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28/12/2017

Marc Tison

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21/12/2017

 

 

L'abbé

Jean-Claude

 MEYER


 



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En préambule, Christian Saint-Paul signale la parution aux éditions L’Harmattan du dernier livre de Didier Bazile : Jericho, 12 €, préface de Claude Barrère  poète, plasticien et critique. Un ouvrage de la collection Poètes des cinq continents.

Recueil né d’un récent voyage en Palestine, les poèmes rassemblés ici écorchent l’absurdité de la violence et les ravages des conflits. Les poèmes arrivent nus, transparents dans le sens où ils ne portent pas le lyrisme des situations. Ils s’arrêtent sur ce qui nous fait obstacle pour continuer à respirer quand l’air nous manque tant face à certaines situations du monde. Ils pointent des blessures, des errements. Les poèmes présentent des tableaux de la vie quotidienne lorsqu’elle est parfois maltraitée et qu’on y voit apparaître des individus perdus en quête d’un sens qui n’est plus. « Oui, la voix poétique de Didier depuis lors s’est affermie, amplifiée, prenant essor sur des lanceurs langagiers, de « rien que » en « je sais, je sais » de « j’ai vu » en « comment… comment », radicalement réitérés… Sans perdre de son urgence à dire, elle est devenue - abouchée pour la circonstance au vécu d’un séjour en territoires occupés palestiniens – intense Parole-témoin. Pénétrante jusqu’à la douleur, dans son attention aux souffrances d’un peuple, en butte au mur, motif récurrent du recueil : « Est-ce qu’un ingénieur peut/sculpter en rêves les mots/lorsque le mur/renvoie un tout autre écho ? ». Crise du Verbe et terrifiant Exil pour l’identité, corps et langue mêlés.[...] Le plus troublant dans ce recueil restant cette transfiguration qui s’opère - sur fond de Passion/Com-passion au Mont des Oliviers - entre les multiples référents de cette « sale guerre », que l’auteur avoue n’avoir pas vécue mais qu’il ressent violemment au point d’exploser… et cette « autre » guerre en lui, (mais pourquoi ? interroge-t-il sans cesse). En écho, risquons-le ici, à une blessure plus intime, plus personnelle, présente et ancienne à la fois : « il ne me reste que ma blessure nue » ne nous est-il pas signifié dès l’entrée.... » écrit Claude BARRERE dans sa préface.

Lecture d’extraits.

 

on ne meurt pas dans sa langue

le silence rond

sans existence

il faut le rêver

pour s’en protéger

l’écrire en vide

le décrocher des pages

le jeter à la porte la nuit

le mettre en mouvement

au loin liés et déliés

inattendus

le temps imparti

à reculons des corps

en charge d’oublier

d’un homme se dédoublent

les mots   les lieux   les blessures

revenir où s’écrit

ouvrir

la femme au ventre

*

Les éditions Le Citron Gare font paraître :

   "Des abribus pour l'exode", de Marc Tison accompagné des illustrations de Raymond Majchrzak.

Nous avons oublié les neiges d'avril sur les baronnies.

Et l'envol des milans au zénith.

S'ensuivent des traîtrises d'abandon dans la campagne en novembre.

terreuse, épaisse, lourde aux pieds.

On marche moins bien. alors on se prend à penser à s'asseoir puis à s'allonger. et attendre un signe, un autobus pour la mer, quelque chose qui n'arrivera pas. On le sait pourtant."

Marc Tison est né en 1956 entre les usines et les terrils, dans le nord de la France. Fondamental. A la lisière poreuse de la Belgique. Conscience politique et d’effacement des frontières. Il s’est mis à l’écriture de poésie très tôt comme la juste expression des sensations vivaces.

Il habite maintenant dans le Tarn où il continue, heureusement troublé, l’exploration des univers à réinventer.

Engagé tôt dans le monde du travail. Il a pratiqué dans un premier temps de multiples jobs : de chauffeur poids-lourd à rédacteur de pages culturelles, en passant par la régie d’exposition (notamment H. Cartier Bresson) et la position du chanteur de rock. Puis il s’est spécialisé dans la gestion et l’accompagnement de projets culturels et d’artistes.

 

Raymond Majchrzak est né en 1955 à Escaudain (59), pays minier et industriel, à quelques kilomètres de Denain. Il a fait les beaux arts à Valenciennes. Il peint et travaille des images numériques. Il déroule aussi de longues improvisations musicales plus ou moins électroniques pour lui même à longueur de temps.

 

Lecture d’extraits.

L’émission de la semaine prochaine sera consacrée à ce livre.

*

Christian Saint-Paul accueille son invité l’abbé Jean-Claude Meyer, qui vient de publier : « Deux destins toulousains : Cardinal Jules Géraud Saliège – Mgr Louis de Courrèges D’Ustou », Préface de M. le Grand-Rabbin Alain Goldmann, Éditions Parole et Silence, 194 pages + 6 pages photos, 17€.

 

Jean-Claude Meyer, docteur en droit et docteur en théologie, prêtre du diocèse de Toulouse et membre de l’Association des Prêtres du Prado, exerce actuellement son ministère en milieu hospitalier. Il est connu pour ses publications faites notamment en histoire religieuse de la Révolution de 1789 et en histoire religieuse de la région toulousaine aux XIXe-XXe siècle. Il est membre de l’Académie des Sciences Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, et l’un des quarante Mainteneurs de l’Académie des Jeux Floraux.

 

Du Cardinal Saliège, Charles De Gaulle disait : « Cet homme était une flamme » ; il en fit un membre de l’Ordre des Compagnons de la Libération.

La lettre de Mgr Saliège du 23 août 1942, document mémoriel, avait en effet réveillé les consciences bien au-delà de Toulouse, suscitant une active protection des Juifs alors persécutés.

 

L’Auteur s’appuie sur des faits historiques parfaitement documentés. Il montre comment l’inspiration de Mgr Saliège se situe dans la pensée de Marc Sangnier, des Semaines Sociales et de Jacques Maritain. Pendant son temps de professorat au séminaire de Saint-Flour, avant la guerre de 1914-1918, Mgr Saliège se montra très ouvert aux questions scientifiques, philosophiques et aux problèmes sociaux. Exigeant pour lui-même, il suscita chez ses élèves le goût pour le travail intellectuel dans un esprit d’ouverture au monde moderne, et en les initiant à une vie spirituelle fondée sur l’Évangile.

 

Dès son arrivée à Toulouse Mgr Saliège perçut les qualités humaines et spirituelles du jeune abbé Louis de Courrèges. Il en fit un proche collaborateur, au point de demander sa nomination comme évêque auxiliaire. Quel surprenant contraste entre deux hommes que tout semblait opposer ! De famille paysanne établie, l’archevêque aux intuitions fulgurantes, au tempérament vif, et son cadet de vingt ans, son auxiliaire issu de la noblesse, caractère réfléchi, tout en retenue, discrétion, pudeur. Tous deux étaient préoccupés par les questions de justice sociale. Tous deux, titulaires de la croix de guerre, restaient marqués par la vie des tranchées en 1914-1918. Saliège avait souffert des gaz, et le jeune Louis d’une grave blessure.

