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Christian Saint-Paul 
 
"Les murènes
 
monotones"
 
poème radiophonique

 

pour Radio Occitania

 

19/12/2019

 

 

 

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Christian Saint-Paul lit un de ses premiers poèmes radiophoniques :

« Les murènes monotones »

 

qui fit l’objet de trois éditions, 1967, 1969 et 1979 dernière édition augmentée.

Ce long poème destiné à être lu à la radio sera inclus dans une future anthologie.

 

Extraits et notes en fin de page :

 

René-Guy CADOU avait le monde entier dans

son jardin :

le monde entier dans un jardin et une femme

avec la mort pour compagne,

et un destin tout droit et familier :

la mort comme le château au bout de l'allée.

 

Je suis riche des voix qui se sont arrêtées

comme une horloge mal remontée ;

riche des échos qui ont le vertige des montagnes

et la force de la foudre.

 

Mille douleurs à vous mes frères :

Giauque - Prével - Crisinel - Neveu - Millot -

Artaud -

et mon double frère Tristan Corbière

je t'embrasse pour dix mille ans

que nous aurons à rire ensemble

Marcelle et mes murènes devenues sirènes

dans la lumière étincelante

de ton sillage qui m'aspire.

 

Tristan Corbière !

la mer à peine plus large que la rivière.

Et ce bruit de galets si particulier

de ton long corps désarticulé.

Tristan Corbière,

qu'on m'apporte tes vertèbres

qui ont plié d'amour sous le sextant.

Et que t'importe la latitude :

la mer est une boucle

de vieux ceinturon de pirate.

Tristan Corbière,

Marcelle à cheval sur une lame,

et ton cœur pour elle

qui bande comme mât

orphelin de voiles

dans les tempêtes.

 

Claude Saguet, l'amitié partagée

comme du pain dans la petite chambre,

la poésie qui niche au dernier étage,

derrière la porte comme une fleur qui s'ouvre

le pas en avant dans les paroles

sur la pierre du Mexique la marine marchande

le bleu de travail

et toujours en sortant je rêve

que je suis ton voisin de quartier.

 

[...]

Pour l'éclusier de la mortqui m'a ouvert quelques frontières pour les baisers anonymespour les cimetières blancs écoutant l'océan à Rabatpour 
l'agneau que l'on égorgeen chantant Dieupour la mule dans sa noria pour le chagrin sans larme la haine sans violence et le sourire sans remordpour ces routes 
qui nous ferment leurs genoux gardant le meilleur d'entre nous pour le sommeil qui grippe la parole de ceux qu'on écoutaitpour l'herbe qui se couche comme un chien 
sous nos dos de misère pour le froid qui se terre sous l'écorcepour les bateaux qui trainent un murmure de larmes et débarquent ces aveugles d'avoir laissé aux autres
leur soleil de chaque jourpour le toro agenouillé avec son regard plus haut que l'arène mais sans toucher au ciel pour tout cela je t'aime c'est-à-dire pour la réalité notre unique évasion.
[ ...]Une vieille Ibizienne à la natte séculaire grimpe éternellement les marches raides de la
citadellele visage plissé par des tourments anciens. Deux mille ans survivent à son malheur muet que les temples emprisonnent avec le sang versé et l'errance des naufragés dans les flots recéleurs. 
Le vent porte l'ombre du "LAMORICIERE" (1)dans les criques désertes en rade du destin,les amours noyées jamais n'ont abordé.
[...]O corps flottant comme le remord dans le Rio de la Platayeux crevés comme un œuf, tortues sans carapace cliquetis de chaînes que l'on dispute aux chiens. 
Dans la pampa au relief d'omoplate des gauchos d'apocalypse éperonnaient la mort, conduite dans le cortège de ses épousailles : scarabées rouges de la conquête tueuse de poux aux poches épouvantables qui enflent kyste
liturgiquedans la fabrication des moules pour sourds-muets plutôt qu'aveugles :Borges en fête !rue Florida Campanys (2) portait le verbe haut fleuri comme sa barbe blanche de Santiago il ramenait l'enfant mort-né de
l'amourles mains inaccessibles des suppliciés mais il ne connaissait pas ce poème de Michel ECKHARD"A Santiago du Chili il y a des femmes enceintes de soleil"A Buenos-Aires le soleil n'engrossait plus les
femmesqui pleuraient dans les journaux leurs fils
guérilleros.O masques obscènes de la peur qui traînait sa contagiondans la ville aussi noire que les canons des mitraillettes,dans le tango qui suivait partout, chien galeux, à l'entracte des cinémas,dans les trains de nuit qui me ramenaient à la
solitudeivre de paroles incertaines de visages défaits comme des draps.

[...]

Où passent les cigognes

disait le vieillard

le ciel est découpé.

Il tombera sur nos têtes

dans le bruit des ailes déployées.

 

Mais les cigognes dominaient Algésiras

et se partageaient les toits de Tanger.

 

De guerre lasse

les larmes douces au cou des femmes

roulaient leurs idées noires.

 

Ces femmes avaient de leur veuvage

des reflets de pétrole

et la voix sourde des longues agonies.

 

La nuit, il fallut résister à la vermine

la paillasse souillée et la lucarne sur les quais,

Algésiras aussi était en partance

fini les voiliers blancs où s'accouplaient les rêves

déchirés

la voile avait quitté le mât de misaine

le port regorgeait de désirs indigents de gorges

tranchées.

 

Si le jour fouillait les poubelles

le pas élastique des éboueurs les ordures dans les

paniers d'osier

cette salve de rires lâchée contre la peur

si le jour grattait l'oreille des miséreux

c'est que leurs ombres étaient parmi eux.

 

Transfuges du désespoir voleurs d'éclaboussures

chameliers du silence liquoreux des prières

ils avançaient dans les tisons du nouveau jour

quelque part il seraient flamboyants

cathédrales en ruines navires en détresse.

 

A la jointure des deux mers apparurent les

dauphins

promesses souples lueurs d'épées sauts de

moutons métalliques

qui leur montraient l'Afrique comme une main

crispée

des châteaux en Espagne aux palais des sultans

les amours rauques des paroles étrangères

se mordaient la queue comme un chien en folie.

 

Au crépuscule les murailles de Rabat étaient

jaunes comme l'urine

la nuit investit tout dans le détachement d'opium

les souvenirs flottaient

symphonies dans les neiges éternelles

des montagnes osseuses.

 

Les bleus prirent le dessus

sur les violets égrillards d'une mémoire exacte

au rendez-vous des voltigeurs.

 

Voyageurs du mal possible, pèlerins de l'enfance

riverains des bas-fond, courtisans de l'inquiétude

ils tuèrent le temps à coups d'images à bout portant

et provoquèrent le déluge (3) sur les oueds en délire.

*****

Notes de l'éditeur(1) en Janvier 1942, le paquebot "LAMORICIERE"qui venait d'ALGERIE via la FRANCE, sombra aux larges des Baléares. 
Il y avait à son bord la femme du poète Max-Pol Fouchet, Jeanne Fouchet(2) professeur de linguistique à l'Université de Paris et neveu du Président de la Députation de Catalogne 
qui, sous le régime de Vichy, fut extradé de France pour être fusillé par les franquistes, Campanys et l'auteur parcoururent ensemble Buenos-Aires en 1976.(3) en Décembre 1969 et Janvier 1970, 
l'auteur fut guidé au Maroc par le poète Michel BOCQUET, originaire des lieux. Il y eut à cette période d'importantes inondations.

 

 
 

 

 

Brigitte

Maillard

 

 

12/12/2019

 

 

 

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Cecile

COULON

 

 

05/12/2019

 

 

 

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Voir l’éditorial de Christian Saint-Paul du 14 01 2020 concernant cette émission

Présentation de :

1 ) Maurice Genevoix Trente mille jours

Le charme singulier de Maurice Genevoix joue ici, plus puissamment encore que dans aucun de ses livres. D’une enfance sur les bords de la Loire au secrétariat perpétuel de l’Académie française, en passant – surtout – par l’effrayante déchirure de la Grande Guerre, ces pages retracent neuf décennies de fidélité à soi-même. Qu’il évoque une marche au brame dans les forêts de Sologne, le regard des compagnons massacrés dans la boue des Éparges ou les premières terreurs d’un enfant découvrant la mort, Maurice Genevoix témoigne de la même douceur obstinée, de la même «justesse» au sens fort qui nous font complice fraternel de sa mémoire. Il y a dans ces Trente mille jours paisiblement restitués l’illustration – et l’explication – du «mystère Genevoix».

La petite vermillon (n° 472)

352 pages - 8,90 €

****

2) Michel Bernard Pour Genevoix

Collection La petite vermillon (n° 473), La Table Ronde 224 pages, 7,30 €

«À trente-quatre ans, j’ai éprouvé de nouveau l’empoignade d’une lecture d’enfance. Elle a duré deux nuits. Je relisais, bouleversé, Ceux de 14. […] M’apprêtant à écrire sur les paysages du Barrois et de la Woëvre, j’avais pensé recevoir d’une nouvelle lecture de Genevoix la bénéfique influence. Sa réputation de paysagiste était solide et l’on disait qu’il n’était pas seulement le meilleur peintre de la Loire, mais aussi de la nature meusienne. Je pense maintenant que la cause était plus profonde.»

****

3 ) Pascal Tonazzi La grande histoire de Notre-Dame dans la littérature éditions Le Passeur Collection « Le Passeur Poche »,352 p. 8,90 €

À travers des extraits d’œuvres de nos plus grands écrivains, l’auteur raconte à la fois l’histoire de Notre-Dame de Paris et sa place dans l’Histoire des hommes.

Depuis plus de huit cents ans, Notre-Dame de Paris fascine, captive, inspire. Pour tous, elle a toujours été plus qu’un monument. L’émotion suscitée lors de la récente actualité en est une preuve. Partout dans le monde, Notre-Dame en flammes a créé un émoi profond.Les chroniqueurs du Moyen Âge, les plus grands écrivains français et étrangers, les poètes, ont non seulement admiré, mais aimé Notre-Dame de Paris, nous restituant leurs impressions par des écrits où ils semblent tous avoir été touchés par une grâce particulière. L’auteur, qui pendant plus de quinze ans a rassemblé une somme de données éparses dans de nombreux ouvrages, nous livre ici les fruits de ses recherches et nous raconte avec simplicité l’histoire de ce monument qui a fasciné et fascine encore. Notre-Dame de Paris unit ainsi dans une même ferveur Claudel, Hugo, Freud, Verlaine, Rabelais et Proust, et tant d’autres. Un voyage à travers les siècles avec les plus grands auteurs pour guides. L’histoire de ces pierres conte aussi l’Histoire des hommes.

Pascal Tonazzi est passionné par Notre-Dame de Paris depuis toujours, il a passé plus de quinze ans à faire des recherches sur le sujet.

 

****

4 ) Cécile Coulon « Les ronces »

Le Castor Astral éd. 163 p. 15 €.

Cécile Coulon est une romancière, nouvelliste et poétesse française.

À l'âge de 16 ans, elle publie son premier roman intitulé "Le voleur de vie" (2007). Elle passe un baccalauréat option Cinéma. Après des études en hypokhâgne et khâgne à Clermont-Ferrand, elle poursuit des études de Lettres Modernes. En 2016, elle prépare sa thèse dont le sujet est "Le Sport et le corps dans la littérature française contemporaine".

Son premier recueil de nouvelles, "Sauvages", est paru aux Éditions Revoir en 2008. Elle publiera ensuite "Méfiez-vous des enfants sages" (2010), "Le roi n’a pas sommeil" (2012), prix Mauvais Genres France Culture / Le Nouvel Observateur, "Le rire du grand blessé" (2013), "Le cœur du pélican" (2015).

 

À 26 ans, elle publie son huitième livre, le roman "Trois saisons d'orage", qui obtient le prix des libraires 2017. Son premier recueil de poèmes "Les Ronces", a paru en 2018 au Castor Astral.

Les ronces convoquent le souvenir de mollets griffés, de vêtements déchirés, mais aussi des mûres, qu’on cueille avec ses parents dans la lumière d’une fn de journée d’été, alors que la rentrée scolaire, littéraire, approche.

Entre les caresses et les crocs, Les Ronces de Cécile Coulon nous tendent la main pour nous emmener balader du côté de chez Raymond Carver. Sur ces chemins, elle croise des vendeurs de pantoufles, des chiens longilignes, un inconnu qui offre une portion de frites parce qu’il reconnaît une romancière…

La poésie de Cécile Coulon est une poésie de l’enfance, du quotidien, de celles qui rappelle les failles et les lumières de chacun.

Le livre a reçu le Prix Apollinaire 2018 et le Prix Révélation poésie de la SGDL 2018. 

Lecture d’extraits

 

Devant la maison

Devant ses prairies que le printemps

balaye d’une pluie tiède

en fin d’après-midi

il avance jusqu’au perron,

pur de toute rumeur que le chant

de la ville refuse d’apporter,

maladroit sur ses jambes mordues

par la vieillesse.

Il ne souffre pas,

du moins c’est ce qu’il dit ;

la porte n’est pas fermée

sur lui

qu’il se retourne et chuchote

à la terre de ses ancêtres

comme à une femme qu’il désire

encore

après quarante années

dans le même lit :

« Toi, ma tendre, ma douce

tu es le plus bel endroit

du pays. »

 

 
 

 

 

 

Anne

CAMERON

 

28/11/2019

 

 

 

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27/11/2019

 

 

 

Georges

Cathalo

21/11/2019

 

 

 

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Christian Saint-Paul signale la parution des deux derniers livres de Michel Baglin (1950 - 2019) :

Guy ALLIX, Michel BAGLIN

je suis... Georges Brassens

Les copains d'abord

96 pages

10 € Jacques André éditeur

Je suis… Georges Brassens, le chanteur. Mais j’aurais voulu qu’on se souvienne pas seulement de moi pour avoir passé ma vie à écrire des chansons et les avoir chantées au point de devenir riche et célèbre, malgré ma timidité. Oui, j’aimerais que vous sachiez que ces chansons, c’étaient de la poésie, des célébrations de la vie, de l’amour et surtout de l’amitié. J’ai tellement aimé mes amis... Je profite donc de ce petit livre joliment illustré pour vous raconter qui j’étais vraiment, mon enfance dans la belle ville de Sète où je suis né, comment je suis devenu le fameux Georges Brassens en restant malgré tout fidèle à mes amis, à mon amie et à mes idées, car j’étais un anarchiste, révolté par l’hypocrisie et la mesquinerie.

et

Les mots nous manquent

préface de Jean-Pierre Lemaire

éditions Rhubarbe, photographie de couverture Guy Bernot 100 pages, 12 €

Les mots nous manquent « Devant l’énigmatique beauté qui nous submerge et nous dépasse », et devant le nœud mystérieux rattachant la vie qui nous comble à la mort qui nous dépouille. Pourtant, les mots sont bien là, les mots nécessaires « pour se poser, marcher, trouver de petits passages dans le réel vers les autres et vers soi-même ». La poésie est ainsi tendue entre les deux pôles qui n’auront cessé d’aimanter Michel Baglin : constat de l’impuissance du langage en face d’une réalité trop belle ou trop atroce, confiance malgré tout dans le langage, indispensable pour la célébrer et la dénoncer quand il le faut.Michel Baglin renoue avec la poésie de la célébration, le souffle large, le verbe haut, naguère assumés par Claudel et Saint-John Perse. Cependant, le sentiment qui l’anime n’est pas celui du conquérant annexant de nouvelles terres au langage ; c’est, plus simplement, la gratitude pour ce qu’offre la vie, jusque dans les détails : « Merci au mimosa citron qui nous enneige de lumière, nous offre le soleil en flocons ».Mais la différence majeure par rapport aux odes de Claudel et Saint-John Perse, c’est que la célébration n’ignore pas la part sombre, voire ignoble, du réel, la part qui défie le chant.Mais qui nous dira comment chanter la mer qu’on asphyxie, la forêt qu’on déboise, la rivière qui pue ? (…)Et Michel Baglin reprend alors le fil d’une autre tradition, celle de la poésie engagée.

Jean-Pierre Lemaire (extrait de la préface)

Ces deux livres feront l’objet d’une émission prochaine.

****

Christian Saint-Paul reçoit son invité :

Georges Cathalo

Né le 22 décembre 1947 à Albi, il a passé toute son enfance dans la campagne tarnaise avant de devenir instituteur. Il vit depuis lors à Saint-Vincent, non loin de Toulouse. Il est marié, a deux filles et trois petits-enfants. Il est à la retraite depuis 2003.

Ses premières publications poétiques, en revues, datent de 1974. Il a fait partie des Comités de Rédaction de plusieurs revues comme La Tour de Feu, Texture, Rétro-Viseur et Friches. Ses textes ont paru dans de nombreuses revues et anthologies. Sa bibliographie comprend actuellement 40 recueils parus essentiellement chez des éditeurs dits "confidentiels" ; la plupart de ces ouvrages sont épuisés. Parmi les plus récents, on peut citer :

Noms communs (Gros Textes éd., 2004)

Quotidiennes pour oublier (La Porte éd., 2006)

Absurdement vôtre (Mots & Cie éd., 2006)

L'échappée (Encres Vives éd., 2006)

Brèves d’Ovalie (Chiflet & Cie éd., 2007), avec Laurent Galès

Quotidiennes pour dire (La Porte éd., 2007)

A l’envers des nuages (Encres Vives éd., 2009)

Noms communs, deuxième vague (Gros Textes éd., 2010)

Brèves d’Ovalie, deuxième mi-temps (Chiflet & Cie éd., 2011), avec Laurent Galès

Au carrefour des errances (Airelles éd., 2011)

Quotidiennes pour écrire (La Porte éd., 2011)

Quotidiennes pour résister (La Porte éd., 2013)

Près des yeux près du cœur (La Renarde Rouge éd., 2014)

La feuillée des mots (Henry éd., 2014)

Quotidiennes pour interroger (La Porte éd., 2014)

Brèves d'Ovalie, troisième mi-temps (Chiflet &Cie éd., 2015), avec Laurent Galès

Bestioleries poétiques (Les Carnets du Dessert de Lune éd., 2015)

Quotidiennes pour lire (La Porte éd., 2016)

Quotidiennes pour survivre (La Porte éd., 2018)

La cendre de nos jours (A l’index éd., 2019)

C’est ce dernier livre « La cendre de nos jours » avec des collages de Marie-Claude Cathalo qu’il présente aux auditeurs.

Entretien avec Christian Saint-Paul et lecture d’extraits.

Voir sur ce même site l’éditorial de Christian Saint-Paul « La cendre de nos jours »

 

 
 

 

Svante

 

SVAHNSTROM

 

14/11/2019

 

 

 

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Casimir

 

PRAT

 

07/11/2019

 

 

 

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En préambule, Christian Saint-Paul signale la parution de :

 

Pepetuna de Apirana TAYLOR

 

Traduit de l’anglais (Nouvelle-Zélande) et du maori par Manuel van Thienen et Sonia A. Protti. Illustré par Germain Roesz

Dans la collection : Po&psy princeps

 

Apirana Taylor, né en 1955 à Wellington (Nouvelle-Zélande), est un écrivain māori et pākehā (européen). Poète, scénariste, romancier, nouvelliste, conteur, acteur, peintre et musicien, il voyage sur le territoire néo-zélandais et au-delà (Inde, Europe, Colombie...) en qualité de poète et de conteur.

***

Cette vue de Rutger KOPLAND

Traduit du néerlandais par Jan Mysjkin et Pierre Gallissaires. Dessins de Jean-Pierre Dupont

Dans la collection : Po&psy princeps

Rutger Kopland est le nom de plume de Rutger Hendrik van den Hoofdakker (1934-2012), qui fut professeur en psychiatrie biologique à l’université de Groningen, aux Pays-Bas. Il est l’auteur d’une œuvre poétique importante, qui a donné lieu à deux choix de poèmes en version française : Songer à partir (1986) et Souvenirs de l’inconnu (1998).

« Le poète ne cherche pas à exprimer quelque chose qui semble déjà être là, tout prêt, dans sa tête. Il cherche au contraire à écrire quelque chose qu’il n’a jamais lu auparavant. Au moment où le poète pense : « maintenant que je lis ceci, je lis autre chose que ce que je voulais dire un jour », c’est à ce moment précis que le poème est terminé. Il reconnaît une partie inconnue de lui-même. Et quand on lui demande de quoi il s’agit dans le poème, il répond : « je ne sais pas, seul le poème est capable de le dévoiler ». La parole dans ma poésie n’est donc pas au poète mais aux poèmes. » (Rutger Kopland)

****

La lumière d'hier de Lucian BLAGA

Traduit du roumain par Andreea-Maria Lemnaru. Illustré par Sophie Curtil

Dans la collection : Po&psy princeps

Lucian Blaga (1895-1961) est un philosophe, théologien et poète roumain, membre de l’Académie roumaine. Il entre dans la carrière diplomatique en 1926. Il est successivement en poste à Varsovie, Prague, Vienne (1932), Berne et Lisbonne (1938). Élu à l’Académie roumaine en 1937, puis professeur à l’université de Cluj en 1940, il fut un temps proche du courant existentialiste et anti-rationaliste de « Gândirea » (« La Pensée ») – qui fondait la « roumanité » dans le vécu orthodoxe – mais a fini par s'en éloigner. Au lendemain de la guerre, le régime communiste le réduit à l'isolement (en allant jusqu'à s'opposer à ce qu'il puisse concourir pour le prix Nobel). Il ne lui reste plus alors que son lyrisme pour chanter en poète ce que lui inspire « l'étoile la plus triste ».

Écrivant dans une langue archaïque, proche des incantations et des conjurations populaires de la tradition orale, ce poète attaché à sa Transylvanie natale connaît intimement l'esprit chtonien des campagnes. Dans ses vers, le chemin silencieux des pierres côtoie l'absence cruelle d'un dieu voilé. Pour Blaga, le taureau, « lumière née de la lumière », qui accueille chaque matin le soleil entre ses cornes, est le « Dieu véritable ». Mort et renaissance se succèdent : les cercueils « laissent s’envoler vers le ciel d’innombrables alouettes » et « les bourgeons et l'herbe » poussent aussi vite « que les ongles et les cheveux des morts ». L'être marche aux côtés du non-être.

