelle
nos peaux en
graines,
par-dessus
l’épaule
muette des
rêves,
l’aile
pousse sous le duvet
de l’ange.
A serrer
l’enfant on apprend le geste
du ciel,
or l’aimé et
l’enfant ne font qu’un
pour être au
monde et nous réconcilier
au destin.
On ne sort
pas de l’ombre
à rebours de
la lumière,
mais
rejoindre au bord du ciel rouge
le clair de
l’amour.
Après le
silence de l’hiver
et les
haltes,
qu’il nous
refonde à la lumière.
dans le soin
de la terre.
***
Etroite la
terre
se déroule
entre
tes mains
tendues
comme les
branches
de l’air
nous tombons
parce que
nous sommes
plus lourds
que
la poussière
dans la
courbe des mots
nos racines
sont
des routes
et des mains
où se hausse
le visage
de la
parole.
***
Car ici
depuis
le tendre et
terrible
accolement
de l’ange
vers nous se
tend
et s’irise
comme un
départ de feu
l’éveilleuse
de signes
elle saisit
l’âme
et la met
dans tes yeux
ils
fleurissent en feu
comme un
chant d’oiseau
mesure la
profondeur
du ciel.
***
Poèmes de Michel
Eckhard-Elial :
Etre un arpent
ou une nuée de rêve
insituable de l'origine.
Alain Suied
Parce qu'ici
est peu et trop
me
reconnaîtras tu
sous le
feuillage
des paroles
au bord de
l'existence
une tige
unique
quand le
bonheur
tombe
Ecrire
pour laisser
la lumière allumée
au dessus de
l'ombre
du chant le
plus fidèle
poursuivre
entre
les séismes
et les élans de joie
tant de
ruines tant de roses
au cadastre
des ciels et
des os
touchent la
prière
et
l'incendie
d'où me
vient la tendresse du monde
quand je
fleuris et me défeuille
quand le
poème brûle
j'ai la
ferveur d'aimer
****
Sous la
couronne du temps
le printemps
se défeuille
Nos vies se
vivent
et
s’essoufflent
aux confins
obscurs
Pourtant
dans le jardin
le cœur de
l’arbre
porte le nom
de l’aimée
la pierre la
main de l’étincelle
Blancheur du
désert glacée
dans le sang
de la ville : quel air respirer
sous la peau
de l’inaccompli
rayon de
lune
Je serai où
tu seras
un bourgeon
détaché du vide
par amour de
la lumière
Nous
continuerons de fleurir
pour réparer
le nom du
monde
***
Clartés
Noces
chimiques de
La lumière
noire
Intérieure
Aucun rayon
ne transperce
les noces
chimiques de
la lumière
intérieure
elle reste
silencieuse
et noire
Sous
l’écorce
la nuit
partout
les mains
battant
le secret du
mot
d’amour et
les corolles
d’alphabet
égrené comme
un commencement
du monde
J’ai posé la
lumière au sommet
de l’ombre
pour sauver
le chemin
et que les
yeux puissent encore
habiter
son visage
****
voix comme
une seconde
peau
vous
enveloppe
toi et mon
dieu
une fente
dans l'écorce
restée
sans réponse
mille ans de
douleur
pour un jour
sans voix
le corps
doit attendre
sous ses
fougères de sable
que se
rassemblent les mots
pour ouvrir
le temps à la voix
du monde que
nul
autre
n'entend que toi
***
quel ange
pour libérer
la terre
du silence
la mer
s'est
ouverte devant nous
le printemps
hâte
l'avenir des
mots
déroulé le
rouleau
de
l'espérance
il devient
une colonne de sel
au secret
devant ton
visage
j'ouvre le
livre
où tout
s'écrit
mon amour
n'a besoin
de signes ni
de fêtes
pour sortir
à
la lumière
du
monde
le ciel
reste
à la hauteur
du monde
un arbre
portant
fruit
ici
devant le
signe
nous
retournons à l'écorce
de lumière
une première
peau
nous rejoint
presque
le souffle
au bout du
corps
prend feu
****
Prière
rassasié de
silence
le désir en
dedans
dit le désir
du dehors
il appelle
d'autres lèvres
un autre
codeur
à mettre du
sens
dans le
corps
à le
rapprocher du temps
l'échelle du
ciel posée
contre ton
oreille
****
Votre main
suffirait à me donner la nostalgie de la présence :
fenêtre à
ouvrir outre ciel.
La lumière
sur le marbre du temps, étincelante et dispersée, se
rassemble
dans une main, ouverte sur les directions essentielles :
ligne de
cœur, ligne de vie.
Le monde est
un territoire enclos dans la peau, fleur et fibres.
Et le temps
commence là où il disparaît.
Vers cela,
en dedans, pointe le jour
***
Avec
Ronny Someck, Michel Eckhard-Elial
publie chacun rédigeant une partie :
« La poésie n’est pas une métaphore »
aux éditions Levant.
Extrait :
La poésie
est le plus court chemin de l’homme au monde,
Alain
Suied
Habitée par
le monde la poésie n’est pas une métaphore filée
dans l’antre
des dieux et des astres. La poésie ne dit rien que ce
qui pousse
en elle, comme l’arbre de vie, de ces racines qui ont la
nostalgie du
ciel et la force tellurique des volcans en gésine sous la
langue.
Elle signe
cette vérité du Livre de la Création que le monde
a été créé
dans une parole.
Bereshit, in principio, Elohim n’a pas
simplement
créé, il a dit. Et si le monde a été créé par la parole, la
poésie a été
créée dans les fragments d’une parole une et nue, à la
fois intime
et universelle.
En d’autres
termes, dans le poème c’est l’esprit de Dieu qui
plane et
souffle dans chacun de ses vers. Le poème devient ainsi
le signe de
ralliement du temps et de l’espace à la mémoire du
commencement
renouvelé. C’est dans cette lumière de l’origine
désormais,
qui a la pureté du cristal et de la foudre, que le poème
connaît les
déplacements de la vapeur d’eau ou des orages : il sème
la prophétie
des matins clairs et habille l’obscurité de fontaines
creusées
dans les airs. Que de métaphores s’ouvrent pour transporter
les
effusions du chant dans la rotation de la terre et interroger le
mystère de
l’esprit et des sentiments, comme autant de méridiens
mûris en
l’ultime retour de l’éveil solaire : dans ses mains flambe
l’œil du
rêve et la présence au monde de la clarté souveraine.
|