 

L’Auteur décrit parfaitement leurs relations : deux personnalités différentes et complémentaires. Le souci caritatif de Louis de Courrèges se manifesta dès son insertion dans la vie du diocèse et dans les fonctions que lui attribua l’archevêque qui le chargea de transformer la maison des œuvres en une ruche bourdonnante d’activités. Peu d’années après son arrivée à Toulouse, une maladie du bulbe rachidien paralysa progressivement Mgr Saliège, rendant son élocution difficile ; il s’appuya alors sur son évêque auxiliaire. Tous deux, dans la ligne voulue par le pape Pie XI, suscitèrent le développement des mouvements de l’Action catholique, invitant les fidèles à prendre leurs responsabilités dans la Cité et dans l’Église. La dignité de la personne humaine était au cœur d’une action fondée sur l’Évangile ;  Mgr Bruno de Solages, que l’archevêque avait nommer recteur de l’Institut Catholique, partageait la même conviction. Dès 1930 la Semaine catholique de Toulouse dénonçait les perversions du nazisme. À Toulouse, années quarante, Mgr Saliège, Mgr de Courrèges et Mgr de Solages furent le ferment d’une Résistance spirituelle singulièrement active. L’archevêque et son auxiliaire soutinrent efficacement le réseau de sauvetage des enfants dirigé par l'ingénieur juif Garel. La nomination de Mgr Saliège comme cardinal par Pie XII consacra son action d’évêque « défenseur de la Cité ». Tous deux reçurent la reconnaissance de l’Institut Yad Vashem qui leur attribua la « Médaille des Justes » où est gravée la sentence du Talmud : « Qui sauve une vie sauve l’humanité ».

Le 10 novembre 1956, le peuple toulousain, croyants et incroyants mêlés, fit cortège à « son  cardinal » défunt. Quant à Mgr de Courrèges, après avoir joué un rôle essentiel dans la fondation du Secours Catholique, il devint évêque de Montauban. Il insuffla dans ce diocèse l’esprit du concile Vatican II, se montrant « père » de ses prêtres et de ses chrétiens qui lui manifestèrent leur affection.

 

Aimé des Toulousains en son temps, le cardinal Saliège, cet homme incandescent. jouit d’une notoriété qui mérite aujourd’hui d’être mieux connue. Et on ne doit pas oublier l’humble et admirable serviteur que fut Mgr de Courrèges d’Ustou.

 

Un livre écrit dans une langue claire et précise qui garantit une lecture agréable, pour rapprocher ces deux grands ecclésiastiques aux destins singuliers qui firent l’histoire de Toulouse et au-delà, l’histoire de l’Eglise catholique.

 

 

 

 

14/12/2017

Thierry GOULOIS

auteur de

 "Melvil Dewey Une vie bien rangée"

cardère éd.

 

 



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Christian Saint-Paul signale qu’aux éditions Monde en poésie a paru une nouvelle publication, la 4ème dans la collection L’écriture du poèteUne jeune maison d’éditions associatives dont le désir est de recueillir des écritures en résonance avec "cette grande écriture chiffrée qu'on entrevoit partout" qu'évoque Novalis "Sur les ailes, la coquille des œufs, dans les nuages (…) et dans la conformation des roches, sur les eaux qui se prennent en glace, au-dedans et au-dehors des montagnes, des plantes, des animaux, des hommes, dans les lumières du ciel (...) dans les limailles autour de l'aimant et dans les conjonctures singulières du hasard" Novalis, Les disciples à Saïs. Des écritures poétiques, ouvertes sur le monde, toujours sur le chemin de l’intériorité.



 

Il s’agit de : Le Cercle de l’Aurore, de Sylvie Méheut 

postface Jean Lavoué , 232 pages, format 11/18, 13 euros + frais de port

(Vous pouvez dés maintenant le commander auprès de votre libraire, de l'éditeur mondeenpoesie@gmail.com et bien sûr de l'auteur, si vous souhaitez une dédicace.)


 


 

Tu es cet ébloui revenu du silence

Tu es ce murmuré dans le soir silicieux

Tu as repris l’espace 

Comme on reprend la chance

Avec au cœur l’espoir d’un ultime voyage 

Tu es cet ébloui qui se joue des naufrages


 



 

Ce poème "L'ébloui" dont voici un court extrait, ouvre ce recueil et annonce, avec une grâce toute musicale, un voyage intérieur dont Jean Lavoué auteur de la postface nous parle avec émotion : "C’est un chant de haute sensibilité que nous livre Sylvie Méheut avec ce recueil. Chaque mot y est accueilli avec une attention et une précision inouïes. On se laisse prendre par la houle de cette voix qui nous emporte ..." 

Sylvie Méheut est née à Saint-Brieuc dans les Côtes-d'Armor le 18 janvier 1961. Passionnée de littérature et principalement de poésie du XIXe siècle, elle s'oriente vers des études de lettres modernes et de philosophie. Elle écrit, durant plus de vingt ans, en dilettante, des contes pour ses enfants et des poèmes. Elle obtient, en 1995, une médaille d'argent en poésie libre, aux Poésiades, concours organisé par l'Institut académique de Paris.

         Je ne suis pas ce Je majuscule et sans âge, je ne suis pas ce Jeapposé dans la marge. Je suis Vous qui passez, compagnons de mirages, multiples de moi-même à l'ombre des noyers.

Il m'en aura fallu du temps pour délasser les grandes mains de l'aube que le couchant fermente et du temps pour aimer par-delà la tourmente, chaque cœur, chaque ride, chaque larme versée.

Je sais que le dernier souffle aura le parfum du premier, rassemblant à rebours les fragrances éludées de nos intermittences et je nous sais unis par la même cadence, la même convergence, la même humanité.

Quand un enfant s'envole, quand un homme se perd, quand une femme meurt sous les coups de son frère, quand les linceuls d'hiver ensanglantent les blés, c'est la terre tout entière qui compte ses absents et qui pardonne au ciel son silence funeste. C'est la terre tout entière qui pleure sous sa veste, recouvrant d'un revers de glaise les gisants.

Il m'en aura fallu du temps pour délivrer l'azur de ses nasses fatales, de ses vents sanguinaires, de ses capes meurtries, ses famines d'osiers, ses faillites de cendre, ses bombes, ses prisons, ses potences dressées.

Il m'en aura fallu du temps pour Nous aimer, il m'en aura fallu, il m'en faudra encore pour aimer par-delà le cercle de l'aurore.


 

 L’émission « les poètes » reviendra sur ce livre de Sylvie Méheut.