 

Entre expressionnisme et néoromantisme, l'œuvre poétique de Lucian Blaga exprime une mystique de la terre qui se dit en mots de l'esprit.

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Ces livres feront l’objet d’un développement dans une prochaine émission.

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Il y a un chemin,de Brigitte Maillard, éd. Librairie Galerie Racine.

« Ce livre s’est écrit ces deux dernières années. Il poursuit cet élan intérieur, ce dit de l’expérience, qui va de La simple évidence de la beauté, Soleil vivant soleil, A l’éveil du jour, à L’au-delà-du monde.

Autant de titres de recueils qui tracent un chemin de création. La vie intérieure, l'intime de la transformation personnelle, se dévoilent chaque jour un peu plus. La parole poétique les révèle avec une force que je n’imaginais pas. La poésie est à pied d’œuvre sous les nuées…

Vers libre et prose créent ici un texte poétique dont l’intensité m’a surprise. Il n’impose pas son chemin. Il dit qu’une voie est possible, que la vraie vie n’est pas une image, qu’il s’agit de se mettre au monde pour La vie devenir. Il porte une furieuse espérance.

La vie n’est belle que si tu la désires. Elle t’appartient totalement, et te donne sa liberté consciente et rêveuse, sa tendresse insoumise, sa transe magnifique.

Nous sommes de la même seconde, du même souvenir. Il n’y a pas de distance entre nous, juste ce fragile éclat qui porte le nom de liberté.

 

Les périodes sombres traversées, n’est-ce pas le chant du vivant qui veut pousser son cri, être percé à jour ? »

 

Ce livre fera l’objet d’une émission prochaine.

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Diffusion du poème « Moineaux de l’an 1920 » de René Guy Cadou mis en musique et chanté par Martine Caplanne.

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Annonce d’une soirée hommage à Michel BAGLIN à la Cave-Poésie de Toulouse le 18 novembre (voir photos sur ce site) ; annonce d’une soirée Svante SVANTRÖM le jeudi 21 novembre à la Maison de l’Occitanie à Toulouse.

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Christian Saint-Paul reçoit son invité le poète Casimir PRAT .

Fils de réfugiés politiques espagnols, né en 1955 (de son vrai nom Jean Philippe Lopez) à Toulouse.

Selon Michel Baglin (in TEXTURE): " A une œuvre derrière lui, une écriture saluée à ses débuts par Francis Ponge (qui préfacera son premier recueil "L'Horreur ou la Merveille" chez Multiples) puis Gaston Puel et bien d'autres. Une douzaine de recueils et de plaquettes de poésie jalonne un parcours marqué en 1989 par l'attribution du prix Antonin Artaud et du prix Max-Pol Fouchet en 1995."

 

Prend un pseudonyme (dont il vous expliquera le choix, si vous avez la chance de le rencontrer) car, pour lui, "écrire c'est être soi-même plus un autre, plus un autre, puis un autre...etc pour finir par dire que les choses ne peuvent pas être autre chose que ce qu'elles sont..."

 

Depuis 2005 s'est mis "en retrait". En recherche (ou à l'affût) d'une nouvelle source.

 

Un seul livre de Casimir Prat reste disponible à ce jour: "Sait-on jamais" (Poèmes 1995-2004) chez Gallimard/L'Arpenteur(2005)

(et qui présente, au début, la bibliographie intégrale de C. Prat depuis 1980 dont tous les titres sont épuisés).

 

Casimir Prat qui refait surface dans l’univers enthousiasmant de la poésie, parle abondamment de Pessoa, d’Eri de Luca, de Josette Segura dont il lit un extrait de son livre « Au plus près de nos pas » (Les Cahiers d’Illador éd. 15 €, bulletin de commande sur ce site à « Parutions »).

 

Casimir Prat lit de larges extraits de ses livres.

 

Bien des choses sont restées obscures.

Le vin au fond des verres.

Les chaussures en bas de l'escalier.

Les trois allumettes usagées à côté de la bougie

(pourquoi trois ?)

Et la montre cassée, au fond d'un tiroir, avec les poèmes.

(Tiré de "Vers la nuit", éd. L'Arrière-Pays, 1996)

****

Nous regardons la terre puis, assis,

les mains croisées sur d'infimes nouvelles,

nous regarderons nos ombres frémir contre le mur comme

des feuilles d'acanthe.

 

Nous regarderons nos ombres et celles aussi des chaises

qui attendent assises derrière nous

(cachées derrière leur propre attente);

 

la cime orange du cyprès s'endormira dans le ciel bleu,

laiteux et plein de précautions:

nous oublierons, en nous taisant, ce que nous avions dit

-- que nous nous étions quittés.

 

(Tiré de "Au moment de Partir", éd. L'Arbre, 1993)

****

Les sœurs sont si claires, si sévères, le soir;

elles se taisent longtemps mais l'ombre de leurs lèvres

survit sur la vitre:

gouttes de pluie, vieux brins d'herbe...

Que savent-elles ? Elles sont pauvres, peut-être,

et toujours se tiennent droites devant le chien étranger

qui les effraie.

Etrangères...

 

La nuit, elles ouvrent portes et fenêtres

et le vent qui ignore tout

court sur leur ventre

comme une araignée bleue, une fleur légère sur leur ventre

immobile...

Elles sont si claires, si certaines, le matin, quand elles

enlèvent la feuille de leurs cheveux

et rangent le savon blanc en évidence sur l'évier

comme preuve que le jour est bien là -- qui les allège.

Et elles préparent le repas.

 

(tiré de "Elles habitent le soir", éd. L'Arbre, 1988)

****

QUAND IL N'Y AURA PLUS DE LUMIERE

 

Jusqu'à la fin -- parlez. Qu'ils ne sachent pas combien vous avez

pitié d'eux.

Jusqu'à la fin -- cachez-leur les nouvelles fissures dans les murs,

dans les nuages,

dans les silences, dans l'ombre du figuier mort.

Ne leur dites rien des morts -- et des vivants, encore moins.

 

Inventez n'importe quelle raison

pour qu'ils rebroussent chemin le plus vite possible;

et qu'ils laissent tout tel quel: les feuilles,

les oiseaux, les dimanches, les caresses,

les manuscrits mal ficelés empilés sous la table (leurs questions

embarrassantes);

et même, les éclaboussures vert-de-gris des rochers le long de

la falaise.

 

Parlez encore, même quand il n'y aura plus de lumière

et qu'il ne leur restera plus rien:

même pas la pauvreté -- à rouler

et dérouler, sur les genoux,

comme un ourlet défait

(et même plus la résignation douloureuse du tissu quand il n'y

aura plus d'ourlet).

 

(tiré de "Sait-on jamais", Gallimard / L'Arpenteur, 2005)

*****

 

 
 

 

 

Jacques

LOUVET

 

31/10/2019

 

 

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Christian Saint-Paul signale la parution de deux ouvrages aux éditions Alcyone et en donne des extraits.

 

1 )

 

ÉCLATS, de Roger Gonnet

EDITIONS ALCYONE (Coll. Surya).

Docteur en médecine, Roger Gonnet a fait paraître jusqu’à aujourd’hui 47 ouvrages et est répertorié dans la poéthèque du site du Printemps des poètes. Ayant vécu depuis l’enfance à proximité des arbres et d’une rivière, il a, dit-il, “contemplé le ciel et composé avec les nuages. La lumière que j’en ai reçue s’est répandue sur mes écrits”.À propos du présent recueil, Eclats, Roger Gonnet écrit : « Nous vivons d’éclats, les remous n’y changent rien. Nous écartons la nuit pour mieux rendre grâce à la beauté offerte. Nous allons vers la lumière comme l’été vers le soleil. Nous imaginons la mer qui scintille et le ciel toujours bleu. Nous traversons la vie comme nous traversons la rue au soleil. Nos mains s’appuient sur la tendresse d’une vie où le bonheur nous appelle. Nous sommes prêts à en recevoir les “éclats”. ”

Témoin des traces laissées dans la décoloration de l’obscur, il est attentif à ce qui apparaît fugitivement sous l’éclair, et qui donne sens au parcours.

La nuit allumée, l’immensité s’ouvre

 

Sur le ciel que la nuit crayonne

tu vois danser les lampes

la lune trotter

sur les trottoirs du temps

 

L’ombre réduite au ressac de l’encre

la nuit étale ses chiffons

charbonne les images

 

 

Tu voudrais lui nettoyer les mains

 

**

 

Sur les vasières il n’y a plus d’oiseaux !

 

Nous vivons d’éclats, les remous n’y changent rien ; il

 

aurait fallu nommer la foudre et l’éclair.

 

Les bleus défaillants

nous traversons la nuit comme un désert

avec nos lanternes fragiles

et nos paroles qui brûlent

 

Nous ouvrons les yeux

sur les étoiles qui nous émerveillent

 

**

 

Par les passages anciens

Tu frôles les murs

sans savoir qui se cache

dans le touffu des arbres

Tu frôles les murs

sans savoir ce qui bouge avec le vent

Tu fais confiance aux oiseaux

**

2 )

LE BAL DES CHOSES IMMOBILES

de Joëlle Pétillot

Editions Alcyone (Collection Surya)

Joëlle Pétillot est née en 1956, d’un père dessinateur, illustrateur, peintre, et d’une mère pianiste. Très tôt, pour des raisons familiales, elle a compris l’importance de la transmission et de la mémoire. La voie de l’écriture s’est imposée d’elle-même, comme une trace et une ouverture au monde. Elle a publié dans plusieurs revues : Lichen, Reflets du Temps, L’Ardent Pays, Le Capital des mots, La Cause littéraire, Possibles, Poésie première, Incertain Regard, Décharge (Le choix de Décharge) Comme en poésie, ARPA Écrits du Nord, Verso, Recours au poème, Traction Brabant. Participation au collectif De l’humain pour des migrants, Éditions Jacques FLAMENT. Elle a fait paraître aux Editions Chemins de tr@verses : La belle ogresse (roman), La reine Monstre (roman), Le hasard des rencontres (nouvelles).

Evoquant Le Bal des choses immobiles, Joëlle Pétillot écrit : " Être revient à vivre une longue suite de moments courts. De ces brèves minutes - un pas foulant un sol boueux, un train qui passe, une aube, une enfance, un amour, un linge tendu sur un fil - la poésie a le pouvoir de saisir la beauté vive dans ce qu’elle a à la fois de faillible et d’irremplaçable. C’est à une danse que nous sommes conviés ici, à ce bal des choses communes à toute vie, épinglées juste avant leur entrée dans ce que Victor Hugo appelait « cette taupe aveugle, le passé ». Pour qu’il en reste une survivance brillante, une marque accessible, juste en fermant les yeux.

Hêméra esti.

 

L’heure incertaine où l’obscur joue à perdre contre l’aube.

Il faut dire pour coiffer un silence au poteau.

Dire la nuit des choses comme une mort dont on s’éveille, le têtu à vivre, les silences glissés dans les chants d’oiseaux. L’aube grosse de tous les crépuscules, la lettre écrite du corps à l’âme

« Je sais que de nous deux c’est toi qui t’enfuiras. »

Dire l’étoile-océan qui marche sur le ciel, masquée de plein jour.

Dire le quand même de sa beauté.

Dire le poids de l’autrement dans les regards pluriels.

Dire enfin cet hors limite de soi comme une répudiation, pour trouver, tout au fond, le point exact du reniement.

L’aube, cet arrêt du cœur, ce repos.

Juste une île

Elle n’enfante que la lumière dont elle prend un peu de part.

**

Je demande

Aux grillons qui s’invitent

La nuit d’été pâlie d’étoiles

La tache de soleil qui lève le chagrin

Au regard où pas un atome ne ment

Aux rêves assignant le matin pour mieux s’y perdre

Je demande

La lumière

Magnanime

Déposant sur la pierre

Un sang de vitrail.

**

Christian Saint-Paul reçoit Jacques LOUVET auteur compositeur interprète.

Né en 1949 en Algérie, il arrive à Montauban en 1962. Il y rencontre Christian Saint-Paul au lycée Ingres de la ville. Déjà, il est l’auteur de chansons et anime avec succès les fêtes de fin d’année scolaires au Cinéma Le Paris et fait salle comble.

Il retrouve Christian Saint-Paul à Toulouse lors de la remise d’une médaille qui lui fut décernée par l’Académie des jeux floraux le 3 mai 2019 pour sa chanson : « Les outre-frères » qui fait allusion à ses frères d’Algérie avec lesquels il a passé son enfance.

Diffusion de 7 chansons de son album « Le rêve s’insinue » que l’on peut commander directement à l’auteur : jacques.louvet0@gmail.com  (10 €)

L’écoute des chansons alterne avec un entretien avec Christian Saint-Paul.

Les outre-frères

 

Tu peux me dire le sable blanc

Qui engloutissait nos empreintes

Tu peux me dire le doux silence

Et la beauté du soir qui vient

 

Tu peux me dire les iles bleues

Qui s’endormaient sans une plainte

Tu peux me dire les matins flous

Où l’on ne distinguait plus rien

 

L’envol par dessus les rochers

Où terre et mer viennent sourire

L’ombre volée aux pins penchés

Le chant du jour qui va finir

 

Tu peux me dire ces belles choses

Depuis la place aux trois fontaines

Les rues trop grandes que transperçaient

Nos cris joyeux jusqu’à la mer

 

Tu peux me dire quand le jasmin

Se répandait dessus la plaine

Abandonnant dans ma mémoire

Des petits signes d’outre mer

 

L’envol par dessus les rochers

Où terre et mer viennent sourire

L’ombre volée aux pins penchés

Le chant du jour qui va finir

 

Je peux te dire que les gamins

Jouent comme nous sur la murette

Je peux te dire qu’ils sont soldats

Et qu’ils refont un peu nos guerres

 

Je peux te dire de mon exil

Qui traîne sur les bords de Seine

Ce qui a détourné l’enfance

Et fait de nous deux outre frères

 

L’envol par dessus les rochers

Où terre et mer viennent sourire

L’ombre volée aux pins penchés

Le chant du jour qui va finir

 

Tu peux me dire le sable blanc

Qui engloutissait nos empreintes

Tu peux me dire le doux silence

Et la beauté du soir qui vient

 
 

 

 

Jean-Michel

BONGIRAUD

 

24/10/2019

 

 

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Christian Saint-Paul revient sur l’album de Sandra Hurtado-Ros « Clamor ... a los vientos de amores ...als vents de amor »

Diffusion de « Clamor » de Lorca

et de « T’ai esperada » de Franc Bardou.

 

 

L’émission est ensuite consacrée à Jean-Michel BONGIRAUD, poète, romancier, essayiste, qui fut longtemps revuiste.

La dernière publication présentée dans une émission antérieure était :

René Blain ou la Poétique du vélo - Poème politique enthousiaste et sérieux

Le thème de ce livre est autant une parodie de la vie que la critique de notre société. René Blain en est le héros, à la fois philosophe, anarchiste et rêveur, il est également naïf, bon et placide. IL est attentif à son vélo, lequel est pour lui une manière de se montrer à part des autres et d 'exprimer son refus de la société actuelle.

Ce roman, de quinze chapitres d’égale longueur, plus une transition et un épilogue, est difficile à classer, même si la fantaisie, voire le fantastique sont présents tout au long des pages. Sous cet aspect fantaisiste se dévoile donc une critique sociale et politique abordée sous le trait de l’humour. Le vocabulaire est simple, parfois élaboré et quelquefois inventé, mais ces « trouvailles » sont toujours en référence à une personne ou à un courant politique. Cet ouvrage se veut également poétique au sens le plus noble du mot.

Jean-Michel Bongiraud est né en 1955, et vit dans le Jura. Il a publié la revue Parterre verbal de 1992 à 2001, puis de Juin 2008 à décembre 2012, le bimestriel Pages Insulaires. En 2013, il a fait paraître le journal Fermentations, publication ouverte à l’actualité et à la réflexion.

Il a publié une quinzaine d’ouvrages chez différents éditeurs, des poèmes ou des articles dans différentes revues Verso, Décharge, Comme ça et autrement, Remue-Méninges, Comme en poésie, Traces, La Nouvelle Tour de Feu, Action poétique, Traction-Brabant, Le cri d’Os, Poésie-Première, Rimbaud Revue, Diérèse, Comme un terrier sous l’igloo… mais aussi dans Le Monde Libertaire ou le mensuel Alternatives Libertaires.

Présentation et lecture de larges extraits de : « Voyages Anarchistes » avec un texte liminaire de son éditeur Jean-Claude Tardif,

(éditions A L’Index, collection Les Plaquettes, 50 pages, 12 €).

 

puis de 

« Enfants fraternels - Poèmes pour mes petits-enfants » aux éditions Stellamaris, 65 pages, 12 €.

Voir sur ce site l’éditorial du 30 octobre 2019 : La fraternité donne le pouvoir de comprendre l’humanité

 
 

 

 

MARCEL

MIGOZZI

 

17/10/2019

 

 

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Christian Saint-Paul lit l’éditorial de la revue de poésie vive « Nouveaux Délits » n° 64 , octobre 2019 (7 € le n° + 2 € de frais de port ; abonnement 32 € chèque au nom de : Association Nouveaux Délits, Létou - 46330 Saint-Cirq-Lapopie) :

Je ne sais pas si cela vient de ce mois de septembre qui crépite de tensions, de nervosité ou de mon côté hyperactif, multitâche, de mon cerveau zébré en arborescence, de mon mental de Gémeaux capable de non seulement penser à plein de choses à la fois mais de les faire aussi simultanément, tout en réfléchissant, avec gourmandise, à toutes celles que j’ai envie de faire. Créer chez moi est compulsif, faire du lien aussi, transmettre, partager, pas étonnant que je me sois fait piéger par face de bouc.Je ne sais cependant pas si c’est l’afflux incessant de sollicitations, de données, d’informations, de questions exigeant réponse instantanée, qui nous submergent via toutes les nouvelles technologies  — et encore je n’ai pas de portable (je ne suis pas loin de faire partie des derniers des Mohicans). Je ne sais pas si cela vient des individualités de plus en plus selfisées, de la paperasse à n’en plus finir, pire quand elle est dématérialisée, avec ce tsunami d’identifiants, de codes, de mots de passe, de captcha (attention, marque commerciale déposée) et paradoxalement d’un manque croissant de professionnalisme — wow, j’ai vraiment utilisé ce terme ? — en tous les domaines, car peu importe comment et pourquoi les choses sont faites, ce qui compte c’est le fric, le fric, le fric et les plus pauvres de ramer et suer après ou sombrer dans une hyperactivité pathologique (devrais-je consulter ?) et pour bien d’autres, les « élus », c’est le fricot, le régal, la bombance. Ceux-là aussi sont en Enfer, comme Tantale, mais ils ne le savent pas, tant il leur est doux de se gaver, mais plus ils en ont et plus ils en veulent, jamais rassasiés et la planète n’est pas assez vaste, pas assez nutritive pour leur goinfrerie. S’ils aimaient manger de la chair humaine, c’est certain, ils nous dévoreraient littéralement.Je ne sais pas si c’est le fait que tant de mes convictions profondes, et qui ne datent pas d’hier, soient aujourd’hui à la une des médias et alors que je devrais m’en réjouir, j’ai pourtant l’impression que cela fait surtout du bruit, de la mode, du tweet et que la meilleure des intentions est récupérée, détournée, avant même d’avoir été énoncée. Je ne sais pas si c’est la sensation de vivre de plus en plus dans un gros fake, une cauchemardesque fête foraine, bien que je fasse partie de celles et ceux — il y en a — qui sont descendu-e-s du manège depuis longtemps.Bref, je suis fatiguée et je voulais donc dire que je faisais pour ce numéro, une grève d’édito ! Trop tard ? C’est tout moi, incapable de ne pas faire les choses, surtout quand personne ne m’oblige à les faire. Mais j’avoue, encore une fois, ce fut un plaisir de m’adresser à vous, je suis descendue du manège mais pas du bateau, alors ramons les amis, ramons ensemble et chantons, chantons avec nos voix, nos mots, nos poumons, nos tripes. Et apprécions le silence qui suit, le vrai silence : celui qui nous permet de sentir le battement de nos cœurs à l’unisson. Tant qu’on le peut encore.Cathy Garcia.

Lecture de poèmes de Cathy Jurado.

***

L’émission est ensuite consacrée à la parution du dernier livre de

Marcel MIGOZZI :

« Rouge convalescent suivi de L’Invisible donation » Tarabuste éditeur, 205 pages, 13 €.

Marcel Migozzi, né à Toulon en 1936 dans une famille ouvrière d’origine corse, vit dans un village varois au pied des Maures. Cofondateur des revues de poésie La Cave et Chemin de 65 à 68. Membre du comité de rédaction des revues Action Poétique de 65 à 68 et de Sud de 94 à 98. Actuellement correspondant permanent de la revue luxembourgeoise Estuaires.Lauréat du prix Jean Malrieu en 1985, du prix Antonin Artaud en 1995, du prix Des Charmettes/Jean-Jacques Rousseau en 2007, il publié à ce jour plus de cinquante ouvrages de poésie chez différents éditeurs, en France et à l'étranger.

Lecture de larges extraits de « Un pied toujours dans mon quartier » (La Porte éd. 3,75 €) ; de « Quelques parts de voyages » (Gros Textes, 7 €) et de « Rouge convalescent suivi de L’Invisible donation » (Tarabuste éd. 13 €)

Que le silence fût la moindre

Des trahisons, on l’espérait.

Mais la langue était prisonnière

D’une amère salive.

 

On avait beau multiplier les tracts en liasses.

On devinait : l’ennui

Sera le dernier luxe silencieux

Au temps de vieillir solitaire.