*

C’est ensuite le livre de :

Habib OSMANI : Abécédaire poétique de l’Algérie colonisée

qui est évoqué.

mat 14 x 29,7 cm, 110 pages,  15 Euros , Marsa éd.
24 illustrations artistiques 
préface de
Yamina Benguigui


 

Habib OSMANI, né sur le territoire français après la guerre d'Algérie, met en lumière une partie occultée de l'histoire de ses ancêtres, l'Histoire  de la colonisation de l'Algérie. Pour cela, il s’inspire de grands poètes comme Eluard, Césaire, Prévert, Apollinaire, Al Mutanabbi…

Propagande, blanchiment d'idées ou de pensée, non enseignement de l’Histoire coloniale de l'Algérie… Le recyclage argumentatif post-colonial voudrait faire croire à des bienfaits de la colonisation. Et la grande majorité de ceux qui ont été colonisés en Algérie n'ont pas eu le pouvoir des mots, privés d'école pour beaucoup, et ayant vécu et refoulé une situation trop douloureuse à nommer et à transmettre.

Ce recueil, à la fois cathartique et constructif, veut aider à tourner, grâce à la force poétique, une page d'Histoire difficile, pour œuvrer à un présent et un avenir nouveaux. Habib OSMANI, à la confluence des deux cultures, française et algérienne, dénonce pour avancer, en vue d'un dépassement et d'un apaisement.

Lecture d’extraits.

Algérie capitale


 

Algérie capitale du gouvernement provisoire

de la République française.

Algérie de De Gaulle

Qui rend nuls tous les actes et décrets promulgués par Vichy.

Algérie de quarante-trois,

Algérie capitale.

*

Le chiffre de Germaine Tillion


 

Un ingénieur formé en cinquante-quatre.

Générosité d’école coloniale post quatorze dix-huit

Envers les cent vingt mille Arabes

Réquisitionnés, qui gagnèrent les droits des tirailleurs

Dans les tranchées arabes.

Engagement.

Promesse d’avenir meilleur.

Un ingénieur indigène formé en cinquante-quatre,

Un autre en travaux publics,

Et les enfants de la campagne coloniale errant

Dans les champs libres de rêves scolaires.

Sans école.

Enfants de cinquante-quatre.

*


 

L’émission ensuite est consacrée à l’invité de la semaine :



 

Thierry Goulois auteur de :

Melvil Dewey Une vie bien rangée

aux éditions Cardère.

                  

Melvil Dewey Une vie bien rangée par Thierry Goulois a paru au tout début d'octobre 2017 en Arts, Histoire et Patrimoine chez Cardère : http://cardere.fr


 

Un petit livre pour tout public curieux, et particulièrement adapté pour épicer une

formation en bibliothèque

40 pages, illustrations couleur

Prix public 12€ port compris


 

C’est l'histoire de l'inventeur de la plus célèbre classification des livres en bibliothèque…
 
Dans une autre vie, j'étais un serpent nu, une chose sans corps, une vie sans armure…
 

Sorte de Facteur Cheval et père de la bibliothèque moderne, Melvil Dewey crée au XIXe siècle un système de classification décimale des livres encore largement utilisé aujourd’hui.
Tous ceux qui fréquentent les bibliothèques l’ont forcément rencontré, au moins sous la
forme d’une cote sur la tranche d’un livre…
Mêlant faits véridiques et loufoqueries,
Thierry Goulois, bibliothécaire à Brest, raconte la vie bien rangée de ce personnage finalement célèbre, émaillant son propos d’illustrations impertinentes.
Thierry Goulois est non seulement l’auteur de ce livre amusant en diable, mais il est aussi l’illustrateur hilarant de son propre texte. De plus, Thierry Goulois, en artiste accompli est musicien et a composé les arrangements musicaux de notre ami Olivier Bastide pour son livre accompagné d’un CD « Petits poèmes diversement appréciables mais néanmoins écrits avec grande attention » publié par Cardère en 2014.

Thierry Goulois a fait sa devise la phrase de Max Jacob : « L’art est un jeu, tant pis pour celui qui s’en fait un devoir ».

Melvil Dewey ( 1851 - 1931 ) est connu de tous les bibliothécaires car il incarne la classification des ouvrages, toujours pratiquée aujourd’hui. Cette classification est d’ailleurs reproduite en fin de livre et elle est citée comme une ponctuation de rire, tout le long du récit.

Dewey a aussi été l’instigateur de la première école des bibliothécaires ; il a fondé un club de détente et de vacances.

Le ton du livre est celui de l’humour, de la farce.

On y lit toutefois la passion du métier de bibliothécaire de l’auteur qui rappelle à plusieurs reprises les rudiments de ce beau métier :

1) ne jamais parler trop fort

2) faire preuve de patience

3) arriver et partir à l’heure

4) boire du thé


 

Rudiments établis par Dewey et toujours vrais !

C’est à la bibliothèque que Thierry Goulois s’est ouvert au monde. Elle a été une véritable école pour lui. Alors, tout naturellement, il a, dit-il, voulu rendre à la bibliothèque le bienfait qu’elle lui avait donné. Et, force est de constater qu’il y réussit sans emphase mais avec la profonde efficacité de l’humour. Bravo l’artiste !

L’auteur explique qu’il a toujours été conseillé de manière agréable par celles et ceux qui deviendront plus tard ces chers collègues.

Christian Saint-Paul évoque la figure des bibliothécaires écrivains ou poètes comme Borges, et à Toulouse la figure de Monique-Lise Cohen qui vient d’être honorée de la médaille de Chevalier des Arts et Lettres. M.L. Cohen a toujours béni la chance qu’elle a eu de pouvoir vivre entouré du fonds énorme, inépuisable d’ouvrages des bibliothèques de Toulouse dont elle put disposer pour son travail.

Thierry Goulois renchérit sur la richesse que procure la lecture des livres, en faisant valoir qu’il a pu, dans la bibliothèque de sa jeunesse, par ricochet, découvrir autre chose que ce qu’il venait chercher. C’est un lieu magique presque, s’exclame-t-il.

Mais Melvil Dewey a sa part d’ombre.

Il fut radié de sa bibliothèque pour harcèlement sexuel, un mal qui n’est pas réservé qu’à nos contemporains.

Et il est aussi renvoyé de son club pour avoir instauré dans les statuts que les juifs et les malades contagieux ne pouvaient être reçus. Son antisémitisme connu, il fut immédiatement chassé d’une bibliothèque à New York.

C’était un tyran peu sympathique. « Génie et pauvre con » s’écrie Thierry Goulois.

Il parvient quand même à participer à l’organisation des Jeux Olympiques de 1932 avant sa mort survenue au coucher du soleil du 26 décembre 1931, d’une stupide crise cardiaque.


 

Un livre de plaisir par son ton, son humour, ses illustrations loufoques et l’amour de ce lieu de sérénité et de découverte : la bibliothèque !

Extraits du livre :


 

La Genèse

États-Unis, Adams Center (État de New York)

« Alcool: doux nectar et cache-misère dans lequel se plonge la classe ouvrière pour oublier un quotidien trop pesant », se plaisait à dire avec humour l’homme d’affaires John Davidson Rockfeller 305.5 (Classes sociales). En ce soir du 20 mars 1851, histoire de se changer les idées, Joel et Eliza Greene Dewey, petits fabricants et vendeurs de chaussures, se dé- barrassent une fois encore de leur progéniture chez « grandma Mary » pour se faire une virée dans les pubs des bas-fonds du quartier ouvrier d’Adams Center 363.9 (Problèmes de population). Ce soir donc, ils veulent marcher à côté de leurs pompes, se mettre vraiment minables… Car chez les Dewey, les temps sont durs, les vaches maigres, les vêtements rapiécés, le savon rare et nombreuses les bouches à nourrir 616.852 (Anxiété, dépression, neurasthénie, phobies. Angoisse. Anorexie). Ce soir-là, complètement ivres, totalement désinhibés, ils s’abandonnent vigoureusement 155.3 (Psychologie de la sexualité et psychologie des sexes) dans la cabane en bois branlante servant de toilettes au pub « Muffy » 785.9 (Bruitage et sons divers), au 15472 County Route 66, Adams Center, NY 13606 (pour ceux qui souhaitent faire pèlerinage). Et c’est bien entre quelques vieilles feuilles de journaux jaunis et une cuvette à la turque souillée que Melville fut conçu.

La Délivrance

10 décembre 1851, 23 h 23, hôpital d’Adams Center.

Sous un éclairage blafard, allongée sur un lit métallique, Eliza ressent de douloureuses contractions 618.5 (Accouchement avec complications) et attend courageusement la délivrance en feuilletant un vieux numéro de Pogues Magazine. Mais, comme sur les routes enneigées et glacées des monts Adirondacks, dont il sera souvent question au cours de ce récit, le col reste désespérément fermé. En salle de travail, à ses côtés, toute l’équipe médicale est lasse. Déjà 35h 344.01 (Droit du travail) qu’Eliza a perdu les eaux 386.3 (Rivières et fleuves). La nature, paraît-il, ayant horreur du vide, Mlle Robinson, l’infirmière principale, fait monter quelques bières fraîches et des sandwichs, la nuit promettant d’être longue. La tension est palpable, les visages suent et s’empourprent. On scande des « allezzzz ! », des « Poussez ! » 796.48 (Jeux Olympiques), on va même jusqu’à tenter une « Ola » ; en vain. Maintenant, il est urgent que l’enfant vienne au monde. Dans le couloir adjacent 019 (Catalogues dictionnaires), Joel fume cigarette sur cigarette en marchant de long en large 006.696 (Animation. Morphing) comme un fauve en cage 639.9 (Conservation des ressources biologiques. Protection des plantes et des animaux sauvages). « Père, je vais encore être père ! » 612.6 (Reproduction. Croissance. Développement), se répète-t-il en se tenant la tête entre les mains. Il jure ses grands dieux de ne plus jamais retourner au pub, résolution qu’il ne tiendra pas 306.2 (Comportements politiques, sociologie politique). A 00 h 00 pile, Eliza lance un cri strident qui déchire la nuit, mais également les tympans des sages-femmes. Une petite tête boursouflée, ensanglantée, mais parfaitement silencieuse surgit enfin de ses entrailles meurtries 812 (Littérature dramatique). Melville Louis Kossuth est né.


 

 
 

07/12/2017

 

Bruno

 DUROCHER

 



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En préambule, Christian Saint-Paul cite Jean d’Ormesson qui vient de disparaitre.

C’est « Comme un chant d’espérance » publié en 2014 aux éditions Héloïse d’Ormesson qui est choisi, car ce livre bref est peut-être le plus général et le plus universel qu’il ait écrit. Il insiste sur ce qui caractérise notre univers : l’histoire. 

« Nous vivons, rien de plus clair, dans un monde en train de se développer grâce à l’espace et au temps. A la différence du néant infini, où rien ne bouge jamais et dont la mort nous donne une idée, sa loi est le changement. Disons-le d’un mot : Dieu n’a pas créé un état permanent, une situation stable, un système bloqué sur lui-même : il a créé une histoire. » Mais, dit-il plus loin : « L’histoire est une parenthèse au cœur de l’éternité. »

*

Le 20 mai 2017 paraissait le dernier volume de l’œuvre complète de

Bruno Durocher (1919-1996) Les livres de l’homme Les visages de l’homme Tome IV Album fruit du travail de Nicole Gdalia et de Xavier Houssin aux éditions Caractères, 7 rue de l’Arbalète 75005 Paris.

Après le volume de poésie À l’image de l’homme au printemps 2012, après le volume de prose Les mille bouches de l’homme en 2013, après Métamorphoses de l’homme, rassemblant son théâtre et ses essais en 2015, les Éditions Caractères publient le dernier volume de l’œuvre complète de Bruno Durocher : Les visages de l’homme, album chronologique très richement illustré qui retrace sa vie et sa carrière littéraire. Ces quatre livres rassemblés forment un ensemble exceptionnel pour découvrir ou retrouver l’âme et les mots de celui que Claude Mauriac appelait « le poète de l’Eternel ». Les chemins de Bruno Durocher « Je suis Polonais. Juif. J’ai vécu dans les camps. Je m’appelle en poésie Bruno Durocher. » Celui qui se présente ainsi un soir d’octobre 1950 à Claude Couffon et aux jeunes poètes de Lettres Mondiales n’a pas encore trente ans. Ses années passées à Sachsenhausen et à Mauthausen ont changé son regard sur le monde. Pourtant, avec une espérance têtue, il n’aura de cesse d’ouvrir en grand ses mots sur une vie neuve et battante. À conquérir et à partager. Il est né le 4 mai 1919 à Cracovie sous le nom de Bronisław Kaminski. Élevé dans le catholicisme paternel, il se convertira violemment au judaïsme de sa mère. C’est un jeune homme précoce, dévoré de poèmes. À dix-sept ans, son recueil Przeciw (Contre) lui vaut d’être appelé «le Rimbaud polonais». Pour lui, tout cela, très vite, sera histoire ancienne. À sa sortie des camps, il va choisir la France. C’est en 1945 qu’il arrive à Paris. Quatre années lui suffisent pour écrire dans la langue de son nouveau pays. En 1949, Pierre Seghers publie ses premiers textes, Chemin de couleur. « Vous êtes un des nôtres », va lui dire Paul Eluard. Et sûrement pas des moindres… Communiqué de presse Bruno Durocher est un des grands poètes de ce difficile xxe siècle. Mais il se veut aussi passeur. Cette même année 1949, il fonde avec Jean Follain, André Frénaud et Jean Tardieu, la revue Caractères dont il sera bien vite seul responsable. Elle deviendra aussi sa maison d’édition. Bruno Durocher a publié les plus grands de ses contemporains. Son travail d’éditeur ne doit pas faire oublier son œuvre. Jérôme Garcin, en 1979 dans Les Nouvelles littéraires écrivait : « Bruno Durocher possède plus d’une raison pour combattre, à coups de phrases cinglantes et nues, le silence et la nuit. » Les visages de l’homme Tome IV Album Comment retracer la vie de Bruno Durocher, son douloureux périple, son existence ensorcelée de mauvais rêves, franchie au gué des révoltes, des insensés espoirs? Comment rendre compte aussi de ses élans, de ses désirs, de ses bonheurs? Les visages de l’homme rassemble des photos, des lettres, des documents officiels, fragiles témoins de papier d’un passé haché. Il y a les livres, les mots, les poèmes de Bruno Durocher écrivain. Il y a aussi tout son travail d’éditeur. L’album est riche de près de 600 illustrations et d’un index de dix pages où l’on retrouve les noms des plus grands : Lorca, Queneau, Jouve, Cocteau, Tzara, Pessoa, Delaunay, Picasso, Braque, Arp, Picabia, Villon etc... Explorons ses souvenirs, ses sentiments, l’infinie variété de ses doutes, ses certitudes fugaces. Dans une traversée de tout le xxe siècle. Les livres de l’homme Œuvre complète Édition établie et dirigée par Xavier Houssin et Nicole Gdalia — Tome I : À l’image de l’homme. Poésie. Post-face d’Albert Mingelgrün. 1034 p. 39€ (avril 2012) — Tome II : Les mille bouches de l’homme. Prose. Post-face de Michał Obszynski. 668 p.(juin 2013) — Tome III : Métamorphoses de l’homme. Théâtre et essais. Post-face de Guila Clara Kessous. Synthèse de Gary D. Mole. 608 p. (juin 2015) — Tome IV : Les visages de l’homme. Album. Postface de Jadwiga Bodzinska-Bobkowska. 312 p. (mai 2017) . Editions Caractères, 7 rue de l’Arbalète 75005 Paris.