 

Voir l’éditorial « Poètes révolutionnaires, poètes décorateurs »

 

 
 

 

10/10/2019

 

 

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Présentation du dernier album de la soprano Sandra Hurtado-Ròs soliste dans Trobadours Art Ensemble dirigé par Gérard Zuchetto éditeur de Troba-Vox :

Clamor

a los vientos de amores… als vents dels amors

Clameur ! pareille à celle des républicains espagnols se dressant le poing levé contre la dictature et l’oppression, comme mon Grand-Père Juan, et se retrouvant captifs dans des prisons froides et funestes, pour avoir lutté pour la Liberté… Comme mon Oncle « El Rubio », laissé pour mort, une balle dans la tête et qui trouva refuge dans le creux d’un olivier, obligé de se cacher de ses bourreaux des mois durant…

Clameur ! comme celle des amoureux maudits qui crient leur amour et trouvent le réconfort dans les bras l’un de l’autre, qui contre vents et marées, contre l’adversité, restent liés à jamais, restent liés jusque dans la tombe…

Clameur ! comme le cri d’espoir d’un peuple fuyant la tyrannie, traversant la mer pour une vie meilleure, pour une vie nouvelle, cherchant une terre promise… Certains atteindront leurs rêves, les autres resteront à jamais dans les eaux profondes, laissant emporter au gré des vagues, au gré des vents, l’espoir qui faisait battre leur cœur et briller la lumière de leur vie…”

Federico García Lorca, Antonio Machado et Miguel Hernández, les ‘’poètes du sacrifice’’ ainsi que les avait surnommés Rafaël Alberti et, aux poètes occitans Aurelia Lassaque, Franc Bardou, Alem Surre Garcia, Gerard Zuchetto… chansons d’exil aux vents des amours.

Clamor, Federico García Lorca

Antes del odio, Miguel Hernández

Autra tèrra, Gerard Zuchetto

De profundis, Federico García Lorca

Aucel blau, Gerard Zuchetto

El viento que no amó, Miguel Hernández

L’Academia, Gerard Zuchetto

A mon pastre nomada, Aurelia Lassaque

Alep, Gerard Zuchetto

La cançon vielha d’Antiòcha, Alem Surre Garcia

Me farai sorga, Aurelia Lassaque

Los enamorados, Miguel Hernández

Que quiere el viento, Miguel Hernández

Lo que pasó pasó, Antonio Machado

Se perdre dins son bel esgart, Gerard Zuchetto

T’ai esperada, Franc Bardòu

Y después, Federico García Lorca

***

Lecture de l’Epilogue de :

VOYAGE AU BOUT DES RUINES LIBÉRALES-LIBERTAIRES

de Matthieu Baumier

« La “Mondialisation”, c’est en effet cela : la victoire, ou plutôt la croyance en la victoire du monde maritime contre le monde terrestre, de la mer contre la terre. De la société “ouverte” et “liquide”, comme une poignée de main macronienne, sur le réel enraciné. Les hommes liquides s’appellent entre eux “élites mondialisées”, comme pour avouer innocemment le caractère sectaire de leur conception  du monde – cette même conception qu’il s’est agi de nous imposer. Mais... chers amis, nous n’en voulons pas de votre conception du monde, que pensiez-vous ? Nous sommes le Peuple, voilà tout. Ceux qui ne sont rien, de votre point de vue. »

Un pamphlet qui ne mâche pas ses mots. Où l’on découvre le gouffre abyssal entre les idéaux tout faits, venus d’en haut et la réalité à terre, "notre " réalité de plus en plus pauvre, isolée, moribonde.

Matthieu Baumier est l’auteur de plusieurs essais, dont La Démocratie totalitaire (Presses de la Renaissance / Plon), de romans comme Le Manuscrit Louise B. (Les Belles Lettres) ou Les Apôtres du néant (Flammarion) et d’ouvrages de poésie. Il a contribué à diverses revues  intellectuelles et politiques (Immédiatement ; La Soeur de l’ange ; La Nef ; L’Atelier du roman ; La Revue des Deux Mondes ;Recours au poème ; L’Incorrect...).

***

L’émission est ensuite consacrée au poète :

Claude Cailleau

Ancien professeur de lettres dans la Sarthe puis dans le Maine-et-Loire, animateur d’ateliers littéraires en collège, Claude Cailleau a publié aux Editions Julliard un roman, « Stef et les goélands », couronné par l’Académie Française et dont des extraits ont paru dans l’anthologie « Océan d’Armorique » aux Editions Hachette.Il laisse aujourd’hui divaguer sa plume entre roman jeunesse, poésie, ou biographie...Il dirige la revue littéraire Les Cahiers de la rue Ventura.

Il a publié :

Aux éditions du Petit Pavé- Dans les pas de Pierre Reverdy- Les Cocrouillés (poésie jeunesse)- La Croix d'Or (roman jeunesse)- Anthologie poétique- Le Roman achevéMais aussi :- Avec le temps?, livre d�artiste (Ed. du Pré de la Roche) ;- La solitude du poète (Ed. Encres Vives) ;- Mots du jour et de la nuit (Ed. du GRIL)

Lecture de larges extraits de son

« Anthologie poétique 1956-1970 et 1999-2018 »

Résumé

Lecteur, lectrice, qui me faites l’honneur de vous pencher sur mon livre, sachez que celui-ci sera pour moi le dernier en poésie.

D’où le besoin d’un retour sur tout ce que j’ai écrit, qui puisse s’appeler poème, pendant ces soixante années : en réalité, deux périodes séparées par un inexplicable silence de vingt-sept ans, lequel je ne tenterai pas d’expliquer.

Quatrième couverture

Je ne suis pas tenant de l’inspiration sauvage, non maîtrisée. Ni prêt à l’autosatisfaction : l’écriture de la poésie est un travail et mes ouvrages restent longtemps sur l’établi. Je ne les abandonne que lorsque je pense leur avoir donné la forme la plus convaincante.

 

Pour cette anthologie, le choix a été douloureux et salutaire : beaucoup de textes sont restés sur le bord du chemin. Au terme de ma recherche en poésie (j’ai tout testé : le classique, le vers dit libre, le verset, la prose), il me reste l’espoir d’être lu, compris, et, peut-être, d’exister, dans un futur où je ne serai plus.

Les jours lointains qu’il t’en souvienne

Et que tes bonheurs te reviennent

Suce tes doigts comme autrefois

La confiture est sur le feu

Le bois vif dans la cheminée

Frotte tes mains comme jadis

Pour chasser la peine du jour

Tu ne sais pas tu ne sais plus

Les pas que tu aurais à faire

Pour revenir C’était la guerre

Et maintenant que le temps passe

Sur tous les bonheurs à venir

Ecoute en toi timide et lasse

Ecoute la voix du partir

 

Claude Cailleau Anthologie poétique 1956-1970 et 1999-2018.

Introduction de Jean-Marie Alfroy & Michel Diaz.

Editions du Petit Pavé, 205 pages, 15 €

 
 

 

 

Michel Eckhard

 Elial

 

03/10/2019

 

 

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Christian Saint-Paul reçoit le poète, traducteur, directeur de la

revue et des éditions LEVANT,

Michel ECKHARD-ELIAL venu présenter le dernier ouvrage des éditions LEVANT, Ajours de Miron C. Izakson.

 

Michel Eckhard Elial

Michel Eckhard Elial est poète et traducteur de la littérature hébraïque Yehuda Amichaï, Aaron Shabtaï, David Vogel, Ronny Someck, Hagit Grossman, Miron Izakson). Il dirige la Revue «Levant – Cahiers de l'Espace Méditerranéen » qu'il a fondée en 1988 à Tel-Aviv, aujourd'hui à Montpellier, dont la vocation est de promouvoir un dialogue pour la paix entre les trois rives de la Méditerranée.

Parmi les publications: L'instant le poème, Levant, 2009; Un l'Autre, Levant, 2008; Poèmes de Jérusalem, L'Eclat, 2008; Début, fin, début, L'Eclat, 2008; Les morts de mon père, L'Eclat/Levant, 2001; Beth, Levant, 1995; Histoires d'avant qu'il n'y ait plus d'après, Alfil/Levant, 1994 ; Au midi du retour, Euromedia, 1993 ; L’Ouverture de la bouche, Levant, 1992 ; Exercices de Lumière, Levant 2015.

 

Dans un long entretien avec Christian Saint-Paul il commente le livre du poète Izakson en le rattachant à la particularité de la poésie israélienne et de la poésie hébraïque.

 

Miron C. IZAKSON – Ajours

 

Traduction et introduction par Michel Eckhard Elial, Gravure de Denis Zimmermann – 3eme trimestre 2019, Éditions du Levant, 58p. 25 €

 

 

« Voici les choses qui retournent à notre premier corps.

Main dans la main elles s'apprennent maintenant,

nous redevenons de tendres cellules

qui n'ont pas encore décidé quel organe servir. (…)

Un cri profond,

le corps d'un homme dans celui d'une femme,

griffure et cascade de pleurs sur le front d'un enfant.

Un homme sur les épaules d'un autre homme

pour franchir ensemble le feu.

Il est alors possible de réorienter les cellules,

pour embrasser la femme la plus proche

et s'endormir avec elle d'une manière

que le corps n'a jamais connue » (p. 11)

 

 

Miron C. Izakson (né en 1956 à Haïfa) est une sorte d'hyperactif de la présence juste, un athlète de l'attention suffisante . Ce n'est pas le plus limpide des poètes, mais l'énergie de comprendre, de se renouveler, de bonifier son sens des choses, est sans pareille.

 

« Comme la révolte d'un appareil éteint

attend un nouvel appel.

Il change les mouvements de sa vie,

les souvenirs gravés dans le marbre,

dans l'attente que l'électricité revienne, ou quelqu'un.

Il est déjà tout habillé et prêt à partir » (p. 5)

 

C'est un homme de la ville, de l'être actuel, du bras-le-corps permanent et décisif avec les éléments du monde. Il veut partout saisir le changement, et, pour lui, saisir est d'abord mieux changer. Il intervient en pensée dans tout ce qui se présente, pour améliorer ensemble ce qu'il est et ce qui arrive. Une sorte de gymnaste de la disponibilité, près de tout pour manœuvrer, prêt à tout pour mûrir.

 

« Et cette fois je me suis replié pour voler.

Les mains, les jambes, et même le ventre tyrannique

se sont contractés pour être l'envol.

À présent il faut nouer les pieds aux mains

comme je l'ai appris de l'exercice des cordes.

Mon père et ma mère ne sont déjà plus là

et ma femme ne crie pas :

es-tu fou, ne sais-tu pas

le danger à nouer les signes de ta vie ? (…)

L'étranger envieux

passe devant mon corps neuf pour dire :

regardez comme cet homme plié

réduit sa forme » (p. 16)

 

Ses exercices de présence sont comme un yoga élargi au corps (accessible) du monde : il y fait travailler moins son corps que son rapport immédiat au monde, pour reposer moins son esprit que son rapport incessant à lui-même. En bon bergsonien (n'ayons pas peur, l'homme a été philosophe), il s'inspire de la durée des choses pour ressaisir la sienne ; en bon épicurien, il aime d'abord la vertu pour le bien qu'elle lui fait (c'est un pragmatique de la perfection, estimant qu'il est utile d'être juste, agréable d'être prudent, intéressant d'être courageux …). Un passage énigmatique et délicat (« Le dernier » … qui est à la fois le retardataire, le benjamin, l'ange-gardien de la voiture-balai et le cancre sans poursuivant !) dit tout cela :

 

« Le devoir du dernier

est bien plus large que les autres

il anticipe sur le moment où son pas paisible

risque de heurter.

Le devoir du dernier

est pavé de douceur et d'aménité

engrangée au cours de la marche.

Le dos qui le précède cache un homme ignorant,

que le suivant, derrière lui, sait.

Même si le premier déchaîné comme un enfant en fête,

saute par-dessus tout et clame haut et fort :

regardez, il n'y a rien ni devant, ni derrière moi,

le suivant peut éviter la collision et la chute » (p. 46)

 

Mais c'est un poète d'abord, qui saisit les situations par images plus que par concepts et se sert des mots, non des choses, pour « ajourer » la vie, pour ouvrir des fenêtres de clarté dans la présence du monde, pour y produire des sortes de vides féconds, des trouées d'optimisation, des percées de formulation qui aèrent, allègent, raniment, aimantent autrement les pièces du donné.

 

Nettes et fortes images pour dire, par exemple, la fidélité :

 

« Seul un chien s'obstine encore

à regarder depuis la côte son maître flotter » (p. 33)

 

la lucidité :

 

«... À qui parle l'homme

des choses qui ont été faites

et d'autres peut-être délaissées,

Il élargit sous ses pieds une flaque ou une mer

pour saisir le reflet du visage qui raconte » (p. 44)

 

le don de soi :

 

« Les montagnes proposent à la lumière

une autre possibilité d'ouvrir le jour (…)

C'est la montagne qui propose la lumière de l'aube

par la force de son lien antique

avec le rayonnement du soleil,

comme une femme qui pour la première fois

achète à son amoureux du temps

dans les magasins ouverts même la nuit » (p. 52)

 

Mais c'est toute la prise en compte (à nouveau le bergsonisme) de la réalité comme effort d'auto-production de son cours et réaménagement perpétuel de soi (on sent ici la matière même battre le rappel de ses ressources, et la vie transformer les organismes en leurs propres cabines d'essayage) qui est remarquable.

 

Et l'on n'y oublie pourtant jamais l'âpreté de l'expérience (toutes les sources sont naïves, sont balbutiantes ; tous les principes sont irresponsables comme des convictions pures, rétives à l'examen, douillettes à la rencontre) et la destructivité du devenir (être réel, c'est savoir se continuer … un certain temps !), comme on le voit dans cet extraordinaire passage d'une ville qui s'use (puisqu'on s'en sert), se « désagrège » et prépare sa sortie (puisque l'avenir n'aura pas usage de ce qu'il vient surprendre) dans une nostalgie sans illusions :

 

« Une ville en peine, épuisée comme une cachette

retourne à son enfance

au temps où elle courait le long d'une rivière

ou sur les épaules oscillantes de grues.

Elle parle encore une langue de petite ville

comme un vieil homme parle dans la bouche de ses pères,

elle regarde les photos de villages lointains

par crainte de les rejoindre bientôt.

Comme un corps avant la fin

la ville se rebelle contre ses fossoyeurs.

Elle cherche un lieu pour un logement neuf

dans le miroir où elle s'est mirée toute la vie.

Elle boîte comme un héritier chassé de sa maison

sur le sol le verre brisé reflète la lumière de ses mains » (p. 29)

 

Malgré des aspects mystérieux, cette poésie exprime un constant combat à la loyale avec et dans le jeu des éléments, combat qui assume l'ambivalence des ouvertures, des « ajours » d'existence et de destin (on n'ouvre pas, dit la page 20, à mêmes peines et profits, un corps, une ville, un cœur ou une valise !),

 

sans cacher ni le désarroi final, inévitable, qui s'empare des âmes de tous dès qu'il est clair qu'aucun sens ne suffira à la vérité, ni la primauté d'un esprit sachant souverainement jouer de sa propre impuissance :

 

« Seul l'œil qui voit

toute la matière est plus fort :

comme une boîte de jeu

il engloutit les rues de la ville » (p. 20)

 

 

 
 

 

 

 

 

Anne marie BERNAD

Claude BARRERE

Christian SAINT-PAUL

 

 

 

 

 

Anne marie BERNAD

Claude BARRERE

 

 

 

20/06/2019

 

 

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Christian Saint-Paul signale la parution de quatre ouvrages qui feront l’objet de futures émissions mais qu’il convient dès à présent de noter :

1 ) Thierry METZ « Le Grainetier suivi de Avec Kostas Axelos et les Problèmes de l’enjeu » préface d’Isabelle Lévesque Pierre Mainard éditeur, 95 pages, 14 €.

Thierry Metz (1956-1997) est né à Paris. Prix Froissard pour Dolmen (Cahiers Froissard) et prix Voronca pour Sur la table inventée(Jacques Brémond) en 1989, il vécut dans le Lot-et-Garonne à Saint-Romain-le-Noble, fut manœuvre, maçon puis ouvrier agricole. Jean Cussat-Blanc, premier à le publier dans sa revue Résurrection, favorisa son entrée chez Gallimard qui publia en 1990 Le Journal d’un manœuvre et Lettres à la bien-aimée (1995), qui atteindront un cercle de lecteurs ne demandant qu’à s’élargir. Paraîtront ensuite Terre et L’Homme qui penche et, enfin en 2017, à nos éditions, Poésies 1978-1997. Avec Le Grainetier, Pierre Mainard poursuit son projet de donner à lire un fonds d’écrits devenus introuvables, pour la plupart extraits de la revue confidentielle Résurrection.Dans l’œuvre de Thierry Metz, souligne Isabelle Lévesque, « Tout ce qui s’écrit s’entend, le blanc autour du poème – le silence. (…) La syntaxe simple, la volonté de n’être jamais dans l’excès portent une poésie où tout se réduit dans la lumière. »

« Thierry Metz : l’homme qui se redresse » par Jérôme Garcin, L’OBS, oct. 2017

2 ) « DIX, LES TROPHÉES »

de Hibon Christian

Prose poétique suivi de AVANT TOUTE CHOSE, Pierre Mainard éditeur Éditions Courantes 48 pages,10 €

« Je vous présente quelques relevés d’empreintes de fées, de ma forêt personnelle, en plein cœur… André Hardellet disait à propos des fées : “Elles guettent le promeneur qui leur plaît (…) et leurs fantaisies ignorent nos limites.” Ces limites, j’ai voulu les transgresser par la poésie, seul terreau propice à la plantation de mots, capables, peut-être, de les attirer. Et parfois elles ont surgi, à travers ce braconnage du merveilleux : mes rituels d’approche sont devenus de plus en plus lisibles, le bal s’ouvrait, j’étais souvent un pâle cavalier, mais la piste était là. La découverte réelle, j’entends par là, une lucidité imaginaire de ce monde sauvagement majestueux, m’a conforté pour écrire cette courte biographie de leurs ébats, et de leur secret enthousiasme quant à nous rencontrer, si elles le désirent, seulement. »

Christian Hibon

***

3 ) Voyages Anarchises de J.M. Bongiraud avec un texte liminaire de Jean-Claude Tardif  éd. A L’INDEX hors série 12 €

Jean-Michel Bongiraud est né en 1955, et vit dans le Jura. Il a publié une quinzaine d’ouvrages chez différents éditeurs, des poèmes ou des articles dans différentes revues : VersoDéchargeComme ça et autrementRemue-MéningesComme en poésie, Traces, La Nouvelle Tour de Feu, Action poétique, Traction-Brabant, Le cri d’Os, Poésie-Première, Rimbaud Revue, Diérèse, Comme un terrier sous l’igloo… mais aussi dans Le Monde Libertaire ou le mensuel Alternatives Libertaires.

Revuiste, il a animé Parterre verbal de 1992 à 2001, puis de Juin 2008 à décembre 2012, le bimestriel Pages Insulaires. En 2013, il a fait paraître le journal Fermentations, publication ouverte à l’actualité et à la réflexion.

la lutte est un espoir qui se transmet d’un peuple à l’autre

quand l’utopie rencontre la poésie la vie reprend ses droits

Nous avons avancé innocents puis reculé

mais Victor B. qui est cet homme

dont La voix chante en lui 

et qui a laissé de si vilaines traces

à même son visage à même son nom

en nous que voyons-nous quel parfum suinte de nos pores

l'eau troublée court sous la peau et se dilue dans la terre

nos veines s'hydratent au mauvais goulot

mais l’anarchie est la vie élargie pour tous

les vents poussent plus fort les mers craquent

et nous allons manifeste après manifeste

dire encore et toujours notre impuissance à changer

quand respirer devient une gageure autant que vivre

***

4 ) Simone Alié-Daram « Le présent d’après » avec des dessins de Jean-Claude Barrère,

63 pages, 12 € à commander (2 € pour frais de port) à :

daramalie@gmail.com

 

Simone Alié-Daram, médecin, s'est illustrée dans les avancées de l'immunohématologie. Membre d'académies scientifiques, elle est aussi Maître es-jeux de l'Académie des Jeux Floraux de Toulouse. Son humanité à fleur de peau s'est exprimée dans la parole poétique par la publication de recueils : ÉcrituresÉmoti'icones, Effluves, Des Ephélides plein les pochesEllipsoïdesParadis ébouriffés et Passions effleurées. Des poèmes comme d'incessants soliloques sur ce qui captive son regard et son âme.

 

Que cherche l’oiseau albinos

Sur fond vert ?

Une vue sur de longues jambes

Dans une plaque de soleil

Qui le soir

Sculpte le feston des nuages blancs

Robe de mariée de la nuit.

***

Fleuve troué de pluie

Corps charnu

Ponctué d’un sein verdoyant

Primovision d’enfance

Refuge.

***

Le somptueux violet du cou du paon

Sa crête idiote et son cri ridicule

ça compense

Invraisemblance majuscule

Une coccinelle s’est perdue

Dans les yeux épanouis sur la queue.

***

J’aime voir les maisons flamber le soir

Je suis à Venise dans ma rue.

***

 

Christian Saint-Paul reçoit ses invités : le poète plasticien toulousain Claude BARRERE venu accompagner Anne-Marie BERNAD,

 poète pour parler de sa dernière publication « L’Ancre des mots » éd. L’Harmattan, collection Poètes des cinq continents, 170 pages, 17,50 €.

 

Prix Voronca 1973, Anne Marie BERNAD vient de publier son 8eme Recueil de poésie « L’Ancre des mots » aux Editions l’Harmattan dans la série « Poètes des cinq continents » ( Vous pourrez vous le procurer et le faire dédicacer à la fin de la soirée)

C’est une somme de poèmes écrits depuis 2012 .

Dans sa postface , l’écrivain Gilles Lades Prix ARTAUD invite le lecteur à « se laisser entraîner par ces mémoires intérieures, fruits de la patience, de l’autre vie, de l’invisible et d’une dévotion à l’absolu »

Anne Marie BERNAD est née à Decazeville, mariée , mère de deux enfants . Elle connaît bien la vallée du Lot et son environnement, ayant passée sa jeunesse à Linvinhac-le-Haut où elle écrivit ses premiers poèmes, ainsi qu’à Montarnal où elle résida plusieurs années pendant les vacances avec son époux et actuellement dans leur maison de campagne à Belleroque à quelques tournants d’ici sur la route de Sénergues et Conques

Pendant plus de 10 ans Anne Marie à œuvré pour les Journées Poésie de Rodez , connue nationalement , avec Jean Digot et le conseil d’Administration .