Voici ce qu’écrit Raphaëlle Leyris dans Le Monde des Livres le 14 / 07 / 2017 :

Bruno Durocher, traces

Les Livres de l’homme. Tome IV. Les Visages de l’homme, de Bruno Durocher, Caractères, 314 p., 32 €.

Voici le dernier tome des œuvres complètes de Bruno Durocher (1919- 1996), éditées chez Caractères, la maison qu’il avait fondée en 1949, par Nicole Gdalia et Xavier Houssin (collaborateur du « Monde des livres »). Après le volume de poésie A l’image de l’homme (2012), la prose des Mille bouches de l’homme (2013), le théâtre et les essais réunis dans Métamorphoses de l’homme (2015), voici donc l’album, reproduisant photographies, lettres et documents officiels conservés au long d’une vie, commencée en Pologne sous le nom de Bronislaw Kaminski, et que Xavier Houssin décrit dans la préface comme « ensorcelée de mauvais rêves, franchie au gré des révoltes, des insensés espoirs ».

Ce jeune prodige de la poésie polonaise fut à 20 ans déporté comme communiste au camp de Mauthausen. Puis, installé à Paris, rebaptisé Bruno Durocher, il se mit à écrire en français et à publier ses pairs. On rêve que ces œuvres enfin complètes permettent de faire (re)découvrir une œuvre trop méconnue.

Raphaëlle Leyris (Le Monde des Livres 14 / 07 / 2017)


 

Le tome III ( 602 pages, 32 €) consacré au théâtre et essais, comporte une partie d’humour sur les histoires du monde communiste, « comme un souffle de survie, de résistance active par le rire » commente Nicole Gdalia dans son introduction du livre, mais aussi des « Propositions » dont elle précise qu’il s’agit de « constats de moraliste qui jouent de la provocation et de l’humour, aboutissent toujours à la poésie, « besoin primordial de l’Homme... là où la quête de l’Eternité fusionne avec l’amour et la solidarité... pousse à la révolte, contre toutes les contraintes ».

Les livres de Bruno Durocher :

Œuvre Complète

Tome I: les livres de l’homme - poésie -

Tome II: les mille bouches de l’homme - prose -

Tome III : métamorphoses de l’homme - théâtre et essais -

Tome IV : album de la vie de Bruno Durocher

et

La foire de Don Quichotte (texte de l’adaptation pour une lecture théâtrale) 67 pages, 8 € éditions Caractères

Lecture d’extraits de « Les livres de l’homme » poèmes :

Nous sommes nous sommes nous sommes devant toi Seigneur ton peuple ta loi écrite sur le destin des hommes

descends donc ta grâce sur cette main de scribe blottie dans l’ombre de la misère pour qu’il puisse parler face à face avec toi et que ta lumière ne le tue point.


 

Ainsi commence ce psaume qui s’achève sur cet immense cri d’amour et de pardon :


 

Yerouchalaïm Yerouchalaïm voici que tu existes

plus grande que jamais

voici que le sang d’Israël a lavé les peuples

Filles prenez les cymbales et préparez la fête des justes

ne criez pas vengeance car voilà que le roi Messie est doux

il arrive portant le grand sceau d’amour entre le lion et l’agneau

et chaque pas de ses pieds détruit l’illusion macabre de notre existence

Malheur malheur à celui qui a touché un cheveu sur la tête d’un juste

malédiction sur le pays d’Edom

Seigneur Seigneur les fleurs blanches fleurissent

le jour du grand pardon.

*

Extrait du tome III (théâtre et essais) :


 

Dans la société capitaliste, la concentration des capitaux donne une puissance encore jamais égalée à l’argent. Ce rouleau compresseur écrase tout élan, toute énergie qui ne sont pas dirigés vers l’efficacité commerciale. L’esprit se meurt.

La société dite « socialiste » fait du monde qu’elle gouverne une caserne où l’on défend de penser au nom de principes abstraits.

Le rêve est défendu ici et là.

Le désordre qui règne dans la politique mondiale pousse les nations et les Etats à s’armer, à se haïr et à se battre.

Au-dessus de ce spectacle, est suspendue la destruction atomique fabriquée dans les usines des grandes puissances.

La révolte du subconscient humain, qui voudrait se sentir en sécurité, qui voudrait jouir de la vie, éclate depuis le début de ce siècle dans l’art et dans la littérature. Elle se manifeste par l’apparition de mouvements politiques de plus en plus aberrants. Le génocide entre dans les mœurs. Elle marque de son sceau les mouvements de la jeunesse : les beatniks, les hippies, la drogue.

Et, sans doute, si la société ne se transforme pas, si elle ne met pas fin à la puissance de l’argent, à la menace de destruction atomique, à l’esclavage borné pratiqué par les communistes, la révolution déferlera sur le monde et détruira tout. Sauf à trouver une idéologie, une vision nouvelle de la société, car elle risque d’être uniquement dévastatrice.

Pour moi, la seule issue salvatrice à l’impasse actuelle serait l’acceptation de la loi révélée, de la vérité de Dieu Un, de la spiritualité et de la justice de la religion mère de l’Occident.

*

Il n’y aura donc plus de Juifs en Pologne. Ce pays se blesse lui-même. Les meilleurs poètes, philosophes, scientifiques étaient des juifs.