Elle est membre de la société des Lettres de l’Aveyron et porte sa poésie et celle des autres dans de nombreuses lectures avec accompagnement musical , ainsi qu’avec une rubrique trimestrielle sur les poètes des cinq départements qui bordent le Lot, dans les Cahiers de la Belle Vallée du Lot .

De ce livre voici comment elle le présente :

Le poids du poème,

«  l’Ancre des mots », mesure la profondeur d’un espace mouvant et lourd, où les mots remontent à la surface, empreints de mystère, force agitée par les vagues, traduction de la vie.

Jusqu’où vont les mots?

On les cherche dans des profondeurs insoupçonnées, dans des abîmes, où l’on s’arrête de respirer car l’air se raréfie.

Comment lever cette « ancre », si ce n’est travailler humblement dans ces dédales enfouies, jusqu’à tirer hors d’eau, cet enchevêtrement, à la lumière.

Tout remue au tréfonds de l’âme ; alors ,il faut donner, regarder plus haut, passer sa vie au tamis pour trouver la pépite qui réveille et à laquelle on croit. 

Le poème, aux reflets corail, propose une parcelle d’âme détachée du grand bleu, discerne les grains de sable, cherche la plage, pour installer au soleil, notre condition humaine et le poids de la vie.

L’acte posé régénère, se réchauffe, parfumé d’une opacité provisoire, s’en réfère à l’esprit, détient l’origine et parle, avec une voix d’ambre.

C’est un éclat sauvage devant le dénuement de celui qui s’efface et procure au lecteur l’apesanteur du risque.

Anne Marie BERNAD

 
 

 

 

 

 

 

Jean

SALLES-LOUSTAU

 

13/06/2019

 

 

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Jean Luc

 POULIQUEN

 

 

 

06/06/2019

 

 

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(Voir éditorial de juin 2019 : La lucidité pour faire le bien.)

En préambule, Christian Saint-Paul signale la parution de deux publications :

1 ) BARTOLOMÉ BENNASSAR

Pérégrinations ibériques Esquisse d'ego-histoire

15 € Essais de la Casa de Velázquez no 11

Bartolomé Bennassar est un voyageur. Le temps et l'espace sont ses horizons : la profondeur historique de l'histoire espagnole, les grandes terres de l'Amérique latine. Comme tout pérégrinant, il écrit ses voyages, mais avec une plume double : celle de l'écriture romanesque - l'un de ses romans a connu une adaptation au cinéma - et celle de l'historien. Il nous livre dans ce petit ouvrage la quintessence d'un itinéraire humain et intellectuel : de la découverte de la discipline qui sera la sienne, l'histoire, à sa carrière, scandée au rythme de la publication d'une œuvre historiographique importante, de spécialiste attentif des évolutions du monde hispanique, sans oublier la passion de l'enseignement qui inlassablement l'emmène avec ses étudiants sur les routes des Andes.

« Bartolomé Bennassar, en publiant son égo-histoire, ne restitue pas seulement son parcours universitaire d’enseignant et de chercheur. Il produit un véritable témoignage, sur ce que faire de l’histoire signifie, intégré dans son temps, dans sa vie. Là se trouve l’originalité de l’ouvrage, qui concentre toutes les qualités de l’auteur : le choix de l’humilité, le regard acéré sur lui-même, sur son cheminement et sur son œuvre. Plus qu’un énième essai d’égo-histoire, les lecteurs et lectrices trouveront dans cet ouvrage le récit d’une vie pleine, et une interrogation constante sur la place que doit occuper la vie professionnelle dans la vie familiale et amicale. »écrit Nicolas Guyard dans : journals.openedition.org/lectures

***

2 ) Depuis toujours le chant de Gérard Bocholier (Arfuyen, 13 €)

Riche de plus de trente livres de poésie et de nombreux essais, l’œuvre de Gérard Bocholier apparaît comme l’une des plus significatives d’aujourd’hui. Marquée par l’influence de Pierre Reverdy, Anne Perrier et Philippe Jaccottet, elle est pleinement singulière par une écriture très musicale et limpide, aux profondes et sobres résonances spirituelles.

Ce livre est le troisième de Gérard Bocholier aux Éditions Arfuyen après La Venue (2006) et Belles saisons obscures (2012).

Étrange titre que celui-là : ce chant qui depuis toujours se fait entendre, de qui est-il ? Qui chante, qui parle, qui se tait ? Le tutoiement du poème liminaire le laisse pressentir : « Depuis toujours ton silence / Ton souffle pourtant ne cesse / De courir parmi les prêles […] // Depuis toujours le poème / Que ton vent écrit efface / Qu’ici veilleur je recueille »

Gérard Bocholier aime considérer le poète comme un « veilleur ». C’est déjà sous le titre de Veille qu’il a publié en 2000 un recueil et c’est sous comme des « Chroniques du veilleur » qu’il publie ses notes de lecture. Le mot réapparaît dans le présent recueil : « Nous sommes de cette âme / Qui veillait sous la pierre / Et qui a tressailli / À la voix bien aimée ».

Si le poète veille, c’est qu’il est entouré par la nuit, enfermé dans la pierre : et c’est parce qu’il sait que sa patience ne sera pas en vain. Il sait qu’une voix se fera entendre, qu’une parole s’élèvera. Cette voix qu’évoque ici un autre poème : « La voix plus profonde / Cachée dans un souffle / Sa courte visite / Inscrite à jamais ».

Cachée toujours, en effet, cette voix : fidèle mais discrète. Secrète, même (et c’est le titre d’un recueil de 1995 : Secrète voix). Mais le poète sait la reconnaître : « Ta voix cherche en chaque épreuve / À toucher ma nuit d’un souffle / À glisser comme aux fissures / Un rayon de ta lumière. »

Et, fuyant les clartés aveuglantes, son écriture sait mieux qu’aucune autre accueillir cette douce lumière.

***

L’émission se poursuit par un entretien avec :

Jean-Luc Pouliquen qui est né en 1954 à Toulon.

Sa première enfance a été méditerranéenne tout comme son adolescence passée non loin de Marseille. Arrivé à l’âge adulte, après un séjour de quelques mois en Afrique il a souhaité revenir vivre dans le pays de sa jeunesse où s’enracinent son écriture et sa vision du monde. C’est en terre méditerranéenne que s’est développé l’essentiel de sa poésie et que se sont produits les événements les plus déterminants de son itinéraire de poète. Parmi eux, il faut citer sa rencontre avec Jean Bouhier, le fondateur de l’Ecole de Rochefort. L’Ecole de Rochefort est un mouvement poétique fondé en 1942 où se sont retrouvés des poètes qui ont opposé au Surréalisme leur Sur romantisme. Elle a compté dans ses rangs René Guy Cadou, Jean Rousselot ou encore Jean Follain. Il faut citer encore sa rencontre avec Daniel Biga, de Nice, dont l’expression au début des années soixante a profondément renouvelé une poésie qui ne pouvait plus s’en tenir à l’humanisme de l’après-guerre. Ajoutons sa fréquentation assidue de quelques poètes de langue d’oc, cette langue que l’on parlait autrefois dans tout le sud de la France, avant que le français ne soit imposé sur tout le territoire national. L’obstination de quelques poètes contemporains à l’utiliser comme le véhicule de leur création lui a permis de rentrer dans des imaginaires que le français ne pouvait porter, en particulier pour tout ce qui concerne notre attachement à une terre et une civilisation qui en découle. Ouvert à toutes les cultures du monde, il s’est intéressé à Gaston Bachelard, l’ami des poètes, dont la poétique sur les quatre éléments l’a amené sur les chemins d’Empédocle, de Jack Kerouac ou d’Edouard Glissant…

Dans son ouvrage : « Conversation transatlantique autour de l’art et de la poésie », diffusion Amazon, il dialogue avec Beth Gersh-Nešiƈ , critique d’art spécialiste d’André Salmon, lui-même grand défenseur de la peinture moderne, qui termina ses jours, quelque peu oublié à Sanary.

Au fil des pages de ce merveilleux livre, il évoque la place de la poésie dans la vie culturelle de nos contemporains, dresse le bilan et ébauche quelques pistes pour un renouveau.

La question des raisons d’être de la poésie et de son avenir est une question récurrente, au moins depuis Platon, mais qui est devenue de plus en plus insistante depuis la seconde moitié du siècle dernier. La poésie a-t-elle encore un avenir, ou n’est-elle plus pour nous qu’une « chose du passé », tout juste bonne à être un objet d’étude universitaire ? Certes, elle semble aujourd’hui proliférer, comme il se doit à une époque où la multitude s’approprie de plus en plus toutes sortes de pratiques artistiques, bien au-delà du simple hobby. Mais sa valeur symbolique s’est à ce point érodée qu’on a pu évoquer, non sans raison, sa « péremption ». Ce livre sous forme de dialogues, rebondit sur l’ensemble des questionnements. Il se lit dans un sentiment délicieux de délectation.

Tant qu’il y aura des écrivains sincères dont la force créatrice se double d’une humilité salutaire comme chez Jean-Luc Pouliquen, l’avenir pourtant semble assuré. En le citant on pourrait presque conclure : « il nous faut abandonner au vent la violence de nos colères, dénouer notre nombril, notre égoïsme, nous emplir du murmure collectif, retrouver ce cordon par ou circulent les cristaux des minerais, la sève des arbres, les sucs de leur fruit… » nous dit Jean-François Principiano.

voir : http://loiseaudefeudugarlaban.blogspot.com/

Les deux chemins

Il y a plusieurs chemins qui mènent à la poésie. Les poètes ne peuvent tous suivre le même

parcours. La poésie, c'est la diversité de la parole et de la manière de la porter. Pourtant il y a

quelque chose qui me chagrine et m'irrite parfois, quelque chose que je ressens depuis quelques

années et qui dessine une ligne de partage dans le petit monde des personnes qui écrivent.

Il y a tout d'abord ceux qui avancent à la façon des poètes qui les ont précédés. Ils appartiennent

à une communauté qui a un mode de fonctionnement que l'on peut qualifier d'organique. Les plus

anciens ont décelé chez eux un talent, une aptitude à rentrer dans la famille ; leurs pairs, des

affinités qui ont conduit à la formation de groupes, à la création de revues pour traduire leur apport

spécifique à la grande aventure du langage. Tout cela est vécu en parallèle d'une activité

professionnelle qui leur amène subsides et indépendance quant à leurs choix de création.

Et puis il y a ceux qui fonctionnent en lien avec un système qui n'a cessé de se développer ces

trente dernières années mais qui aujourd'hui commence à s'écorner sous la pression des restrictions

budgétaires. Ce système repose essentiellement sur de l'argent public venant des différents étages de l'organisation politico-administrative française (mairies, communautés de communes, départements, régions, État). Il se matérialise sous forme d'établissements spécialisés dans la défense de la poésie, de bourses, de subventions, de résidences, de festivals, de label et autres initiatives car il est en perpétuelle évolution.

Entendons-nous bien, ce système peut rendre service à la poésie et des poètes de la première

catégorie peuvent y avoir recours. Ce qui irrite, c'est qu'il donne l'impression d'avoir engendré une

nomenklatura qui se l'est approprié, en tire des revenus et l'a complètement verrouillé. Il en résulte

alors un sentiment d'injustice. Pourquoi tel poète et pas un autre ? D'autant que l'institution garde

son pouvoir de reconnaissance et de légitimation.

Et puis il y a cette évidence que l'argent public étant celui de tous, il ne doit pas soutenir une

faction mais bien la pluralité de la vie poétique du pays, rendant à chacun la part qui lui revient. A

contrario il devient le promoteur d'une esthétique, celle de cette nomenklatura dont l'allégeance

qu'elle a manifestée envers le système est allée jusqu'à influencer son écriture même.

Nous nous situons là dans l'instant présent, dans la juxtaposition des deux attitudes, laissant

penser qu'il y aurait un vainqueur et un vaincu, celui qui est écarté et le privilégié qui a été choisi.

Ce serait bien sûr une illusion de le croire, ce serait nier l'ambivalence de toute chose en ce monde

qui veut que la réalité ait plusieurs visages. Et le dire n'est pas chercher une consolation à bon

compte. C'est le passage du temps sur les œuvres qui nous amène à le penser.

Il y a des fondamentaux de la création littéraire : la nécessité d'authenticité, de liberté,

d'indépendance, le souci de ne pas plaire mais d'affirmer son propre langage, indépendamment de

toute mode et de l'air du temps, ce qui conduit souvent à être en butte avec son époque. Les œuvres

qui auront répondu à ces critères résisteront à l'oubli, il est facile d'imaginer ce qu'il adviendra des

autres...

Alors si le citoyen peut se sentir frustré devant ce qu'il perçoit comme injuste et inéquitable dans

l'utilisation des deniers publics, le poète qui a maintenu le cap, trouve satisfaction à être resté fidèle

à ses convictions profondes. Certes il ne sait rien de ce que deviendront ses écrits mais ils lui auront

fait vivre des moments de grande intensité avec lui-même et ceux qui auront été à ses côtés dans

cette belle aventure. Au fond, n'est-ce pas le plus important ?

Jean-Luc Pouliquen

Auteur de Fortune du poète (avec Jean Bouhier)

et de Paroles de poètes/Poètes sur parole (avec Philippe Tancelin)

Paru dans le n° 22 de la revue Spered Gouez, novembre 2016

FAIRE VIVRE LA POÉSIE Diffusion : Amazon

Comment faire vivre la poésie ? Comment lui assurer une présence dans une société qui n'en fait pas grand cas. À ces questions que tout poète et tout amoureux de la poésie se pose, l'auteur a souhaité, en y associant les contributions de Monique Marta, Michel Bernier, Brigitte Maillard, Roselyne Camelio et Beth Gersh-Nešić, apporter sa propre réponse. Celle-ci voudrait à la fois être inscrite dans le moment présent et le dépasser, afin de rester en accord avec ce qui taraude depuis toujours le cœur du poète.

Diffusion de trois enregistrements :

1 ) hommage à Raymond Bergerot qui vient de mourir, rencontré à Sète ainsi que Jacques Barthès avec qui le poète continue une relation amicale.

2 ) pour les 80 ans de Jean-Jacques Boitard : Jour de fête à Masillia

3 ) texte tiré du livre A la Goutte d'Or lu par Anne-Claire Bertin

Quelques poèmes de Jean-Luc POULIQUEN :

POURSUIVRE LE CHEMIN

Le chemin continue

il me faut pousser mes pas plus loin

j’emporte avec moi les parfums de la terre

les caresses de l’eau,

les secrets de la forêt

l'appel des cimes

l’air me porte et le cosmos m’entraîne

dans son aventure !

***

VIBRATION

Cette vibration

qui entoure tes actes

C'est dans ton cœur

qu'elle a pris source

L'écho t'en reviendra

aux couleurs de ton âme.

***

SAISIR L'ÊTRE

Saisir l'être

dans son incandescence

Dans cet instant

où il habite déjà le futur

où il a signifié au présent

sa date de péremption

Saisir l'être

dans l'épopée de son destin.

***

CETTE GRÂCE

      à Roselyne

Cette grâce

de savoir

habiller le présent

aux couleurs de l'espérance

 

Cette grâce

de deviner

dans le couchant

les promesses

du lendemain

 

Cette grâce

de découvrir

dans la nuit

les portes de la lumière.

***

DEUX POÈMES POUR LE PRINTEMPS

Le printemps

a convoqué les arbres

pour annoncer son arrivée

 

Ils se sont habillés de lumière

pour repousser la grisaille

 

Le ciel n'est plus le même

éclairé désormais

depuis la terre.

II

Ces flocons de laine

accrochés à leurs branches

les prunus les réservent

au retour du mois de mars.

La rue n'en revient pas

de cette déchirure dans l'hiver

où se devine

le rose des beaux jours.

***

DOUCEUR DU TEMPS

à Ivan Frias

Je ne saurais dire

ce qui produisit ce miracle

sinon cette envie

tapie dans le cœur de chacun

de redonner au jour ses couleurs

de rendre au temps toute sa douceur

 

Des mains bienveillantes

dessinèrent sous les platanes

un cercle d'où jaillit une parole

patinée par la sagesse ancienne

et l'expérience des peuples

 

Elle fut à même

d'éclairer tous les regards

de modeler chaque visage

des traits de la beauté.

***

LES RÊVES DES PEUPLES

Les rêves des peuples

bien souvent se brisent

contre les ambitions de leurs princes

leur soif de grandeur

et même leur folie

 

Existent pourtant des hommes

existent pourtant des femmes

qui savent leur donner vie

 

Ils entrent alors pour longtemps

dans les mémoires et dans les cœurs

et leurs noms s'inscrivent en lettres d'or

sur les registres de l'histoire.

****

LA PORTE DE L'INVISIBLE

Dessiner dans la ville

une promenade

 

La suivre

avec les yeux de la mémoire

la curiosité du présent

le pas aérien du flâneur

 

Et puis chercher

ce qui se dissimule entre les pierres

dans le balancement des arbres

et le tracé des rues

 

En espérant y trouver la porte

qui ouvre sur l'invisible.

***

LA TOUR DU VIEUX CHÂTEAU

Le vent a repoussé l'horizon.

 

Les îles ont découpé leur silhouette

avec les ciseaux du soleil.

 

La mer est une plaque de cuivre.

 

Un pin accompagne ton passage

du mouvement de ses aiguilles.

 

Les oiseaux lui répondent.

Qu'es-tu venu guetter

en haut de la tour du vieux château ?

***

CERISIERS EN FLEURS

i.m. Sookee Chae

Une branche de cerisier en fleurs

c'est ce que tu avais voulu voir

dans cet amandier de nos collines.

Il te rappelait la Corée

l'allée de pétales blancs

qui conduisait jusqu'au temple

où tu avais rendez-vous avec Bouddha.

Jean-Luc Pouliquen

 
 

 

 

 

Julien BLAINE

 

 

 

30/05/2019

 

 

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Evocation d’Antoine Emaz et de Marie-Claire Bancquart.

 

Entretien avec Julien BLAINE

Julien Blaine est né en 1942, à Rognac, au bord de l’Étang de Berre, flaque de mer jadis bleu-azur, aujourd’hui marron glacé et a grandi au bord de l’Arc jadis rivière aujourd’hui égout.Il vit à Ventabren et à Marseille et nomadise le plus possible.Il a effectué des nombreuses expositions et manifestations collectives à travers le monde, notamment avec les groupes Machines à langage à la Biennale de Paris (1967), Hexa-one (1968), Groupe “:” (1968/1969), et Logomotive (1983/1992).Son travaille se développe autour des poésies concrètes, visuelles et élémentaires, de la performance, de l’art et de l’alchimie, de la destruction (boycott et sabotage), du mail-art, du livre d’artiste, de la photocopie, du monument détourné, du hors-limites.BIBLIOGRAPHIE— Livres (hors petits tirages et livres d'artistes)• WM Quinzième, Les Carnets de l’Octéor, 1966• Essai sur la Sculpturale, Ed. Denise Davy, 1967• Paragenesi, Ed. Sampiero, 1968• Petit précis d’Érotomanie, Agentzia, 1969• Processus de déculturatisation, Tête de Feuilles, 1972• Elefanti e primo testi, Ed. Geiger, 1977• Passé/Futur, Ed. Factotum Art, 1979
• Reprenons la ponctuation à zéro, Zérosscopiz Ed. NèPE, 1980• Énoncé du problème, Ed. Loques, 1981
• 13427 poèmes métaphysiques, Ed. Évidant, 1986• L’, Ed. Akenaton, 1988• Poëme métaphysique n° 12897, Spectres Familiers, 1988• Via Italia, Rara International, 1990
• Bimot, Évidant, 1990
• Fioriture - illustrations Joël Hubaut, Delacrem, 1992• Calmar, Spectres Familiers, 1993• Bamileke, Giona Ed., 1995
• Parodies & Brouillons, Adriano Parise., 1995
• L’Arc c’est la Lyre, Al Dante, 1998
• Gloria Mundi, Al Dante, 1998
• Pagure, Al Dante, 1999
• La fin de la chasse, Al Dante & Safaribooks), 1999• Comment sortir la phrase de sa gangue , Al Dante, 2001• Kyé de N & de M, VOIX éditions, 2002• Se constituer vrai/ment Grand Père, Le Bleu du Ciel, 2003• L’impromptu de Valenciennes, Ecole des beaux-arts de Valenciennes, 2004 
• L’éventail n°1 - 1959/2004 avec Antoine Simon, NèPE, 2005 
• En dansant la Sumida - avec Valentine Verhaeghe et Viviane Duverfgé, NèPE) 2005• Bye-bye la perd., Al Dante & Adriano Parise, 2006• Cuba - Cola, Inventaire/Invention, 2006• Poëmes Vulgos, Al Dante & Adriano Parise, 2007• 50 & + *, Redfoxpress, 2008• Heaume Suite Homme, Dernier Télégramme, 2009
• Le pont du diable (des Ricciotti), Al Dante, 2009
• Cours minimal sur la poésie contemporaine, Al Dante, 2009• 3 Singes & 3 éléphants, Redfoxpress, 2010
• Mais 2009, Dernier Télégramme, 2010• Mais âneries dans le Berry, Al Dante, 2011
• Bimot, Al Dante, 2011• Eastern, Dernier Télégramme, 2012• Carnets de Voyage Tome VII, Al Dante, 2012
• Du coq à l’âne, L’âne qui butine, 2012• Quelques jours en 2013, Au coin de la rue de l’enfer, 2014
• Thymus, Castor Astral, 2014• Quelques images de retour en 2013, Redfoxpress, 2014 
• 2013, Éditions Impaire – Adriano Parise, 2014• 5 faits d’actualités par un septuagénaire bien sonné, Al Dante, 2016• 2015, Éditions Impaire – Adriano Parise, 2016• Partitions, Manuella, 2017• Pli âge, poème amen âgé, (Redfoxpress, 2017• Calmar , Traduction en arabe par Jalal El Hakmaoui, Editions BourreGreg, 2017• Dé but de ro man, Editions des Vanneaux, 2017• La comète Chury […] la laboureuse, Editions des Vanneaux, 2017• 2017, Les Presses du Réel, Coll. Al Dante, 2018• De quelques tombeaux de feus mes amis…n Au Coin delà rue de l’Enfer , 2018• Le Livre, Les Presses du Réel, Collect. Al Dante, 2019• ébauches & brouillons, Redfoxpress, 2019

*****

7

soudain l’âge vint.

 

 

Le français : quelle langue !Comment dire tout ce «ça» là, dans une autre langue ? Soudain l’âge vint.

et dans quelle autre langue cette affirm a©tion peut-elle avoir autant de sens quand on l’entend sans vouloir vérifier l’orthographe ?

Soudain l’âge vint

 

8

reverdir

reverdir

 

renaître

renaître

 

L’homme végétal, lui aussi, est saisonnier : Meurt en hiver

Revit au printemps

 

Hui,Quant à moi, L’hiver a commencé...

(Nombreux de mes amis sont déjàdans un printemps méconnu!)

 

9

NOUVEAU CONCERT JOUé DANS LE CERCUEIL à IRMMUNI DE SON LIVRET IMPROVISé :

 

3⁄4 d’heure de musique contemporaine magnifique entre Philip Glass et John Cage remboursée par la sécurité sociale !D’abord 2 sons que je n’ai pas voulu ni désignés ni décryptés, 2 sons qui m’ont pris par surprise...

Puis le chant strident d’un oiseau nocturne et artificiel en un seul cri : il bouboule, bubule, froue, hue, hulule, miaule, tutube, huinte, hioque, hôle, hue, lamenteLa rumeur d’une vieille locomotive à vapeur

Les sirènes d’un navire

Chaque série de sons précédée d’un roulement de tambour sur des peaux d’un métal in connu

 

NOUVEAU CONCERTMUNI SA PARTICIPATION TEXTUELLE :

Oreille gaucheOreille droiteAudiométrie dit-elleAudiométrie vocaleAudiométrie tonaleEt tympanogrammePuis une dictée de noms communs prononcés de l’audible à l’inaudible, Du parler articulé au silence total en passant par le murmure désarticulé.

En prélude je n’entends que le bruit du cœur Le bruit de mon cœur...

Je me suis fait tiré les oreillesIls ont exploré mes oreillesIls sont allés visiter le fond de ces trous là...

Tous les tests possibles...D'abord on entend que le bruit du cœur De son cœur.

tests pas texts !

 

1er Chant

 

Reprise (X n fois)

éther ter ter ter (X n fois) étherétherétherterterTerre ! Terre ! Terre (X n fois) Terre !Terre !Terre !terterterétherterterterétherterterterétherTerre !Terre !Terre !étherterTerre !

chant strIdent d’un oIseau nocturne et artIFIcIel.>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

 

2nd Chant

 

tan tan tantantantan(X n fois)Trois cent soixanteTrois cent cinquante Trois cent soixante Trois cent cinquanteTrois cent soixanteTrois cent cinquante

 

3e Chant

 

Reprise (X n fois)

ça va toi ? ça va toi ?

toi ! toi ! toi ! Toi! Toi! Toi! Toi! Toi! Toi!

Tout le temps Tout le temps Tout le temps tan

tan

tanTrois cent cinquante Trois cent soixante Trois cent cinquante Trois cent soixante Tout le temps Tout le temps Tout le temps tantantanTout le temps tempstemps

Reprise (X n fois)

Reprise alternée ou enchevêtrée des 3 séquences (X n fois)

Reprise alternée ou enchevêtrée des 3 séquences (X n fois) & reprise du seul

toi ! toi ! toi ! Toi !Toi !Toi !Toi ! Toi !Toi !Toi ! Toi! Toi! Toi!Toi ! Toi!

 

 
 

 

 

 

 

Michel BAGLIN

 

 

23/05/2019

 

 

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Notre planète

A Jackie

 

Tant de mêmes paysages peuplent nos regards !

Depuis plus d’un demi-siècle ensemble nous jouons

les balanciers sur la crête des jours traversés,

craignant pour l’autre, se tenant du bout des yeux,

nos pieds sur la corde raide

comme nos cœurs cherchant l’équilibre,

s’inventant les gestes simples de la confiance

trouvant l’appui à demi-mot.

Sous la poussière retombée des années,

nos vies ont composé une planète familière

une géographie de lieux conquis et de pays inventés

où nos deux enfants poussent leur chemin.

Cette terre nous est commune,

elle nous nourrit

tandis que notre mémoire frémit

au murmure des mêmes sources,

et l’on partage l’un et l’autre les sentiers d’alpage

qui nous conduisent encore par la pensée

sur l’épaule nue de la montagne,

les ravines et les passages d’éboulis

et l’éblouissement de la mer scintillant à nos pieds.

Depuis plus d’un demi-siècle l’amour

nous a mis en route ensemble tant de fois,

tant de fois nous a dessiné derrière l’horizon du quotidien

des gares de campagne, des terminus d’utopie,

un môle, un phare, un bout de terre, une île

et les petits enfants de l’avenir.

Des champs de lavande aussi pour baigner nos caresses,

des chambres de pénombre pour enrober l’été.

Nos corps se connaissent et s’épellent du bout des doigts.

Ils ont toujours crainte de se perdre

et se cherchent la nuit comme nos sourires devinés.

Ils ont toujours crainte de se perdre

pour s’être un peu perdus naguère

en des courants contraires

sans cesser de se connaître pourtant

ni de retrouver leurs formes dans le moule de nos mains.

Plus d’un demi-siècle d’amitié ont arrondi nos angles,

le miel de la complicité étale sa douce lumière

sur les blessures et les angoisses de nos âges.

Un printemps toujours soulève nos terres

de ses pousses neuves,

de sa verdeur de promesse.

Et le gros coton gris des ciels de novembre n’y peut rien.

Michel Baglin. Février 2019

 

 

La poésie

 

La poésie n’est pas dans les vers,

mais entre les lignes, quelque part

entre l’obscurité de la parole qui se cherche

et les célébrations solaires du chant.

Pas dans les mots,

mais dans la poussière qu’ils soulèvent.

L’enfermer dans le poème est la réduire,

alors qu’elle le déborde de toutes parts,

l’engendre et le prolonge,

alors qu’elle est sa source et son delta.

Il est vrai, elle ne dit rien qui vaille

aux comptoirs de la Bourse, chez les traders,

ou même chez l’épicier du coin.

Mais elle augmente ton salaire de vivant,

redore le bonjour et l’au-revoir

dans les mémoires de peu.

Elle est le sucré et le salé

qui rehaussent ton brouet,

la cerise en hiver,

la bougie sur le gâteau.

Elle glisse dans ta paume

le galet du jour, sous tes doigts,

la palette des matières.

La poésie te met le jus en bouche

quand tu dis « pêche »,

car elle est la chair des mots.

Elle t’assoit à la table des terroirs.

Elle ne dit pas « rouge » ou « jaune »,

elle les donne à voir.

Elle ne dit pas le petit matin parfumé,

elle t’en rafraichit.

Dans les pins, elle prête au vent

l’écho grisant des vagues,

quand le torrent s’assèche,

elle libère les crues qu’il porte en puissance.

Quand le regard s’éteint,

elle le rallume de ses métaphores,

de ses envols et de ses sèves.

Elle réveille les couleurs du tableau

quand ta vie s’embrume.

Et quand la peau se tait,

elle lui rend la caresse et la brûlure.

La poésie puise aux eaux souterraines

de l’enfance toujours inaccomplie.

Elle te leste de ressouvenances,

d’une mémoire ragaillardie, d’un corps remué.

Elle est ta prise de terre

branchée sur le vertige et sur le manque.

Sur ta conscience d’être d’ici, de maintenant,

beaucoup d’hier, un peu de demain,

fatalement provisoire et incertain.

Mais dans la graine,

elle écoute l’avenir et s’en émeut.

Elle est dans le sport

ce qui n’appartient pas à la performance,

dans la marche, ce qui ne se mesure pas

et ne s’éteint jamais le but atteint.

Elle est dans l’éolienne la rafale

qui se moque de tes compteurs.

Elle est ce grain de folie

qui germe dans toute envie.

Dans tout poème infuse

un sentiment de précarité qui donne

du prix à tout ce qui passe :

la poésie ainsi conjugue

les menaces sourdes du temps

aux impatiences de l’amour.

Elle est la vie qui se déplie dans la durée

et fait crisser sous les pas

les graviers de la mélancolie.

Mais elle tisse le châle

dont se réchauffe le cœur

et pose la main

sur l’épaule des chagrins.

Elle est la mise en garde,

elle est la mise en forme,

la mise en appétit et la mise en route.

Dans les puanteurs de la ville,

elle soulève l’émeute des foins coupés,

les senteurs de prairies perdues.

Là où l’exil s’insinue

et le désespoir étreint parfois,

la poésie fauche un regain

et s’attache à louer le quotidien

qu’on peut encore sauver.

Contre le factice, c’est elle qui arbitre.

Elle mange dans ta main et tu ne le sais pas.

 

Michel BAGLIN

 

 

 

 
 

 

Jean-pierre SIMEON

 

 

16/05/2019

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Une nouvelle émission est consacrée à Jean-Pierre Siméon.

Rappel de la biographie d’une des premières voix de la poésie française :

Jean-Pierre Siméon, agrégé de lettres modernes, est l’auteur d’une vingtaine de recueils de poésie, de deux essais, mais également de romans, de livres pour la jeunesse et de pièces de théâtre pour lesquels il a obtenu de nombreux prix. Il a été directeur artistique du Printemps des poètes et poète associé au Théâtre national populaire. Il dirige la collection Poésie aux éditions Gallimard.

 

Christian Saint-Paul s’entretient avec Jean-Pierre Siméon.

« Je ne poursuis qu’un seul but, avertit en préambule le poète, à travers la poésie : contribuer à faire que les choses aillent mieux, qu’il y ait plus d’humanité dans un monde qui se déshumanise à toute vitesse, un monde qui est dans la peur, en proie à la paranoïa de l’agression.

A la lâcheté morale, la poésie a toujours opposé l’exact contraire, c’est une perpétuelle recherche de sens neuf, d’horizons nouveaux. Elle cherche à refonder l’homme dans ce qu’il a de meilleur, le goût de l’aventure, de l’autre, de l’appel d’air.

Aujourd’hui il y a un profond regain de la poésie. Le Prix Apollinaire a été remis à une jeune femme de 27 ans Cécile Coulon et je vois tous les jours que la poésie intéresse les jeunes et je trouve cela très encourageant. Ils entendent dans la poésie ce contre-ordre dont ils ont besoin. C’est une parole ferme, qui peut être de la colère mais qui est toujours fondée sur une volonté de vivre, de défendre ce qu’il y a de meilleur pour nous tous, le désir de vivre pleinement dans l’Absolu comme Rimbaud le rêvait.

La position est une position éthique, rappelle Christian Saint-Paul.

Mais le poème n’est jamais que le reflet de ce que tu appelles une éthique, poursuit Jean-Pierre Siméon, c’est-à-dire une manière d’être au monde, de se situer dans le rapport aux autres. Habiter poétiquement le monde aujourd’hui, comme l’écrivait Hölderlin, c’est exactement le contraire de ce que l’on nous adjoint d’habiter le monde.

On nous soumet à l’obsession de l’avoir, du pouvoir, être toujours plus, plus fort, dominer et paraître.

La poésie, il ne s’agit pas d’avoir mais d’être. D’être mieux, d’être plus intensément vivant. Aujourd’hui on est dans l’obsession du paraître, de l’image de la superficie. La poésie est l’exact contraire de tout cela. La poésie est dans l’échange, elle est dans l’éloge de l’autre comme l’écrivait Andrée Chedid.

En ces temps où tout est fragmentaire, la poésie prend le temps d’aller dans l’épaisseur du réel. Contrairement à l’idée reçue, c’est à travers de la poésie qu’on a la meilleure approche de la réalité, c’est-à-dire la réalité humaine, les visages autour de nous, la rencontre des peuples mais aussi la réalité concrète du paysage, du cosmos.

Depuis toujours les poètes ont ce rapport curieux, intense, passionné pour la totalité du réel. C’est cette réalité qui fait défaut aujourd’hui. La poésie est un contre-ordre à ce que nous enjoignent les slogans, la publicité, la manière dont il faut penser. C’est un cheminement libre dans la réalité et dans le monde.

C’est pour cela que la poésie est d’abord une objection. Elle est subversive parce qu’elle renverse l’ordre établi, les catégories de pensées.

Elle commence comme cela, mais elle peut être récupérée. Mais fondamentalement, elle est subversive puisqu’elle retourne les évidences, les conventions, les consensus. Depuis l’Antiquité les poètes ont toujours gêné. D’ailleurs, lorsque s’instaure un régime totalitaire, les premiers à être jetés en prison sont les poètes ! Car ils sont détenteurs de ce que nul autre ne possède : la liberté irréductible de parole. On ne peut empêcher la parole du poète.

Mauricio Rosencof en Uruguay a survécu à sa détention épouvantable par la poésie. Il mémorisait ses poèmes qu’il a ensuite écrits à sa sortie.

Quand j’ai choisi pour titre de mon essai « La poésie sauvera le monde », c’était une provocation. Cela peut faire rire ou sourire les gens sérieux. Mais c’est qui les gens sérieux aujourd’hui ? Les économistes, les financiers, les politiques ? Mais ce sont eux qui nous amènent dans le mur !

Ce sont les poètes qu’il faut prendre au sérieux !

Ils prennent le monde à bras le corps. Ils s’engagent dans la vie, ils ont un regard plus juste, plus accordé à ce qu’il nous faudrait tous. Non plus être dans une position de prédateur, de dominateur, mais être dans la construction collective. Nous sommes tous embarqués dans le même vaisseau. Je suis optimiste, je ne dis pas galère. Si les poètes tenaient le gouvernail, nous n’irions pas à la catastrophe comme aujourd’hui. L’éthique du poète sauverait le monde puisqu’on ne serait plus dans l’avoir et le paraître. Il faut changer complètement nos critères de jugement et nos perspectives. Essayons le point de vue du poète !

L’homme est libre de son destin. La poésie contribue selon le mot de Roberto Juarroz à l’accélération de la conscience. C’est un effort de conscience. Qui lit les poètes, fait agir sa conscience de façon neuve. Le poème propose toujours une appréhension nouvelle, imprévue de la vie, du monde. C’est cet imprévu qui ouvre la conscience. Cela conduit à une inquiétude heureuse, l’intranquillité de Pessoa.

Parce qu’une conscience vivante est une conscience inquiète, qui ne croit pas en un monde clos, définitif. Chaque poème contribue à l’élargissement de la conscience. Et en plus dans le plaisir, dans l’émotion. Ceci pour tout le monde. On sort de nos habitudes de penser. Plus de conventions, plus de consensus, plus de conformité. J’appelle cela la règle des trois con, et Christian, tu me comprends puisque c’est cela que tu fais dans ta radio « libre » à Radio Occitania !

 

Dans « Politique de la beauté » c’est la justesse touchée, obtenue, atteinte par l’effort de conscience, par l’effort d’humanité en chacun de nous. La beauté est un autre nom de la bonté, de la fraternité, par l’effort d’intelligence, par l’effort de création. La beauté, c’est l’étreinte amoureuse du monde et des jours qui passent.

La poésie doit certes faire entendre la douleur et la violence du monde, mais elle doit faire entendre aussi l’énergie qui nous permet de nous opposer à cela.

La poésie doit donc être incandescence, c’est du feu, nous avons besoin d’ardeur. Dans la poésie il y a ce ferment d’ardeur.

Je voudrais que la poésie soit un point d’appui à la conscience qui se redresse !

 

En mars 2019, je vais publier chez Gallimard « Levez-vous du tombeau ».

C’est une injonction à renouer avec le sens vital qui est bien atteint dans nos pays européens.

Dans le monde, il y a des pays bien plus frappés par le malheur que nous, qui ont une énergie vitale bien supérieure. Qui ont plus d’enthousiasme, plus d’amour de la vie. Il faut sortir de notre abattement. Il n’y a pas de révolte, il y a de la hargne !

Souvenons-nous de Primo Levi qui a été capable de reconstruire après Auschwitz. De même Semprun. Il faut trouver un point d’appui et se redresser. C’est mon intuition.

Dans les camps d’extermination, on faisait de la poésie, c’était une belle opposition à l’inhumain, une postulation de l’humain au plus haut contre tout ce qui le dégrade.

La poésie est souvent vindicative, mais c’est au nom de la vie.

 

Kafka disait « Quand on n’est pas capable de donner du courage, on doit se taire. »

Il faut dépasser les moments de dépression collective. Il faut fonder une espérance.

Avec la chute des idéologies, on a considéré l’espérance comme une niaiserie. Mais moi, j’ai toujours pensé qu’elle était liée à l’humain. Donc, on ne peut pas s’en débarrasser. Que pourrait être une vie sans aucune espérance ? Ce n’est pas une vie.

L’homme est fait de ça, de cette espérance, du pas d’après, de la sortie de l’enfermement, de la solitude.

L’espérance n’est pas une construction intellectuelle de l’homme, on la porte en nous, comme on porte aussi son contraire, la désespérance, l’abattement, le découragement.

Nous sommes des êtres complexes et partagés mais en toute lucidité, on peut reprendre appui sur ce qui peut porter l’espérance.

La littérature peut fonder cette espérance. François Cheng le dit si bien !

Cette espérance peut naître en ouvrant simplement sa fenêtre le matin ou en croisant un visage, ou en respirant un air frais. C’est l’expérience concrète, banale, de l’humain qui renaît.

Jean-Claude Pirotte au moment de mourir disait : « La poésie a un parfum de résurrection. »

Il voulait dire que chaque fois qu’il lisait un poème, quelque chose renouait avec la vie, profondément, avec la jeunesse de la vie. »

Jean-Pierre Siméon

 

***

Lecture d’extraits de « Politique de la beauté », de « Lettre à la femme aimée au sujet de la mort », de poèmes inédits « Levez-vous du tombeau » (Il va falloir enfin que la poésie gouverne)

 

 
 

 

Franc BARDOU

 

09/05/2019

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Photo de

©Ulrich Lebeuf _ Myop

 

 

 

 

Claude FABER

 

 

02/05/2019

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Jean-pierre SIMEON

 

 

25/04/2019

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Christian Saint-Paul s’entretient avec Jean-Pierre Siméon à propos de son livre :

Levez-vous du tombeau

Collection Blanche, Gallimard, 2019, 120 pages, 12,50 €

 

Présentation de l’éditeur :

Les poèmes de ce «livre» sont à l'image de son titre : enthousiastes, volontaires, énergiques et entraînants. Croyant la poésie capable de sauver le monde, l'auteur exhorte le lecteur à se soulever dans la joie au-dessus de ses fragilités et de ses craintes, en manifestant sa foi en une poésie qui «réconcilie le rêve et l'action, le rêve et la réalité», comme l'écrivait Aimé Césaire à qui un vibrant hommage est rendu en épilogue. Qu'il passe de la célébration à l'exhortation ou entretienne des «dialogues intérieurs» avec des poètes étrangers et des villes traversées, c'est toujours la même voix qu'on entend, exaltée, militante, contagieuse et joliment maîtrisée.

Voir également l’éditorial de Christian Saint-Paul :

« Levez-vous du tombeau

La poésie est un argument de vie »

***

Extrait de Levez-vous du tombeau :

Tout n’est-ce pas tout en l’homme s’il est vrai

tout est affaire de fragilité

tout de lui s’en vient mourir contre l’instant

toute joie qui tombe lui ferme les paupières

et ah le renaître qu’il imite des fleurs

comme il est difficile...

 

or je plaiderai oui sans honte

pour la fragilité

pour que légers comme un essor d’oiseau

nous concluions un pacte avec la fragilité

celle qui tient à notre peau

celle qui fait que la pensée inclinée sur l’abîme

se retient à ses propres cheveux

 

car la fragilité qui ne s’ignore pas

comme des lèvres vont à des lèvres étrangères

elle seule accueille la beauté

qui n’est - brave éclair -

que ce qui tient haut l’instant dans la perte

fragile la neige des mots

fragiles nos rêves pirates mais tressés de paille

fragile le secret amour

qui efface les villes le ciel et la terre

pour n’être qu’un cœur battant

 

tout ce qui vaut est fragile

 

mais c’est là que s’éprouve jusqu’à l’ivresse

la force d’être vivant

 

 

 
 

 

 

jean-luc POULIQUEN

 

 

 antoine EMAZ

 

 

18/04/2019

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Aurélia LASSAQUE

 

04/04/2019

  & 

11/04/2019

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Silvaine ARABO

 

28/03/2019

 

 

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Michel BAGLIN

 

 

21/03/2019

 

 

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Notre planète

A Jackie

 

Tant de mêmes paysages peuplent nos regards !

Depuis plus d’un demi-siècle ensemble nous jouons

les balanciers sur la crête des jours traversés,

craignant pour l’autre, se tenant du bout des yeux,

nos pieds sur la corde raide

comme nos cœurs cherchant l’équilibre,

s’inventant les gestes simples de la confiance

trouvant l’appui à demi-mot.

Sous la poussière retombée des années,

nos vies ont composé une planète familière

une géographie de lieux conquis et de pays inventés

où nos deux enfants poussent leur chemin.

Cette terre nous est commune,

elle nous nourrit

tandis que notre mémoire frémit

au murmure des mêmes sources,

et l’on partage l’un et l’autre les sentiers d’alpage

qui nous conduisent encore par la pensée

sur l’épaule nue de la montagne,

les ravines et les passages d’éboulis

et l’éblouissement de la mer scintillant à nos pieds.

Depuis plus d’un demi-siècle l’amour

nous a mis en route ensemble tant de fois,

tant de fois nous a dessiné derrière l’horizon du quotidien

des gares de campagne, des terminus d’utopie,

un môle, un phare, un bout de terre, une île

et les petits enfants de l’avenir.

Des champs de lavande aussi pour baigner nos caresses,

des chambres de pénombre pour enrober l’été.

Nos corps se connaissent et s’épellent du bout des doigts.