La Pologne s’appauvrit.

Mais le sang juif est entré à jamais dans le sang de ce peuple. Il restera enjuivé.

Quels sont les détours du destin ?

Les générations se suivent, les peuples se combattent. Les individus apparaissent et périssent. L’instinct de posséder, d’accaparer, d’engloutir dirige les mouvements des êtres vivants.

Où est la place d’un sage ?

Où est la place d’un vrai Juif ?

*

Les fesses humectées du sang de la virginité luisent dans le crépuscule comme l’indice du péché. Le plaisir est égal au plaisir. C’est pourquoi les navires naviguent entre les yeux et les châssis des fenêtres lointaines. Ils apportent le froment, l’or et les duvets des caresses. Ils arrivent par les chemins, par les mers, par les cols de montagne de tous les coins de la terre. Les travées des ponts les portent sur leur dos. Un millier d’yeux les guettent dans chaque paysage. Mais la visière est fermée devant le visage du sourire. Les pauvres animaux ne peuvent pas fléchir le sort. Ils passent à gué par les couleurs des fleurs et meurent emprisonnés par le venin des étamines. Alors ils rentrent dans la somnolence.

Entre-temps un espiègle joufflu engendre les vesses-de-loup et rissole la frimousse de son sosie découpé dans un miroir. C’était vraiment un morceau friand. Pouvoir disséquer son propre corps, sauver le cœur de son altération, trier les nerfs, farfouiller dans l’estomac, entrelacer les veines, siffler dans l’œsophage, se connaître.

*

 
 

30/11/2017

 



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23/11/2017

 



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16/11/2017

 



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09/11/2017



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Saint-Pol-Roux

02/11/2017

26/10/2017



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En début d’émission, Christian Saint-Paul présente deux livres :

1 ) La vie de Marie à travers les poètes textes rassemblés par Françoise Claustres aux éditions Artège, 128 pages, 11,90 €.

Les poètes de tous les siècles ont chanté la Vierge Marie. Ce choix d'une vingtaine de poèmes permet de suivre la vie de la mère de Jésus avec émotion ou passion selon leurs auteurs, qu'ils soient connus pour leur foi religieuse ou moins attendus dans un recueil dédié à la Vierge Marie. C'est ainsi que Verlaine, Émile Verhaeren, Paul Claudel, Max Jacob, Alphonse Daudet, Francis Jammes, Apollinaire, Rimbaud et bien d'autres évoquent en toute liberté la vie de la Vierge Marie de sa conception à son assomption.

Dans ce rassemblement de textes qui font défiler toute la vie de Marie, on peut s’émerveiller, entre autres, de la traduction d’un poème en vers latins qu’écrivit Rimbaud à seize ans, témoignant d’une profonde connaissance de la Bible, le jeune Arthur comparant Jésus à Hiram. Son poème se resserre sur l’amour de Marie à Jésus dans sa dimension tragique.

Quant à Pierre Emmanuel, avec « Les noces de Cana » il rejoint la même vision prophétique de Rimbaud, Marie pressentant que cette eau changée en vin, n’est que le prémisse de son sang changé en vin. Les noces de Cana annoncent La Cène.

Le livre s’achève sur cette prière d’Apollinaire qui fait de Marie, la mère universelle.


 

Françoise Claustres, formatrice en français, est l'auteur de plusieurs livres autour de la Bible : 30 chefs-d’œuvre qui racontent Jésus (Bayard), 30 chefs-d’œuvre qui racontent la Bible (Bayard), S'en laver les mains et autres expressions bibliques (Hatier/Bescherelle), Cuisines de la Bible (Télémaque). Elle a également publié, dans la même collection, La vie de Jésus à travers les poètes.

Lecture d’un texte de Rimbaud.

***

2 ) La Veillée de l'hyène de Maëlle Levacher aux éditions Cardère, 52 pages, 12 €.

« Elle se dit : Jamais on n’a vu d’hyène veiller un mort… Je serai la première. Alors elle veilla, empruntant un moment une mine contrite, ce qui la fit rire enfin de son rire d’hyène. Puis, comme elle avait faim, son ongle commença de gratter la poussière. »

Elle est leur ultime interlocuteur ; elle est cynique, condescendante, et elle est propre : « sa panse est sans issue », l’hyène ne laisse rien de ceux qui paraissent devant elle. Veux-tu, lecteur, t’asseoir un moment à son flanc pour te divertir des vanités, des prétentions sentimentales, de la comédie du sens qui voudrait se jouer du trépas ? Veux-tu dès à présent poser les yeux sur le dénuement sec et sans relief de son territoire ? Veux-tu savoir comme elle répond à qui – héros, bougre, animal – l’interpelle ? Ainsi tu te feras à sa musique, à sa prose, à ses vers, avant de paraître à ton tour devant elle. Notre tour viendra. Et tandis que déjà l’on prépare un plaidoyer dérisoire, « l’hyène se dandine dans le désert en couinant ses croches inégales. »

Ce recueil, nous dit Anne du Périgord, présente, en une succession de tableaux dialogués, la rencontre d’une hyène avec les défunts qui errent dans ses limbes avant qu’elle en parachève la disparition. Quidams, figures allégoriques ou mythologiques sont ainsi confrontés au cynisme radical de l’animal fatal. Il arrive cependant que le rire de l’hyène s’éteigne et qu’elle demeure interdite… Les choses de la vie et de la mort ne lui sont pas toujours plus intelligibles qu’à nous. La poésie, mise en tension avec une lucidité crue, joue avec la philosophie, et propose à notre angoisse d’êtres provisoires des images équivoques.

Étonnant voyage aux frontières de la mort que propose La veillée de l'hyène. De la poésie ? peut-être. Des fables ? sans doute. Mais quelques soient les situations, la morale sera unique : voyageur, au-delà, il n'y a rien. La hyène donc, symbole de la mort, du néant, capable de tourner en dérision et de croquer tout cru Cerbère, les poètes, les marmots et (oh nan pas eux !) les chatons mignons. Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance, dit Dante. Ici ? mais il n'y a pas d'ici dans lequel entrer, réplique la hyène, une fois que j'en aurai terminé avec vous, de vos os il ne restera rien (sauf peut-être si vous êtes un cheval, mais chuuut, la hyène n'aimerait probablement pas qu'on lui mette le nez dans ses contradictions).

Au travers d'une vingtaine de saynètes, Maëlle Levacher met en scène sa hyène face à différents protagonistes, du pauvre prétentieux Jean-Jacques, au divin Dionysos. L'hyène, hirsute et carnassière, a la constance volatile. Elle ironise et boulotte, sans distinction, s'immisce dans la mythologie et dans l'Histoire, et joue avec ses proies au sort inéluctable. Il n'y a pas de logique dans ses choix, juste la certitude de la fin.

Subtil et intelligent, aussi taquin que parfois agaçant, La veillée de l'hyène se révèle d'une originalité et d'une liberté folle. L'écriture puise dans le classicisme mais fait preuve d'une vraie modernité dans son irrévérence. En un mot comme en cent, il faut le dire, c'est super bien écrit. Et ça fait un bien fou.

OMBRE

L’hyène au désert médite sous l’ombre enchevêtrée d’un arbuste mort. Un cheval immense – un monument – approche. Le voyant venir de loin, l’hyène se dit: «  La robe de cette bête est d’un noir lustré à l’excès et parcouru de reflets fauves; voilà une tête d’équidé très forte, qui annonce une grande intelligence et de puissantes facultés ». Le cheval fait un court détour pour venir lui parler. Avec majesté il s’arrête devant elle, et dit d’une voix harmonieuse, experte en éloquence nombreuse: – Je suis Bucéphale le Grand. J’ai fait Alexandre. – C’est bien, répond l’hyène, dont l’œil ravivé désire de le voir circuler encore. Sacrifiant au caprice, elle lâche: Passe ton chemin.

***

Le 19 janvier 2017 à l’occasion d’une exposition de l’œuvre de Saint-Pol-Roux au Centre Joe Bousquet de Carcassonne, je signalai ce volume :

SAINT-POL-ROUX : (1861-1940) Le trésor de l'homme , préface d'André Pierre de Mandiargues, suivi de l'œuvre en miettes de Saint-Pol-Roux par Gérard Macé 13,26 € (Rougerie éd.)

« Ce rien, qui veut devenir tout, ce qu'il est – le Verbe –,

le verbe intégral et agissant.


 

Et pourtant le verbe est radium d'éternité. »

(La besace du solitaire)

Sur les hauteurs de Camaret, vécut un poète encensé par les surréalistes, frappé par un destin tragique en 1940.

A cent mètres des alignements mégalithiques de Lagatjar, le manoir de Coecilian surplombe la mer d'Iroise, où l'on aperçoit des baigneurs minuscules sur une plage dorée.

Né en 1861, Paul Roux, de son vrai nom, était un Provençal, issu d'une famille marseillaise d'industriels en céramiques. Après une carrière littéraire qui le voit reconnu par les plus grands (Mallarmé l'appelait « son fils », d'autres le « roi-lyre »), il va fuir le milieu littéraire. Ce sera pour s'installer en Bretagne à la fin du siècle, et poursuivre son œuvre en solitaire dans ce manoir où il vivra en famille, avec sa femme, sa fille Divine, et ses deux fils dont l'un, Coecilian, mourra durant la Première Guerre mondiale.

En 1940, le vieux sage, dans sa 80e année, va connaître le pire dans ce manoir où, veuf désormais, il vit seul avec sa fille. C'est le soir du 23 juin, les Allemands déferlent sur la Bretagne. Un groupe surgit au manoir, et un soldat ivre tue la servante Rose, brutalise le vieil homme, blesse par balles Divine avant de la violer. Des manuscrits innombrables sont déchirés ou brûlés, dispersés sur la lande.

Le vieil homme, que les dernières photos nous montrent imposant avec sa haute taille, ses longs cheveux et sa barbe blanche encadrant un beau visage, ne survivra que quatre mois. Il s'éteindra le 18 octobre à Brest. Quatre ans plus tard, le manoir, où les Allemands s'étaient installés, est détruit par l'aviation britannique.

Saint-Pol-Roux représente l'archétype du « poète oublié ». C'est à ce titre qu'André Breton lui dédie le recueil Clair de terre (ainsi qu'à « ceux qui comme lui s'offrent le magnifique plaisir de se faire oublier ») et que Vercors lui dédie Le Silence de la mer (« le poète assassiné »).

De son vivant même, son œuvre reste méconnue, pourtant publiée dans la revue L'Ermitage et célébrée aussi bien par les symbolistes (notamment Rémy de Gourmont) que, plus tard, par les surréalistes qui donnent un banquet à la Closerie des lilas en son honneur en 1925, lequel tourne au pugilat et dont Saint-Pol-Roux s'enfuit, effrayé.

L'universitaire Michel Décaudin raconte ainsi qu'allant lire, dans les années 1950, Les Reposoirs de la procession à la bibliothèque de l'Arsenal à Paris, on lui communiqua un volume dont les pages n'étaient pas coupées : « Il était ainsi resté en rayon plus de cinquante ans sans être consulté ».

À partir de la Libération, Divine s'efforce en vain d'empêcher l'œuvre de son père de tomber dans l'oubli. Malgré les études de Michel Décaudin, la parution d'un volume dans la collection « Poètes d'aujourd'hui » chez Seghers et les émissions de Jean-Pierre Rosnay à la radio, où il fit dire quelques-uns de ses poèmes, Saint-Pol-Roux reste largement méconnu.

En grande partie grâce au travail de sauvetage, de défrichage et de publication des éditions Rougerie, pendant ces années de « purgatoire », les poèmes, essais et pièces de théâtre rescapés de la barbarie nazie sont édités ou réédités. Une masse considérable de manuscrits inédits (Le Trésor de l'Homme, La Répoétique) a survécu au pillage.

Saint-Pol-Roux a tenté de créer une œuvre d'art totale. Ce rêve de la littérature symboliste consistait à créer une œuvre parfaite répondant à tous les sens. Saint-Pol-Roux s'est donc intéressé au genre théâtral et à l'opéra, pendant ses années parisiennes. À la fin de sa vie, il s'émerveille des possibilités artistiques offertes par le cinéma.

Saint-Pol-Roux a également créé la notion d'« idéoréalisme », dans un souhait d'une fusion artistique entre le monde réel et le monde des idées, dans une perspective néoplatonicienne. Il imagine une cosmologie, où la Beauté perdue dans le monde réel doit être révélée par le poète.

Christian Saint-Paul s’est rendu sur les ruines du manoir de Saint-Pol-Roux et a le plaisir de consacrer une émission sur ce poète qui fut si aimé à Camaret, grâce au poète surréaliste Jean-Pierre LASSALLE, Mainteneur de l’Académie des jeux floraux, qui va donner une conférence sur Saint-Pol-Roux, au siège de l’Académie, l’Hôtel d’Assézat à Toulouse, dans le cadre d’un colloque « Les poètes de la Belle Epoque : une avant-garde » organisé par Les Gourmets de Lettres sous l’égide de l’Académie des jeux floraux.

Il a accepté de donner la primeur de ses propos aux auditeurs de Radio Occitania.

Il préfère le terme moderniste à avant-garde. La Belle Epoque est loin d’être un désert comme certains préjugés le laisseraient croire. Il rappelle la biographie de Saint-Pol-Roux. En 1885, il rencontre le poète toulousain Ephraïm Mickaël (mort à 24 ans) et Villers-de-Ville-Adams. Il est aussi très influencé par Maeterlinck. En 1890 il adopte le pseudonyme de Saint-Pol-Roux et en 1891 il rencontre Mallarmé qui l’appelait « son fils ». Il a aussi de grandes difficultés financières. Il part en Belgique où il rêve et écrit « La Dame à la Faux » tragédie en 5 actes et 10 tableaux, superbe pièce injouable publiée par le Mercure de France en 1899.