Ils ont toujours crainte de se perdre

et se cherchent la nuit comme nos sourires devinés.

Ils ont toujours crainte de se perdre

pour s’être un peu perdus naguère

en des courants contraires

sans cesser de se connaître pourtant

ni de retrouver leurs formes dans le moule de nos mains.

Plus d’un demi-siècle d’amitié ont arrondi nos angles,

le miel de la complicité étale sa douce lumière

sur les blessures et les angoisses de nos âges.

Un printemps toujours soulève nos terres

de ses pousses neuves,

de sa verdeur de promesse.

Et le gros coton gris des ciels de novembre n’y peut rien.

Michel Baglin. Février 2019

 

 

La poésie

 

La poésie n’est pas dans les vers,

mais entre les lignes, quelque part

entre l’obscurité de la parole qui se cherche

et les célébrations solaires du chant.

Pas dans les mots,

mais dans la poussière qu’ils soulèvent.

L’enfermer dans le poème est la réduire,

alors qu’elle le déborde de toutes parts,

l’engendre et le prolonge,

alors qu’elle est sa source et son delta.

Il est vrai, elle ne dit rien qui vaille

aux comptoirs de la Bourse, chez les traders,

ou même chez l’épicier du coin.

Mais elle augmente ton salaire de vivant,

redore le bonjour et l’au-revoir

dans les mémoires de peu.

Elle est le sucré et le salé

qui rehaussent ton brouet,

la cerise en hiver,

la bougie sur le gâteau.

Elle glisse dans ta paume

le galet du jour, sous tes doigts,

la palette des matières.

La poésie te met le jus en bouche

quand tu dis « pêche »,

car elle est la chair des mots.

Elle t’assoit à la table des terroirs.

Elle ne dit pas « rouge » ou « jaune »,

elle les donne à voir.

Elle ne dit pas le petit matin parfumé,

elle t’en rafraichit.

Dans les pins, elle prête au vent

l’écho grisant des vagues,

quand le torrent s’assèche,

elle libère les crues qu’il porte en puissance.

Quand le regard s’éteint,

elle le rallume de ses métaphores,

de ses envols et de ses sèves.

Elle réveille les couleurs du tableau

quand ta vie s’embrume.

Et quand la peau se tait,

elle lui rend la caresse et la brûlure.

La poésie puise aux eaux souterraines

de l’enfance toujours inaccomplie.

Elle te leste de ressouvenances,

d’une mémoire ragaillardie, d’un corps remué.

Elle est ta prise de terre

branchée sur le vertige et sur le manque.

Sur ta conscience d’être d’ici, de maintenant,

beaucoup d’hier, un peu de demain,

fatalement provisoire et incertain.

Mais dans la graine,

elle écoute l’avenir et s’en émeut.

Elle est dans le sport

ce qui n’appartient pas à la performance,

dans la marche, ce qui ne se mesure pas

et ne s’éteint jamais le but atteint.

Elle est dans l’éolienne la rafale

qui se moque de tes compteurs.

Elle est ce grain de folie

qui germe dans toute envie.

Dans tout poème infuse

un sentiment de précarité qui donne

du prix à tout ce qui passe :

la poésie ainsi conjugue

les menaces sourdes du temps

aux impatiences de l’amour.

Elle est la vie qui se déplie dans la durée

et fait crisser sous les pas

les graviers de la mélancolie.

Mais elle tisse le châle

dont se réchauffe le cœur

et pose la main

sur l’épaule des chagrins.

Elle est la mise en garde,

elle est la mise en forme,

la mise en appétit et la mise en route.

Dans les puanteurs de la ville,

elle soulève l’émeute des foins coupés,

les senteurs de prairies perdues.

Là où l’exil s’insinue

et le désespoir étreint parfois,

la poésie fauche un regain

et s’attache à louer le quotidien

qu’on peut encore sauver.

Contre le factice, c’est elle qui arbitre.

Elle mange dans ta main et tu ne le sais pas.

 

Michel BAGLIN

 

 

 

 
 

 

 

 

Antoine EMAZ

Jacques LOVICHI

Alain LACOUCHIE

Jean-Michel BONGIRAUD

Jacques CANUT

Anne-Marie BERNAD

Silvaine ARABO

 

 

 

 

 

14/03/2019

 

 

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EMAZ Antoine  est décédé le 3 mars 2019. Il faisait partie de ces grandes voix de la poésie française. La maladie l’a empêché de réaliser une émission radio. Nous croyions avoir le temps et nous nous trompions. Pour évoquer sa mémoire et avant de réaliser une émission entière sur ce poète dont nous avons du mal à croire en sa disparition physique, pour le reste, c’est-à-dire l’essentiel, il est immortel bien sûr, nous avons choisi  De peu éditions Tarabuste, 18 € et ce poème sur AZF

De peu reprend, en les remaniant parfois, des poèmes extraits de différents ouvrages d'Antoine Emaz parus entre 2001 et 2011 : Vent voix, Je ne, Peur, Dans la touffeur de l'air, K.O., Petite suite froide, Sur la fin, Bleu très bleu, Pluie, Vague, Pas sûr, Rien l'été, Jours, Nada et Pente. Le volume complète l'anthologie Sauf publiée en 2011.

« ce soir on va au cinéma »

le jour à jour résiste au pire

il grignote

 

« mon CES cesse le 28 novembre »

 

présent sans épaisseur

et plein

 

« la vie continue »

 

on se dégage

l’œil passe par Toulouse

AZF

on s’éloigne

 

l’image n’est toujours pas comprise

simplement couverte

par d’autres

 

lent balai d’essuie-glace

 

asthme histoire

20 heures

 

(poème écrit le 24. 09 2001)

 

Lecture d’autres poèmes.

***

 

Nous avons consacré une émission à « Au revoir et merci » de Jacques LOVICHI le 29 /11 /2018 :

https://lespoetes.site/son/2018/2018-11-29%20JACQUES%20LUVICHI.wma .

Encres Vives vient de le rééditer et il constitue le n° 485 de cette revue

(le n° 6,10 €, abonnement 12 n° 34 € à l’ordre de Michel Cosem, 2, allée des Allobroges, 31770 Colomiers).

Lecture d’extraits.

 

Alain LACOUCHIE publie « Une pierre sans personne » textes et encres à Encres Vives et ce volume constitue le n° 486 de la revue.

Joseph Rouffanche (Prix Mallarmé) écrivait à propos de l'écriture d'Alain Lacouchie : "Férocité, désespoir, révolte, souffrance indicible, torturante qui persécutent, violentent cette syntaxe géniale au cœur d'un désastre humain couramment enduré, exacerbé." Avec, en écho, cette affirmation de Jean Joubert (Prix Renaudot et Prix Mallarmé). Il qualifiait ainsi la poésie d'Alain Lacouchie : "Poésie ouverte, poésie vivante, entre tragique et ferveur." Ce recueil est dans cette tonalité.

Lecture d’extraits

***

 

Jean-Michel BONGIRAUD publie « Le Coin du tableau » "Encres Vives" n° 487.

 

 De ce poète, écrivain, essayiste, Jean-Louis BERNARD  écrit :               

"Certainement pas un poète de canapé."

Comme il a raison, Jean-Michel Bongiraud ! Et combien ces mots sont là, debout, percutants et tendres, grinçants et espérants !

Anarchiste humaniste (espèce rare mais si essentielle), impitoyable envers puissants et arrivistes, il nous offre une salutaire piqûre de rappel : la poésie est aussi résistance, dangereuse pour l'ordre établi, redonnant goût à la réflexion, à l'émancipation, au désir. Bouffée d'oxygène dans un monde de plus en plus en proie aux passions tristes.

"Utopie", en grec, signifie "non lieu". Jean-Michel Bongiraud n'est donc d'aucun lieu. Mais ô combien de notre temps.

 

Lecture d’extraits.

***

 

Ces deux volumes feront l’objet d’une émission prochaine. Comme pour le recueil d’Anne-Marie BERNAD « L’ancre des mots » paru aux éditions L’Harmattan, 17,50 €.

Lecture d’extraits.

***

 

Enfin, Jacques Canut persiste et signe avec de nouveaux recueils « Résurgences » collection Pour solde de tous contes couverture illustration de Claudine Goux et « Catissimo »  photographies de Lydie Arnaud.

C’est avec joie que nous retrouvons la verve de ce poète attaché de façon indéfectible à la poésie, aux lieux et aux chats.

Jacques Canut ne fait, au fond, que poursuivre son œuvre lente et sûre d’un poète qui affirme son humanité dans un monde qui en renferme de moins en moins. La lecture des courts poèmes de ce grand monsieur sensible, dont l’impressionnante expérience de la vie n’est jamais présentée comme un atout, nous remplit de fraîcheur, de nostalgie mais d’espérance.

Lecture d’extraits.

***

 

Pour terminer, Christian Saint-Paul signale la parution de « Au fil du labyrinthe suivi de Marines résiliences » de Silvaine ARABO aux éditions Rafael de Surtis, 15 €.

Une émission sur ce livre a été réalisé le 28 mars 2019 (https://lespoetes.site/son/2019/LES_POETES_2019-03-28%20Silvaine%20ARABO.wma )

 

 

 
 

 

 

 

Julien BLAINE

 

 

 

7/03/2019

 

 

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Evocation d’Antoine Emaz et de Marie-Claire Bancquart.

 

Entretien avec Julien BLAINE

Julien Blaine est né en 1942, à Rognac, au bord de l’Étang de Berre, flaque de mer jadis bleu-azur, aujourd’hui marron glacé et a grandi au bord de l’Arc jadis rivière aujourd’hui égout.Il vit à Ventabren et à Marseille et nomadise le plus possible.Il a effectué des nombreuses expositions et manifestations collectives à travers le monde, notamment avec les groupes Machines à langage à la Biennale de Paris (1967), Hexa-one (1968), Groupe “:” (1968/1969), et Logomotive (1983/1992).Son travaille se développe autour des poésies concrètes, visuelles et élémentaires, de la performance, de l’art et de l’alchimie, de la destruction (boycott et sabotage), du mail-art, du livre d’artiste, de la photocopie, du monument détourné, du hors-limites.BIBLIOGRAPHIE— Livres (hors petits tirages et livres d'artistes)• WM Quinzième, Les Carnets de l’Octéor, 1966• Essai sur la Sculpturale, Ed. Denise Davy, 1967• Paragenesi, Ed. Sampiero, 1968• Petit précis d’Érotomanie, Agentzia, 1969• Processus de déculturatisation, Tête de Feuilles, 1972• Elefanti e primo testi, Ed. Geiger, 1977• Passé/Futur, Ed. Factotum Art, 1979• Reprenons la ponctuation à zéro, Zérosscopiz Ed. NèPE, 1980• Énoncé du problème, Ed. Loques, 1981• 13427 poèmes métaphysiques, Ed. Évidant, 1986• L’, Ed. Akenaton, 1988• Poëme métaphysique n° 12897, Spectres Familiers, 1988• Via Italia, Rara International, 1990• Bimot, Évidant, 1990• Fioriture - illustrations Joël Hubaut, Delacrem, 1992• Calmar, Spectres Familiers, 1993• Bamileke, Giona Ed., 1995• Parodies & Brouillons, Adriano Parise., 1995• L’Arc c’est la Lyre, Al Dante, 1998• Gloria Mundi, Al Dante, 1998• Pagure, Al Dante, 1999• La fin de la chasse, Al Dante & Safaribooks), 1999• Comment sortir la phrase de sa gangue , Al Dante, 2001• Kyé de N & de M, VOIX éditions, 2002• Se constituer vrai/ment Grand Père, Le Bleu du Ciel, 2003• L’impromptu de Valenciennes, Ecole des beaux-arts de Valenciennes, 2004 • L’éventail n°1 - 1959/2004 avec Antoine Simon, NèPE, 2005 • En dansant la Sumida - avec Valentine Verhaeghe et Viviane Duverfgé, NèPE) 2005• Bye-bye la perd., Al Dante & Adriano Parise, 2006• Cuba - Cola, Inventaire/Invention, 2006• Poëmes Vulgos, Al Dante & Adriano Parise, 2007• 50 & + *, Redfoxpress, 2008• Heaume Suite Homme, Dernier Télégramme, 2009• Le pont du diable (des Ricciotti), Al Dante, 2009• Cours minimal sur la poésie contemporaine, Al Dante, 2009• 3 Singes & 3 éléphants, Redfoxpress, 2010• Mais 2009, Dernier Télégramme, 2010• Mais âneries dans le Berry, Al Dante, 2011• Bimot, Al Dante, 2011• Eastern, Dernier Télégramme, 2012• Carnets de Voyage Tome VII, Al Dante, 2012• Du coq à l’âne, L’âne qui butine, 2012• Quelques jours en 2013, Au coin de la rue de l’enfer, 2014• Thymus, Castor Astral, 2014• Quelques images de retour en 2013, Redfoxpress, 2014 • 2013, Éditions Impaire – Adriano Parise, 2014• 5 faits d’actualités par un septuagénaire bien sonné, Al Dante, 2016• 2015, Éditions Impaire – Adriano Parise, 2016• Partitions, Manuella, 2017• Pli âge, poème amen âgé, (Redfoxpress, 2017• Calmar , Traduction en arabe par Jalal El Hakmaoui, Editions BourreGreg, 2017• Dé but de ro man, Editions des Vanneaux, 2017• La comète Chury […] la laboureuse, Editions des Vanneaux, 2017• 2017, Les Presses du Réel, Coll. Al Dante, 2018• De quelques tombeaux de feus mes amis…n Au Coin delà rue de l’Enfer , 2018• Le Livre, Les Presses du Réel, Collect. Al Dante, 2019• ébauches & brouillons, Redfoxpress, 2019

*****

7

soudain l’âge vint.

 

 

Le français : quelle langue !Comment dire tout ce «ça» là, dans une autre langue ? Soudain l’âge vint.

et dans quelle autre langue cette affirm a©tion peut-elle avoir autant de sens quand on l’entend sans vouloir vérifier l’orthographe ?

Soudain l’âge vint

 

8

reverdir

reverdir

 

renaître

renaître

 

L’homme végétal, lui aussi, est saisonnier : Meurt en hiver

Revit au printemps

 

Hui,Quant à moi, L’hiver a commencé...

(Nombreux de mes amis sont déjàdans un printemps méconnu!)

 

9

NOUVEAU CONCERT JOUé DANS LE CERCUEIL à IRMMUNI DE SON LIVRET IMPROVISé :

 

3⁄4 d’heure de musique contemporaine magnifique entre Philip Glass et John Cage remboursée par la sécurité sociale !D’abord 2 sons que je n’ai pas voulu ni désignés ni décryptés, 2 sons qui m’ont pris par surprise...

Puis le chant strident d’un oiseau nocturne et artificiel en un seul cri : il bouboule, bubule, froue, hue, hulule, miaule, tutube, huinte, hioque, hôle, hue, lamenteLa rumeur d’une vieille locomotive à vapeur

Les sirènes d’un navire

Chaque série de sons précédée d’un roulement de tambour sur des peaux d’un métal in connu

 

NOUVEAU CONCERTMUNI SA PARTICIPATION TEXTUELLE :

Oreille gaucheOreille droiteAudiométrie dit-elleAudiométrie vocaleAudiométrie tonaleEt tympanogrammePuis une dictée de noms communs prononcés de l’audible à l’inaudible, Du parler articulé au silence total en passant par le murmure désarticulé.

En prélude je n’entends que le bruit du cœur Le bruit de mon cœur...

Je me suis fait tiré les oreillesIls ont exploré mes oreillesIls sont allés visiter le fond de ces trous là...

Tous les tests possibles...D'abord on entend que le bruit du cœur De son cœur.

tests pas texts !

 

1er Chant

 

Reprise (X n fois)

éther ter ter ter (X n fois) étherétherétherterterTerre ! Terre ! Terre (X n fois) Terre !Terre !Terre !terterterétherterterterétherterterterétherTerre !Terre !Terre !étherterTerre !

chant strIdent d’un oIseau nocturne et artIFIcIel.>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

 

2nd Chant

 

tan tan tantantantan(X n fois)Trois cent soixanteTrois cent cinquante Trois cent soixante Trois cent cinquanteTrois cent soixanteTrois cent cinquante

 

3e Chant

 

Reprise (X n fois)

ça va toi ? ça va toi ?

toi ! toi ! toi ! Toi! Toi! Toi! Toi! Toi! Toi!

Tout le temps Tout le temps Tout le temps tan

tan

tanTrois cent cinquante Trois cent soixante Trois cent cinquante Trois cent soixante Tout le temps Tout le temps Tout le temps tantantanTout le temps tempstemps

Reprise (X n fois)

Reprise alternée ou enchevêtrée des 3 séquences (X n fois)

Reprise alternée ou enchevêtrée des 3 séquences (X n fois) & reprise du seul

toi ! toi ! toi ! Toi !Toi !Toi !Toi ! Toi !Toi !Toi ! Toi! Toi! Toi!Toi ! Toi!

 

 
 

 

 

 

Pierre MAUBE

 

 

 

28/02/2019

 

 

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Rabih el-Atat 
 
Amir Or
 
Ernst Jandl

 

 

 

21/02/2019

 

 

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L’émission est consacrée à trois publications des éditions érès collection Po & Psy dirigée par Daniéle Faugeras et Pascale Janot.

1 ) Rabih el-ATAT Humeurs vagabondes

poèmes traduits de l’arabe (Liban) par Antoine Jockey, dessins d’Odile Fix, 12 €.

Médecin-chirurgien né en 1977 au Liban, Rabih el-Atat est aussi un poète qui a écrit en arabe des centaines de tercets que l’on peut lire dans trois recueils : Funérailles des poupées (2015), Clés en plastique pour le paradis (2017) et Le livre du haïku arabe (2016) écrit en collaboration avec Samer Zakaria. Pratiquant exclusivement cette forme poétique brève inspirée du haïku, elAtat prend un plaisir perceptible à noter ses émotions et les moments fugaces qui l’étonnent ou l’émerveillent, issus ausi bien de l’observation de la nature et de l’évanescence des choses que de thèmes du monde contemporain ou s’inspirant de sa vie quotidienne. Affranchi de la règle classique de composition d’un haïku (5/7/5), chacun de ses tercets se lit néanmoins en une seule respiration et incite à la réflexion et à la méditation de la scène évoquée. Par le large choix qu’elle propose, cette anthologie personnelle a le mérite de montrer le talent particulier de ce poète à saisir ces instantanés grâce à un travail d’épuration remarquable de son texte et à une langue dense et souple, riche de l’étendue de son vocabulaire et de ses images hautement poétiques. 10,5 x 15 - format à l’italienne sous pochette à rabats cartonnée - 86 pages po&psy princeps. 12.00 € - mars 2019. Traduit de l’arabe par Antoine Jockey. Édition bilingue. Dessins d’Odile Fix.

Antoine Jockey, né à Beyrouth en 1966, a vécu à Paris de 1990 à 2016. Il partage aujourd’hui sa vie entre Sète et New York. Traducteur en français de poètes arabes reconnus tels que Wadih Saadeh, Abdul Kader El-Janabi, Paul Chaoul, Abbas Beydoun, Sargon Boulus, Salim Barakat, il est aussi critique littéraire au quotidien arabe Al-Hayat et membre du comité international du festival de poésie Voix vives de Méditerranée en Méditerranée.

Odile Fix dit de son travail : « Peindre, dessiner, écrire, photographier... quelques gestes. Il faudrait qu’ils soient simples et dépouillés, silencieux, à l’image des plateaux de Haute Auvergne où je vis. Et puis, faire des livres. Tout cela est affaire de papier. Le papier (matière, textures), comme un sol foulé, arpenté, une terre familière. » Outre de nombreux livres d’artistes, tirages limités imprimés en typographie à partir de ses propres textes brefs ou de ceux d’autres auteurs, poètes et plasticiens, Odile Fix a publié plusieurs recueils en édition courante.

extraits

Le cadavre d’un seul corbeau

blanchit

toute la neige

*

je passe devant mon école

et ne trouve pas l’enfant

que j’étais

*

laisse ma main

voyante

et lis dans la plante de mes pieds

*

dans chaque œil

une couleur

et un trou noir

*

repasser mes chemises

me rappelle ta chaleur

Mère

*

vers elle

les doigts traversent la frontière

sur la carte

****

2 ) Amir OR Entre ici et là

poèmes traduits de l’hébreu par Michel Eckard Elial. Édition bilingue. Dessins de Sylvie Deparis 12.00 € -

Né à Tel Aviv, en 1956, d’une famille ayant émigré en Israël depuis la Pologne dans les années trente, Amir Or est poète, nouvelliste, essayiste, traducteur et éditeur. Après avoir étudié pendant plusieurs années, en Hollande et en Inde, différentes techniques de méditation et de croissance personnelle, à son retour en Israël il fonde un centre de méditation et thérapie, et une communauté spirituelle à Jérusalem. Il a étudié la philosophie et l’histoire comparée des religions à l’université juive de Jérusalem, où il enseignera par la suite la religion de la Grèce antique. Il est l’auteur d’une douzaine de recueils de poésie, depuis I Look Through The Monkeys’ Eyes (1987), pour lequel il a reçu le Harry Harshon Literary Prize of the Hebrew University, jusqu’à Prophecy of the Madman (2012) et Loot. Selected poems 1977-2013 (2013). Ses poèmes sont traduits dans plus de 40 langues. Il a lui-même traduit en hébreu huit livres de poésie, parmi lesquels The Gospel of Thomas, Limb Loosening Desire, une anthologie de poésie érotique grecque, et Stories from the Mahabharata ; ainsi que des poètes modernes comme Seamus Heaney, Ann Sexton, Shuntaro Tanikawa, Jidi Majia, Fiona Sampson et Ansatassis Vistonitis. Ses traductions du grec ancien ont été primées par le ministère israélien de la culture. Amir Or donne des lectures dans une douzaine de festivals de par le monde. Dans les années 90, il a fondé la Helicon Society for the Advancement of Poetry in Israel, puis la Helicon Poetry School arabo-juive, développant des méthodologies d’enseignement de l’écriture créative, qu’il diffuse en Israël, aux États-Unis, en Autriche, en Angleterre et au Japon. En 2001, il a créé le Sha’ar International Poetry Festival, dont il a été le directeur artistique. Il est l’éditeur national des magazines internationaux de poésie Atlas et Blesok. Il est l’un des membres fondateurs du World Poetry Movement et de European Association of Writing Programs. Il est coordinateur national pour Poets for Peace.

Professeur de littérature comparée et de sémiologie littéraire,

Michel Eckhard Elial est poète et traducteur de la littérature hébraïque (Yehuda Amichaï, Aaron Shabtaï, David Vogel, Ronny Someck, Miron Izakson.) Il a fondé en 1988 à Tel-Aviv, et dirige aujourd’hui à Montpellier, la revue Levant – Cahiers de l’Espace Méditerranéen, dont la vocation est de promouvoir un dialogue pour la paix entre les trois rives de la Méditerranée.

Sylvie Deparis est plasticienne et éditrice de livres d’artiste. Née en 1965, elle vit à Domazan, dans le Gard. Formée aux Beaux-arts de Toulouse et à l’Ecole d’art d’Avignon, elle expose régulièrement en galeries, médiathèques ou centres d’art. Très proche des philosophies d’Extrême-Orient, elle voyage depuis plusieurs années en Asie où elle participe à des résidences d’artistes et expose (Corée, Indonésie, Chine). Ses livres d’artiste sont très liés à son travail plastique, en relation à l’écriture poétique. Elle a collaboré avec plusieurs éditeurs et a créé en 2009 les éditions SD Éditions.

extraits

LEÇONS

1

Tôt le matin

je veux apprendre

la langue des branches

bercées par le vent.

2

Souffle sur moi aussi, vent,

apprends-moi à bercer

les mots grâce à mon esprit.

3

Ouvre l’empan de mes branches,

apprends-moi à être

l’arbre que je suis.

4

De l’humus profond à la senteur des fleurs,

mon juste poids, elle est debout,

ma vie.

5

Les feuilles montent,

les feuilles tombent,

moi aussi.

****

3 ) Ernst JANDL Façon de parler

Traduit de l’allemand par Inge KRESSER

Illustré par Ena LINDENBAUR 12 €

Il n’existe à l’heure actuelle que peu de traductions en français des œuvres d’Ernst Jandl. Inge Kresser a sélectionné et traduit les poèmes composant Façon de parler (du titre de l’un des poèmes qui y figurent), parmi les plus brefs et les plus accessibles à un large public, extraits des 8 volumes qui composent les œuvres complètes du poète autrichien Ernst Jandl (1925-2000).

« Pour ce qu’on a à dire, il n’y a pas d’alternative ; mais pour ce qui est de la manière de le dire, il existe une multitude infinie de possibilités. Il y a des poètes qui disent toutes sortes de choses, mais toujours de la même manière. Faire ça ne m’a jamais tenté ; car en fait il n’y a qu’une seule chose à dire mais toujours et toujours d’une manière nouvelle. » Ernst Jandl, Dingfest, 1973.

"... Il a toujours eu quelque chose à dire, et il a toujours su qu'on pouvait le dire comme ça ou comme ça ou comme ça ; et donc il n'a jamais eu de peine pour dire quelque chose, par contre, pour la manière de le dire, oui. Car pour ce qu'on a à dire, il n'y a pas d'alternative ; mais pour ce qui est de la manière de le dire, il existe une multitude infinie de possibilités. Il y a des poètes qui disent toutes sortes de choses, et toujours de la même manière. Faire ça ne l'a jamais tenté ; car en fait il n'y a qu'une seule chose à dire mais celle-la toujours et toujours d'une manière nouvelle." (Ernst Jandl, dingfest, 1973)

Le présent recueil, traduit par Inge Kresser, puise dans l’œuvre complète du poète, en privilégiant les poèmes accessibles à un large public. Son titre, Façon de parler reprend celui d’un de ses poèmes les plus représentatifs de la manière du poète. Une sélection de poèmes extraits des huit volumes qui composent l'œuvre de E. Jandl. Chacun des 42 textes est présenté sur une feuille volante.Né à Vienne en 1925, Ernst Jandl est appelé à 18 ans sur le front, d’où il s’enfuit, se constituant prisonnier des troupes américaines. Après la guerre, il étudie l’allemand et l’anglais qu’il enseignera par la suite. Il commence à publier ses premiers recueils de poésie, il écrit des pièces radiophoniques et donne des représentations publiques, notamment avec des musiciens de jazz. Il sera accompagné dans sa vie durant dans sa démarche de création, d’abord par ses parents (sa mère Luise écrivait de la poésie et son père « favorisait l’art ») puis par sa compagne et complice en poésie Friedrericke Mayröcker, elle-même poète renommée.

À partir de 1956, il abandonne les poèmes « réalistes » pour « avancer en terrain non balisé ». Il marche sans discontinuer sur le chemin expérimental, ce qui veut dire que toutes les méthodes pour construire, à partir de la langue, une œuvre d’art, sont essayées, abandonnées puis essayées de nouveau. Délaissant à certains moments les règles de la grammaire et de l’orthographe, il produit des fragments visuels ou sonores dont la poésie ressort non pas amputée ou insensée, mais renforcée (à la manière des peintres de l’ancienne Chine recherchant l’« unique trait de pinceau »).

Sur la poésie de Ernst Jandl :

 […] Littérature de « résistance », l’œuvre de Ernst Jandl est pour son auteur une « réalisation de liberté ».

[…] L’esthétique, intrinsèque aux textes littéraires, est toujours liée aussi à l’aspect politique. Il ne s’agit pourtant pas de réduire les textes esthétiques à un simple message politique. La critique sociale ne se manifeste qu’à travers le travail sur la langue. C’est la radicalité de la forme qui s’affirme en radicalité sociale et donc politique.

[…] Les textes déploient tout leur potentiel critique seulement s’ils sont écrits dans une forme novatrice.

[…] Jandl ne doute pas de la langue elle-même – puisqu’on est dans la langue et qu’on n’en a pas d’autre pour s’exprimer – mais de son usage .

[…] La langue est considérée comme du matériau brut et le poète puise non seulement dans le système de la langue au sens saussurien mais aussi dans son répertoire propre, subjectif : son « réservoir » de mots et de tournures lexicales, de réflexions, de souvenirs etc. Le résultat est la production d’un objet, d’un artefact.

[…] Il faut jouer de toutes les possibilités de la langue et Jandl parle de Manipulation mit dem Sprachmaterial qui permet de rendre compte de sa composition/construction et donc aussi de sa contamination (dans la foulée de Kraus) par des automatismes et des phrases toutes faites.

[…] La confrontation de matériaux hétérogènes provoque des réactions fortes et le travail sur la lettre permet de rendre visible l’invisible.

[…] Cette poésie, même dans son stade le plus expérimental, n’est jamais autoréférentielle, le travail sur le matériau participant toujours du dévoilement de normes et du langage de la société.

Elisabeth Kargl, « Ernst Jandl : travail langagier et mémoire politique », Germanica, 42 | 2008, 189-208.

court extrait :

allez père raconte la guerre

allez père raconte comment t’es parti

allez père raconte comment t’as tiré

allez père raconte comment t’as été blessé

allez père raconte comment t’es tombé

allez père raconte la guerre

***

sept enfants

combien d’enfants avez-vous en fait ? - sept

deux de ma première femme

deux de ma deuxième femme

deux de ma troisième femme

et un

un tout petit

de moi-même

****

 
 

 

 

 

 

14/02/2019

 

 

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L'émission du jeudi 14 février 2019 est consacrée au festival "50 poèmes pour la neige" qui se tiendra le vendredi 22 février 2019 à la Maison de l'Occitanie, 11, rue Malcousinat à Toulouse.
Les acteurs s'expriment sur le contenu de la soirée et brossent un portrait du poète chilien Nicanor Parra.
En préambule Christian Saint-Paul signale la parution de "Quelques parts de voyages" de Marcel Migozzi (Gros Textes éd.7 €) et de "L'Ancre des mots" d'Anne-Marie Bernad (L'Harmattan éd. 17,50 €) en précisant qu'il reviendra plus précisément sur ces deux livres.

       

 

 

 

 

 

 

Monique-Lise

 

 Cohen

 

 

31/01/2019

07/02/2019

 

 

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Marc TISON

 

 

 

24/01/2019

 

 

 

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Christian Saint-Paul signale avec enthousiasme la parution du numéro 62 de la revue "Nouveaux délits" animée par Cathy Garcia Canalès, qui comprend des poèmes et, ou, textes en prose de Florentine Rey, Guénane, Xavier Combres, Patrick Boutin, Guillaume Simon, ainsi que de la poésie brésilienne représentée par Nilton Resende, Regina Alonso, Tereza Du'Zai et Itamar Vieira Junior, dont les textes sont traduits par Stéphane Chao.

Les chroniques de livres de poésie de Cathy Garcia sont consacrées à des recueils d'Heptane Fraxion et Florentine Rey.

Lecture de l’éditorial de Cathy Garcia Canalès et du texte de Louis Calaferte « le monde est nous tous, ou rien [...] Si l’autre n’existe pas, vous n’existez pas non plus. »

C’est le poème « Lisbonne » de Guillaume Simon qui est lu à l’antenne.

Extrait de ce numéro 62, et de Florentine Rey, justement : "G.P.A."

J'ai rêvé qu'un enfant étranger pénétrait mon corps et troublait sa

géométrie.

J'ai senti ses bras dans mes bras.

Ses petits pieds me ralentissaient.

J'ai pensé au jour où il me quitterait

mon corps comme une province lointaine

bon pour l'oubli.

 

Les illustrations de ce numéro 62 sont de Michel Vautier.

Vous pouvez vous abonner à la revue "Nouveaux délits" ( 28 €) dont le numéro est vendu au prix de 6 €, en adressant votre chèque à Association Nouveaux Délits, - Létou - 46330 Saint Cirq-Lapopie.

Voir : http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/

 

Christian Saint-Paul reçoit son invité : MARC TISON

venu présenter son dernier livre : DES NUITS AU MIXER

Deuxième volume de la collection Nonosse de la chienne Édith, Des nuits au mixer (112 pages, 10 €) est un recueil de poèmes de Marc Tison, chantre de l'électricité et de la chair amoureuse.

Marc TISON est né en 1956, entre les usines et les terrils, dans le nord de la France. Fondamental. A la lisière poreuse de la Belgique. Conscience politique et d’effacement des frontières.

1969 : Lit un premier poème de Ginsberg. Electrisé à l’écoute de John Coltrane et des Stooges.

1971 : Performe des textes de Jacques Prévert sur les scènes de collège. Premiers écrits.

1977 : L’engagement esthétique est politique. Punk et free. Déclare, avec d’autres, la fin du punk en 1978. Premières publications dans des revues.

1977 – 1992 Il écrira et chantera plus d’une centaine de chansons dans plusieurs groupes.

1980 : Décide de ne plus envoyer de textes aux revues, le temps d’écrire et d’écrire des cahiers de phrases sans fin. Cela jusque 1998 où Il jette tout et s’interroge sur un effondrement du « moi ». Part alors à l’aventure analytique.

2000 : Déménage dans le sud ouest. Rend sa poésie de nouveau publique.

C’est un artiste engagé tôt dans le monde du travail. A pratiqué multiples jobs : chauffeur poids-lourd, concepteur- rédacteur publicitaire, directeur d’équipement culturel…. Il s’est spécialisé dans la gestion de projet de l’univers des musiques d’aujourd’hui. A élargi depuis son champ d’action à la gestion et l’accompagnement de projets culturels et d’artistes. Il programme aussi des évènements liés à l’oralité, la poésie dite, et la « poésie action ».

1977 - 1980 : Publié dans plusieurs revues

(dont « Poètes de la lutte et du quotidien »)

2000- 2015 : Publié dans diverses revues (« traction Brabant, Verso, Nouveaux délits, Diérèse,…).

2008 : Recueil collectif « Numéro 8 », éditions « Carambolage ».

2010 : Recueil « Manutentions d’humanités », éditions « Arcane 17 ».

2012 : Recueil « Topologie d’une diaclase », éditions « Contre poésie ».

Texte « Désindustrialisation », éditions « Contre poésie ».

2014 : Recueil « L’équilibre est précaire », éditions « Contre poésie ».

Trois affiches poèmes, éditions « Contre poésie ».

2014 : Publications de quinze textes dans le livre d’artiste « Regards » du photographe Francis Martinal.

2015 : Recueil « Les paradoxes du lampadaire + à NY ». édition « contre poésie »

2017 : « Des abribus pour l’exode » éd. Le Citron Gare.

Depuis 2011 : Performances / installations d’action poésie (solo ou duo avec Eric Cartier).

Il poursuit un dialogue avec Christian Saint-Paul sur sa conception de la création poétique, de sa posture en qualité d’artiste.

Lecture de la préface écrit par ailleurs par l’éditeur lui-même Jean-Jacques Tachdjian, également graphiste et musicien.

On peut voir dans tous les poèmes de Marc Tison, une critique sociale, au sens le plus noble du terme, sous-jacente. C’est la vocation du poète de suggérer que le monde a une représentation qui n’est pas la représentation communément admise.

La réalité sociale, c’est là où l’on vit. Et c’est là où l’on vit que se fait la poésie.

Je suis engagé dans le monde, revendique Marc Tison. Il y a une résistance à la mysanthropie. Le paradoxe de notre époque, est que le dialogue a disparu. Or, la poésie est un objet de discussion humaine.

 

Pour l’aspect très graphique des poèmes « des nuits au mixer », Marc Tison précise que les vers surlignés de noir, sont l’œuvre de l’éditeur, c’est son regard qui est très cohérent.

 

Lecture d’enregistrements avec environnement sonore :

- Je (Des abribus pour l’exode)

- La dilection (des nuits au mixer)

Lecture de «  La route de l’exil », (p 83) ; « la douceur de la peau »(p 63)

- Pierre (Manutentions d’humanités)

Avant de poursuivre la lecture de textes, l’auteur insiste sur l’effroi que fut dans sa région natale du Nord, la désindustrialisation (10 000 emplois en 4 ans supprimés). C’est enlever aux personnes leur dignité, car on laisse les gens sans rien. En réalité, on les assassine en même temps.

Lecture de :

Des nuits au mixer (p 51)

Calais

Nos yeux

et p 87 un poème sur l’apologie de la femme, texte très sensuel.

Je ne suis pas si éteint.

 

Il faut écouter cette voix venue des combats du quotidien qui sont la trame de la vie.

La poésie transcende cette langue venue des profondeurs d’un peuple et donne la parole à ceux qui l’ont perdue. Nous saurons suivre Marc Tison dans sa mission d’artiste et rendre compte avec lui de l’état du monde.

 

 
 

 

 

 

 

BÉATRICE

 

BALTI

 

 

17/01/2019

 

 

 

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Daniel COHEN

 

 

10/01/2019

 

 

 

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Christian Saint-Paul reçoit l’écrivain éditeur Daniel Cohen, accompagnée de Monique-Lise Cohen, poète, écrivaine, essayiste dont une partie de son oeuvre est publiée à Orizons la maison d’éditions de Daniel Cohen.

 

Daniel Cohen est né en 1950, dans un département de la République française, la Saoura, aux confins de l’Atlas et non loin de la mer de sable mouvante du Grand Erg occidental. Daniel Cohen entame, dès l’enfance, sa passion de la littérature au sens le plus fort du mot. Ses grandes lectures appartiennent à sa jeunesse et à la seconde décennie de son existence. Passant outre les conseils de ses amis, il décide, toute affaire cessante, de laisser tomber ses activités afin de se consacrer exclusivement aux soins de sa mère, alors affectée d’un cancer généralisé. De cette expérience, il tirera un désir encore plus fort d’écrire et c’est fortuitement qu’il ouvre une maison d’édition. Il y publiera bon an mal an des auteurs français et européens avant de devoir abdiquer face aux injonctions des banquiers dans la dernière décennie du XXe siècle. Entre 1991 et 2008, il écrira et récrira son œuvre Eaux dérobées qui, amorcée dès les années 80, sera achevée d’imprimer en 2010. Auteur reconnu puisque ses ouvrages ont suscité livres, études et articles, il demeure largement méconnu du grand public. Revenu à l’édition en 2007, il a fondé le comptoir d’édition Orizons ; le centième titre sera publié au printemps de 2011. En avril 2012 est lancée l’épopée Blanche des Oublies qui a inspiré à Ellis A. Ware des centaines de planches en couleurs. Daniel Cohen a publié une quinzaine d’ouvrages, traduit de l’anglais quelques autres, établi des éditions littéraires, notamment Le Maître des eaux amères de Liliane Atlan.Il prépare Au Pays de Blanche ; il espère compléter la tétralogie D’Humaines conciliations et fixer sur un livre ce qu’il entend par l’écrire et le lire.Il aimerait, éditeur, faire d’Orizons un lieu de rencontre et d’empathie. Si les temps paraissent difficiles pour le livre de prose notamment, si pas mal de rigidité s’est imposée dans les diverses professions éditoriales, si certaine incertitude plane, face au livre électronique, dont on prévoit l’avènement par pure déduction mécanique plutôt que par prophétie, son quotidien d’éditeur est fait d’excitation, d’épuisement et toujours... d’espérance.

Entretien avec Daniel Cohen, autour de trois ouvrages :

Le Trésor familier des rythmes ;

Le Miroir et ses portes. Proust, Gide, Claudel

et L’Argent, sa corde et l’écrivain (éd. Orizons). Monique Lise Cohen intervient également dans cet entretien.

Le Trésor familier des rythmes témoigne de la pulsation de l’écriture à laquelle un jeune garçon a cédé dans un milieu dépourvu de livres.

Pour titrer ce frémissement, Daniel Cohen se réfère à Mallarmé (Symphonie littéraire). Il dégage d’abord une fresque, pittoresque et altière, de son enfance passée au Sahara, alors sous souveraineté française, dans la bonne ville de Colomb-Béchar (appelée aujourd’hui Béchar, en République algérienne) — telle est la première moitié de l’ouvrage.

Il en prolonge le foyer à l’autre point de l’ellipse : Paris — solitude de l’écrivain face à la maladie, à son destin, aux crises qui les transcendent et les réparent — c’est la seconde moitié de l’ouvrage. D’un bout à l’autre, la littérature et ses figures — au premier rang desquelles Proust, œuf solaire — sont des compagnons de vie, lointains certes mais le plus souvent rédempteurs.

Cette autobiographie est un récit. Si elle est inflexible dans sa recherche d’une vérité fuyante et instable, par essence, elle dit avec tendresse le trésor des êtres aimés. Ce livre clôt un quintette mémoriel ouvert avec Psoas et Où tes traces... (parus), poursuivi avec Aux Allemands et Au Pays de Blanche (à paraître).

 

Le Miroir et ses portes Proust, Gide, Claudel

 

La lecture, pour Daniel Cohen, a été et ascèse et affranchissement. C’est auprès des écrivains qu’il a appris à regarder le monde. Dans leur giron, il s’est efforcé de surmonter épreuves et échecs.

Une crise majeure et violente (en 2013) réifia les livres. Passant du sacré au contingent, ils cessèrent d’être ce qu’ils avaient été : des enjeux de vie. L’auteur eut à réfléchir sur le rôle de la littérature en temps tragique. Son livre Le Trésor régulier des rythmes en a fait un axe dans l’ellipse enfance-maturité.

Ce cheminement a été illustré par des analyses littéraires. D’abord intégrées dans le tableau de son Trésor, D. Cohen a décidé de détacher la question de l’argent (voir L’Argent, sa corde et l’Écrivain) et d’autonomiser une réflexion sur le trio prestigieux Proust, Gide, Claudel ; question et réflexion d’abord conçues comme la réparation morale d’une fracture.

Ce livre est un témoignage passionné : comment des écrivains inscrivent leur matricule insigne sur la peau de leur lecteur.

 

L'argent sa corde et l'écrivain

"L'argent, pour l'auteur de ce livre, a été, presque toujours, une expérience pénible. Plutôt que d'en décrire la lèpre en essayiste ou en romancier, il a composé un texte décalé. Il a choisi l'Écrivain comme personnage de sa discussion. Daniel Cohen rapporte de ses lectures et de sa casquette d'éditeur, un texte personnel, court et incisif, sur ce dieu fascinant et mortifère."

***

Au cours de l’entretien, Daniel Cohen développe les précisions suivantes :

Être éditeur, c’est faire face à des difficultés énormes. Les éditions Orizons sont rue des Ecoles à Paris, près du Collège de France, de La Sorbonne, lieux magnifiques où passent les auteurs.

La suppression du h dans Orizons est le fruit des restrictions de la Propriété Industrielle. Mais ce titre est maintenant copié !

Je publie 2 à 3 ouvrages par mois.

Auparavant j’étais éditeur d’Intertextes. Orizons est né de la souffrance d’avoir accepté de publier trop de livres. C’est à 57 ans, que, dans un bus, j’ai décidé de créer Orizons.

Le Trésor familier des rythmes parle de moi, mais surtout de la littérature.

En 2013, j’ai été frappé d’un cancer avancé. C’est pendant les soins que j’ai senti que je devais parler de mon enfance.

Je suis né en Algérie aux confins du Sahara. C’est là que tout a commencé. Par le Larousse et la Bible en hébreu. De quatre à dix ans, j’ai lu ces deux livres. La matrice de l’écriture est venue de là. Devenir éditeur, les livres étant des objets célestes, c’est être le représentant de quelque chose de sacré. C’est ce que je dis dans ce livre.

On ne guérit pas de son enfance. Moi, je ne l’ai jamais quittée. Apprendre les mots du dictionnaire, leur historique ; l’alphabet hébreu a été constitutif de mon destin d’écrivain et d’éditeur.

Arrivé à Marseille, quand nous avons dû quitter l’Algérie, j’étais chez moi. Je regagnais une patrie que l’on m’avait niée de l’autre rive de la Méditerranée.

A dix ans, j’ai découvert les « Mémoires » du Général de Gaulle. C’est un très grand écrivain mais aussi un grand cynique. Comme Jules César et beaucoup d’autres.

De 14 ans à 20 ans, je ne cessais de lire. Je fus marqué par « Isabelle » de Gide dévoré avec l’aide du Larousse. Plus tard avec sa fille Catherine et son mari, nous avons fait de belles choses.

Cette autobiographie est une réflexion sur la littérature. J’ai connu une crise d’identité suraiguë. Des livres comme « La recherche du temps perdu » de Proust ont été une véritable canne, une bougie, un livre qui m’a fait. Puis ce livre m’est devenu insupportable. Et un matin où j’allais mieux, où le ciel était d’une autre couleur, j’ai rouvert « La recherche » et le miracle a été de retrouver le livre tel que je l’avais aimé pendant une cinquantaine d’années.

La subjectivité de la lecture est un fait évident. La littérature c’est la matière du vivant. Il n’ya rien d’autre qui survive aux hommes comme le livre ; même pas les peintures.

La littérature est à la fois témoignage et subversion, contre l’homme lui-même, contre ses idoles, et parfois un retour à ses idoles.

Je ne supportais pas Mallarmé dans mon adolescence mais je l’ai retrouvé à la trentaine et il m’est apparu comme gigantesque !

Villiers de l’Isle Adam, je l’ai découvert quand je fus éditeur. De même Emily Dickinson, quand j’ai publié sa correspondance.

Je vais bientôt publier une anthologie de la poésie Yddish dans une traduction du regretté Charles Dobzinscky. Il fut comme un grand frère pour moi.

Gide a un antisémitisme virulent et sot, même s’il avait des amis juifs. Mais il fut une des étoiles de la littérature française.

Claudel, d’emblée, je l’ai aimé. Il écrit comme un prophète hébraïque, dans une langue impétueuse, océanesque. Il avait publié, à la fin de la guerre, « Sur les juifs » chez Gallimard, et ce livre tombé dans l’oubli pose tout de même un souci. Il aurait aimé que les Israélites, comme il disait, devinssent chrétiens. Pour lui, c’était une logique normale. C’est néanmoins un immense auteur qui me faisait trembler, adolescent. Il a été très connu et mal aimé. Ses commentaires sur la Bible ont fait l’objet d’un colloque publié dans plusieurs milliers de pages.

J’ai écrit « Psaumes » pour ma mère. Je l’ai accompagnée dans sa maladie et j’en parle dans sa plénitude, sans fard.

 

Le petit livre L'argent sa corde et l'écrivain, j’ai eu du plaisir à l’écrire.

L’argent a toujours été une douleur pour moi. Il m’a torturé. Je ne l’aime pas, mais il en faut pour vivre et publier des livres. L’argent, c’est la corde au cou qui nous rattache au puits. Et je regarde le puits comme un miroir. L’argent ne fait entrevoir aucune liberté.

Je décris comment les écrivains se sont perdus dans ce « bâtard ».

Celui qui écrit ouvre toujours une fenêtre d’espoir.

L’écriture, c’est fonder le monde. C’est l’intermédiaire et la pelote qui tient le monde.

Dans les camps, on se souvenait de passages de Proust.

 

Les livres ont passé toutes les frontières, rappelle Monique-Lise Cohen, ancienne bibliothécaire. Parfois, la nuit, dans ma bibliothèque, j’entendais les livres parler entre eux.

Le livre finit par traverser la loi du marché, il triomphe toujours.

Mais aujourd’hui les livres peuvent finir dans les bennes à ordures.

L’écriture est la vie. Elle la fonde et la tient.

 

Je me heurte toujours au mur de l’argent, conclut Daniel Cohen, mais le livre est plus fort que l’idole.

 

 
 

 

 

 

 

Jean-Michel 
 
 
TARTAYRE

 

 

03/01/2019

 

 

 

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Christian Saint-Paul lit des extraits de « Mangrove » en hommage au poète disparu Jacques LOVICHI.

Voici ce qu’écrit Dominique Sorrente dans Scriptorium sur ce poète :

« Jacques LOVICHI né en 1937, écrivain corso-provençal d'expression française, comme il aimait à le dire, Jacques Lovichi a levé l'ancre, le 18 novembre 2018.

Avec ses airs de Capitaine Haddock, brouillant les pistes entre la Corse et la Bretagne, sa connivence hors sol avec quelques maudits comme Germain Nouveau ou Christian Guez Ricord, son amitié obstinée pour quelques poètes majeurs, et au premier rang Eugène Guillevic, sa façon de saluer du poing en appelant du côté de l'autre rive, Jacques, le solitaire farouche, avait pris sa part de défi collectif. Ce fut d'abord le groupe expérimental d'Encres vives, puis la revue Sud, puis plus tard encore, Autre Sud, et la revue des Archers. C'est dans ces aventures éditoriales que nous nous rencontrions, tout comme Jean-Max Tixier, son complice, et Yves Broussard, le timonier capitaine.

Dans une de ses malicieuses dédicaces dont il avait le secret, Jacques avait complété le titre « Derrière c’est toujours la mort » par une formule au crayon « …mais devant, c’est encore la vie ». C’est ainsi qu’il faudra, au-delà de la légitime émotion du moment, lire les livres de Jacques Lovichi, découvrir ou retrouver une oeuvre complexe, ardente et obscure à la fois, toujours en mouvement ( romans, poésie, chroniques de théâtre...) qui témoigne d'un engagement littéraire intense, et plus encore d'un combat avec l'ange aux multiples reprises.

Une porte a claqué sur le « Définitif provisoire », livre paru en 1980 dans la collection Sud.

Il est temps d’apprendre à écouter la voix qui dit « l’inépuisement du sujet ».

On peut retrouver une belle évocation de "l'enivrante tristesse de vivre" de Jacques Lovichi dans une note que Françoise Donadieu, qui fut sa confidente, nous avait confié au Scriptorium.

http://www.scriptorium-marseille.fr/tag/jacques+lovichi

 

Dominique Sorrente

 

Romancier (Mangrove [Éditions Ipomée, 1982], La Licorne et la Salamandre [Jean-Claude Lattès, 1982], Le Sultan des Asphodèles-Sultaraveddu [Éditions Autres Temps, 1995. Prix du livre corse 1996], Rhotomago et autres fictions subliminales [Géhess Éditions, 2008], etc…), essayiste, critique de théâtre, directeur littéraire, Jacques Lovichi est avant tout poète.

 

Proche des Cahiers du Sud de Jean Malrieu, il entre dans les années 1970 au comité de rédaction de la revue de recherches poétiques Encres Vives, puis à celui de la revue SUD et, en 1998, crée avec ses amis ― Yves Broussard, Frédéric Jacques Temple, André Ughetto, Daniel Leuwers,… ― la revue Autre SUD dont il fut le rédacteur en chef (jusqu’à la disparition de la revue en décembre 2009) .

 

Son œuvre poétique se compose d’une quinzaine de recueils (dont Madrilenas, Insurrections, L’Égorgement des eaux, Rouge Cœur, Glyphes, Définitif provisoire, Mangrove, Fractures du silence [Prix Antonin Artaud 1985], Derrière c’est toujours la mort, Murs, Post scriptum/Post mortem, Mythologies de haute mer). L’essentiel de sa production poétique a été rassemblé dans Les Derniers Retranchements (Le Cherche midi éditeur), qui s’est vu décerner en 2002 le Prix de l’Académie Mallarmé.

 

Voici ce qu’écrivait Françoise Donadieu à propos de « Mangrove » : « Mangrove, publié en 1982, est à l’image de son sujet « cette zone marécageuse du sud-est asiatique lentement conquise sur la mer par les palétuviers-mangliers qui y installent une faune extraordinairement adaptée à ce milieu, foisonnante et étrange comme un paysage de matin du monde » Motifs proliférants, intrigue haletante, écriture inspirée, Mangrove tient à la fois de la fabrique de l’écrivain, de l’autoportrait baconien, du cauchemar surréaliste, du roman d’aventures. Cette œuvre peut à la première lecture paraître baroque mais le délire y est fermement enclos dans une architecture répétitive savamment maîtrisée, dans une écriture précise et rigoureuse, même et surtout dans le pastiche (me semble-t-il) du roman de gare ou du nouveau roman. C’est que Lovichi est un écrivain exact, si exact que l’expérimentation à l’œuvre dans Mangrove a pu lui sembler trop erratique. C’est pourquoi je vois dans Le Sultan des Asphodèles, publié en 1995, la mise au point de ce qui était visé dans Mangrove. Dire un lieu (jamais nommé car avant tout paysage mental) qui permette à la fois le rapport au mythe et l’abouchement au réel. »

La démarche de Lovichi sur le lieu se perpétue aujourd’hui à Encres Vives où Michel Cosem a créé une collection « Lieu » qui rassemble déjà une centaine de publications.

Extrait de « Mangrove » :

 

Il s’agit de tout reprendre.

De considérer le premier jet comme une simple base de départ.

Les brouillons sont toujours le lieu d’un conflit qui se résoud sans grande difficulté au moment de la mise au net.

Devant moi, à nouveau, un paquet de feuilles blanches.

Comment répartirai-je le texte ?

Où vais-je coller mes citations, disposer mes mots éclatés, mes graphismes d’accompagnement ?

C’est un long travail qui commence.

Mais je sais que j’en sortirai victorieux, que la page vierge m’oppose ses dernières résistances.

Maintenant, les mots sont tous passés de mon côté avec charmes et mirages.

Ce sont eux qui m’aideront à gagner la partie.

L’enjeu, c’est un poème somptueux, ruisselant de clartés éblouissantes.

L’enjeu, c’est une nouvelle approche, jamais tentée, de la langue.

 

L’enjeu, c’est moi.

 

Christian Saint-Paul dit ensuite le grand intérêt qui s’attache à lire de

Manuel Chaves Nogales, « L’Andalousie rouge et la « Blanche Colombe » & autres reportages ». Trad. de l’espagnol par Catherine Vasseur. Quai Voltaire, 172 p., 18 €

 

« Le livre, écrit Nathalie Lévisalles dans le journal « En attendant Godeau », réunit trois séries de reportages de Manuel Chaves Nogales publiés entre avril 1931 et juin 1936 dans le quotidien Ahora. Ils nous touchent comme s’ils avaient été écrits ces derniers mois, peut-être parce qu’ils parlent de religion et d’anarchisme, de colère populaire et d’immenses inégalités sociales. Peut-être aussi parce qu’ils évoquent un endroit qui n’existe plus, comme l’Amazonie des Jivaros, le Rajasthan des maharajahs ou la Pologne du Yiddishland.

 

L’Andalousie dans laquelle nous entraîne Chaves Nogales est une région où les choses semblent n’avoir pas changé depuis le Moyen Âge, où ferveur religieuse et superstition sont partagées par tous – les señoritos (propriétaires terriens quasi de droit divin) comme les journaliers qui vivent dans un état proche du servage. Et voilà que ce système féodal est percuté par des idées révolutionnaires déboulant de l’étranger. Qu’il nous décrive les effets de ce choc sur la Semaine Sainte de Séville ou sur le pèlerinage du Rocío, l’auteur constate que, « pour s’exercer ici, le communisme devra cesser de l’être et devenir anarchisme, syndicalisme… Les communistes des villages andalous feraient perdre la tête à Lénine et Trotski ».

 

Chaves Nogales tente donner un sens à ce mélange de misère et de dépenses insensées, de soumission à des forces sociales et divines aussi floues que puissantes. Impossible d’appliquer les catégories habituelles de l’analyse politique, il faut d’autres outils pour appréhender cette réalité. D’où une enquête, subtile et minutieuse, sur les forces en présence. On rencontre des señoritos, en tenue de cavaliers, tablier de cuir sur les jambes et chapeau enfoncé jusqu’aux sourcils, qui reçoivent dans leurs chais, faisant jaillir des tonneaux « le jet doré dans l’étroit et long verre en cristal », pendant que les ouvriers agricoles se demandent s’ils pourront semer cette année. Les uns placent « leurs espérances dans la dictature ou la monarchie », les autres dans « un idéal communisant aux contours diffus », tous ont en commun « l’aspiration à une explosion ».

 

Il y a ce reportage sur la Semaine Sainte à Séville dont des extraits ont été publiés en 1936 dans l’hebdomadaire français Voilà, illustrés par les photos d’un jeune photographe prometteur, Robert Capa. Au-delà du folklore et de l’ostentation de piété, quel est le sens de ces festivités? Et quelle place ont-elles dans « Séville la rouge » ? Pour comprendre, l’auteur entre dans les tavernes, rend visite aux syndicats et aux fabricants de bougies, il tente de saisir l’âme de ces confréries qui, depuis des siècles, font défiler leurs pasos (les chars portant les statues des saints). N’allez pas croire que l’appartenance à une confrérie traduise une véritable religiosité, avertit-il, elle relève en fait « des relations les plus vitales pour l’individu » : celles qu’il entretient avec son quartier et sa taverne.

Personne d’ailleurs ne se sent d’obligation vis-à-vis des curés, « un fond d’anarcho-syndicalisme persistera toujours ». Tout cela cohabite joyeusement avec les fortunes dépensées pour payer le manteau brodé d’or de la Vierge, les monceaux de fleurs arrivant par wagons de Valence ou de Grenade et les kilos de bijoux accrochés aux statues et offerts par les Sévillanes, « de la riche dame qui se défait de ses colliers de perles et de diamants à la vieille cigarière qui fait don de ses pendants d’oreilles».

Chaves Nogales raconte avec humour comment il se retrouve à servir de guide, on dirait aujourd’hui de « fixer », à un de ces journalistes français qui « de façon aussi circonstanciée que mal intentionnée, narrent à leurs lecteurs ce qui se passe en Espagne pour l’instruction et l’édification du velléitaire bourgeois parisien… Nous courons le grave risque que, d’un moment à l’autre, cet homme télégraphie à Paris la nouvelle sensationnelle selon laquelle les Andalous vivent sous un régime purement soviétique ».

 

Le texte est parfois traversé par un souffle poétique, notamment quand l’auteur raconte le pélerinage du Rocío, avec des « colosses qui fendent le marais, Vierge sur le dos… Plus qu’une procession, c’est un enlèvement — un véritable rapt mythologique. C’est un culte primitif, quasi sauvage ». Il y a aussi ces magnifiques descriptions de la dureté et de la splendeur des paysages andalous, de la beauté barbare de cérémonies où se mêlent christianisme méditerranéen, climat prérévolutionnaire et paganisme flamboyant.

On voit, arrivant de « villages bolcheviques et réactionnaires, rouges et verts », précédées par l’odeur de l’encens et le roulement joyeux des castagnettes, des caravanes rassemblant señoritos et gitans, cavaliers et vieilles dévotes, charrettes couvertes de draps blancs et de dentelles, où « les jeunes filles aèrent leurs amples jupes à volants ». À l’approche de cet improbable cortège de romeros qui a cheminé sept jours sous l’impitoyable soleil andalou, Chaves Nogales décrit une image qui pourrait être un mirage. « En ces heures accablantes d’interminable randonnée, la romeria prend des allures d’authentique caravane, elle devient pareille à une cohorte transhumante d’Afrique, à un peuple nomade du désert ».

 

D’autres scènes encore semblent sorties d’un rêve, ou d’un film, comme ce campement où, « au centre d’un cercle, une femme intrépide exécute une sorte de tango devant des grappes de visages virils hachés par la lumière violette des lampes à acétylène. L’ombre d’un cavalier fend la nuit au galope et se perd sur le chemin des pinèdes, emportant sur sa croupe un somptueux trophée orné de volants ». Plus tard, « au rythme de la guitare et des coplas », les romeros s’en retourneront « à Triana la Rouge où les attendent la faucille et le marteau ».

 

Le parfum des fleurs d’oranger, la lueur des bougies, l’énergie sexuelle, le chant des guitares, le murmure des prières dans la nuit… En saturant notre imaginaire d’images et de sensations, Chaves Nogales réussit à nous transmettre sa compréhension intime de la nature — et des contradictions — d’un peuple dont il est lui-même issu. Une autre chose rend ces textes sont émouvants : on y lit une profonde conviction républicaine et anti-totalitariste, mais aussi le désenchantement face à l’échec annoncé de la République.

 

Le livre de cet écrivain mort à 47 ans en 1944, en exil à Londres, est une très belle illustration de ce qu’est parfois le reportage journalistique : une forme de littérature. Comme ont pu l’être les articles de Vassili Grossman, qui a longtemps été reporter avant de devenir l’auteur de Vie et Destin. »

 

L’Andalousie rouge et la « Blanche Colombe » est le neuvième des livres (romans, nouvelles et reportages) de Chaves Nogales publiés depuis 2010 au Quai Voltaire par Alice Déon.

 

Extrait d’un passage de La Semaine Sainte à Séville :

 

« Tout frère digne de ce nom donne le meilleur de lui-même à sa confrérie. Il lui consacre tout ce qui n’est pas requis par la nécessité de vivre, tout ce qui relève de l’exubérance : ses heures de congé, ses élans de générosité, sa soif de fraternité et de camaraderie, de richesse et de fantaisie, de luxe et d’illusoire toute-puissance. Voilà comment des gens menant une terne et modeste existence en viennent à rêver de manteaux brodés d’or rutilants et de monceaux de pierres précieuses. On ne pourrait sinon concevoir que les membres passent l’année entière à parler de leur confrérie, de sa prospérité et de ses ambitions insensées. Rappelons que la cathédrale de Séville fut édifiée en vertu d’une résolution de son chapitre, dont les mots suivants résument l’enjeu : « Construisons un temple tel que les générations à venir nous prendront pour des fous. » Des siècles plus tard, ce dessein anime toujours chaque réunion du chapitre de chaque confrérie sévillane. »

***

Christian Saint-Paul reçoit son invité :

Jean-Michel TARTAYRE venu présenter son dernier recueil de poèmes « Face Nord » paru aux éditions Encres Vives collection Encres Blanches (6,10 € à commander à Michel Cosem, 2 Allée des Allobroges, 31770 Colomiers).

 

Après des études littéraires et avoir exercé la profession de libraire, Jean-Michel Tartayre devient professeur de lettres modernes en lycées et collèges. Il est l'auteur d'une quarantaine de recueils de poèmes publiés aux Dossiers d'Aquitaine, au GRIL, aux éditions Encres vives, N&B, La Porte et Alcyone.

Il a collaboré à de nombreuses revues littéraires, notamment : L'Arbre à paroles, La Nouvelle Tour de Feu, Séquences, La Revue des Dossiers d'Aquitaine, Inédit Nouveau (éd. du GRIL), Isis, Lélixire (éd. Robin), Multiples et L'Ours polar. Il écrit régulièrement pour Encres vives et Phaéton.

En 2011, il participe à la 10e édition du Festival du Livre d'artiste "Sous couverture" de Saint-Antonin-Noble-Val (Tarn-et-Garonne), en faisant une lecture de ses poèmes. Il fait partie depuis 2015 du comité de rédaction de la revue Encres vives. En 2016, au XIe Salon du livre des Gourmets de Lettres de Toulouse, il a reçu le Grand Prix de Poésie pour son recueil Vers l'été suivi de Fractions du jour (N&B éditions). Ce même recueil a été récompensé par la Médaille de Vermeil de l'Académie des Jeux floraux en 2017. En 2018, il a été promu au 10e Fauteuil de l’Académie des Livres de Toulouse.

Il est inscrit dans l’annuaire des auteurs du Centre Régional des Lettres Midi-

Pyrénées et au Répertoire Balzac de la Société des Gens de Lettres (SGDL).

Parmi ses ouvrages les plus récents :

Vers l’été suivi de Fractions du jour (Éditions N&B, 2016).

Toulouse Blues III (Encres Vives, 2016).

Poudre de jour (Encres Vives, 2017).

Ombres bleues (La Porte, 2017).

Toscana (Encres Vives, 2017).

Les Sources (Encres Vives, 2017).

Autour des aubes grise, assorti d’un avant-propos de Michel Cosem et d’une encre de Silvaine Arabo (Éditions Alcyone, 2017).

Neptune (Encres Vives, 2018).

Les Cités des brumes bleues (Encres Vives, 2018).

Face Nord (Encres Vives, 2018).

Deux poèmes extraits de cet ensemble Face Nord ont été retenus dans l’anthologie PHOSPHÈNES par M. Pierre Benazech.

 

Lors de l’entretien avec Christian Saint-Paul, Jean-Michel Tartayre confie :

« Face Nord est la pente vers laquelle ma recherche s’oriente, confie Jean-Michel Tartayre. C’est ce qui est dur et en même temps c’est une vraie réalité. Le mental doit s’adapter à cette réalité.

La poésie est une prise de contact avec le réel, permanente.

C’est une adhésion à la pierre, à ce qu’elle représente. Du Bouchet, c’est l’écriture lapidaire. Le support c’est la pierre. C’est comme avec le haïku, les samouraïs écrivaient avec un sabre sur la pierre.

Les romains, les grecs, les égyptiens écrivaient sur la pierre. C’était à la hache.

Je ne peux dissocier le support du signe.

« Face Nord » c’est aussi ma fascination pour la montagne. Le roc demande à être perçu. C’est la verticalité, c’est l’effort. Un dépassement physique et spirituel.

Patrick Edlinger, alpiniste exceptionnel, disait simplement : « je grimpe ».

Ces deux mots suffisent. Ils résument une vie d’homme.

C’est pareil pour le poète, il faut qu’il grimpe !

Le poète n’est pas celui qui invente ou démontre mais fait devenir, disait Saint-Exupéry.

Je lie la poésie à la mathématique. La mathématique, c’est l’esprit et le corps, c’est la seule réalité.

La mathématique, c’est la perfection, comme la poésie !

C’est la recherche de l’accomplissement de soi, la plénitude. »

 

Lecture d’extraits de « Face Nord » par l’auteur.

 

A la mémoire de Patrick Edlinger

1

Toucher, agripper des mains et des pieds,

Par la pensée - la face nord, le regard

Droit devant toujours

 

Et donnant à son corps

La fluidité adéquate telle

L’eau du torrent sur la pierre - à contre-courant.

 

L’homme réalisant l’ascension

Eclaire par sa sagesse.

Incroyablement serein, il arrivera

 

Au sommet - atteignant ainsi le plénitude

Du roc auquel il est lié - intrinsèquement.

« Je grimpe ».

 
 

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