En 1900, il écrit un livret d’opéra « Louise » du compositeur Gustave Charpentier. C’est un immense succès. Mais Charpentier conclut un accord avec Saint-Pol-Roux : le nom de ce dernier ne sera jamais cité ; il cède tous ses droits au compositeur, mais en compensation, il reçoit la somme énorme de plus de 10 000 francs. Saint-Pol-Roux sort de la misère et fait construire à Camaret un manoir et s’installe à jamais en Bretagne, pays qu’il adore.

Saint-Pol-Roux perd son fils Coecilian à Verdun durant la première guerre mondiale. Il donne le nom de son fils à son manoir. Le 29 mars 1918, il échappe au bombardement de la Grosse Bertha, étant avec sa fille Divine, parmi les rares rescapés.

Breton qui l’admirait vint le voir à Camaret en 1923. Il lui dédie « Clair de terre ».

En juin 1940, survient cette tragédie qui entraînera sa mort, un soldat allemand pénétrant dans le manoir, viole sa fille et tue sa bonne. Saint-Pol-Roux mourra de chagrin.

Son destin est d’une grande originalité. Le manoir a été pillé et les anglais l’ont bombardé ! Le poète avait enfermé dans une boîte de fer un poème contre Hitler. Il serait bien de le retrouver. Dès 1933 Saint-Pol Roux a écrit des poèmes en faveur des Juifs et contre le nazisme. En même temps, il admirait Mussolini.

En 1925 le banquet organisé par les surréalistes à la Closerie des Lilas tourne au pugilat, Philippe Soupault suspendu au lustre cassant la vaisselle des tables des invités. Saint-Pol-Roux s’enfuit, paniqué.

Il est décoré de la Légion d’Honneur en 1931.

C’est à la fois un grand poète de la fin du XIXème siècle et un grand poète du début du XXème siècle.

Grâce à Rougerie, son œuvre fut publiée et est aujourd’hui accessible. Mais il faudrait reprendre l’ensemble. « La Dame à la Faux » s’inscrit dans la tradition espagnole de l’alto sacramental. Saint-Pol Roux a inventé le « Théâtre total » repris par Artaud.

A la Belle Epoque, le vers libre est déjà reconnu, ainsi que le verset, la prose poétique. C’est cette prose, très poétique, très moderne, qui va le caractériser.

Lecture d’extraits de « La Dame à la Faux ».

Lecture d’extraits de « Le tombeau d’Ephraïm Mickaël ».


 

Saint-Pol-Roux a une conception magnifique du monde. C’est le rôle du poète. Les poètes du XXème siècle auront tous un peu cette idée. Il faut recréer, co-créer et magnifier le monde. Ensuite, il y a l’idéoréalisme, l’idéo-réalité. Cela ressemble au surréalisme. Saint-Pol Roux préconise la re-poétique. La re étant la chose. C’est à dire comment arriver à donner de la poésie aux choses. C’est la surréalité du monde que l’on a à chanter. Nerval avait inventé le surnaturalisme, Apollinaire trouva avec Pierre Albert Birot et Breton, le surréalisme. Le poème « Epiphanie » de Saint-Pol- Roux s’inscrit dans une séquence Lautréamont.

Saint-Pol-Roux est aussi appelé le Roi lyre. Il y a une royauté chez tout poète parce qu’il a une vision du monde qui échappe au commun des mortels. Et son rôle est celui du passeur, en particulier dans le but de « passer » aux gens simples qu’il aimait profondément.

C’est un poète oraculaire.

Mais la prophétie ne se justifie que si elle comprend aussi l’apophétie, c’est-à-dire que le prophète est aussi un homme de tradition. C’est tout le paradoxe du poète ; il doit plonger dans la tradition et être d’avant-garde.

A la belle époque ceux qui demeurent dans la tradition ronronnent (Albert Samain, Henri de Régnier), les autres dépassent la tradition et ouvrent l’avenir. Ce sont ceux-là qui sauvent la tradition.

« Nous sommes des nains sur les épaules des géants, mais nous voyons plus loin », c’est le sens de l’admirable formule de Victor Hugo.


 

Lecture d’extraits de textes de Saint-Pol Roux.

 
 

19/10/2017

 



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En 1966, grâce aux publications de Pierre-Jean Oswald, je découvris :


 

Franck VENAILLE avec « Papiers d’identité ».


 

C’était ça la poésie contemporaine.

Une écriture faite pour l’oralité, aucune emphase mais une tension dramatique, une langue curée à l’os qui recréait un vécu à fleur de peau. Quelques mots suffisaient à ce poète éloigné de toute ornementation, pour faire vivre une atmosphère lourde de sens, sans que rien ne soit expliqué, comme dans la prose d’Hemingway.

Peu d’auteurs pouvaient écrire cela. Lui, y est parvenu avec une régularité toujours en cours.

En ce sens, c’est un des phénomènes les plus remarquables de la poésie contemporaine.

 

Au centre de ce long travail : l’homme, l’étrangeté de sa condition, les paradoxes de ses comportements, la blessure particulière reçue comme une blessure originelle.

 

Tous les hommes sont de grands blessés, surtout ceux qui ont fait la guerre.

La guerre, Franck Venaille l’a connue en Algérie. Presque trois années à vivre cette guerre qui ne disait pas son nom. Il ne publiera pourtant « La guerre d’Algérie » aux éditions de Minuit, qu’en 1978. Elle aura, entre-temps, imprégné tous ses livres précédents. Des références subliminales parfois, mais toujours comme une nécessité.

La guerre. Elle revient, trente cinq ans plus tard avec « La bataille des éperons d’or » (12,90 €) et ensuite avec « Requiem de guerre » (11 €), les deux livres au Mercure de France.

 

Guerre absurde, toujours, faite par ceux qui ne la veulent pas, alors que ceux qui l’ont voulu, ne la font pas. Les puissants s’affrontent par substitution. Rien n’a changé. Les puissants finissent rarement dans la fosse où ils envoient les leurs.

« Le pouvoir dès qu’il s’exerce corrompt et se corrompt » affirme Maurice Blanchard. La vie apparaît alors comme une abjection : « la naissance est une guillotine » écrit Blanchard. Et Franck Venaille se désole dans « La bataille des éperons d’or » :

 

C’est laid la vie.

C’est mal.

[...]

« Monde ô monde que

vous ai-je fait ?

Qu’ai-je dit

qui vous ait blessé ? »

 

La réponse se fait

attendre la réponse

Mal et encore mal

la vie d’un homme

se fait attendre.

 

Le tour de force dans la poésie de Franck Venaille, est qu’à aucun moment, ne s’installe de décrochage avec la vie.

Aussi redoutable que cela soit, tous, nous nous reconnaissons dans les poèmes de Venaille.

En paraphrasant l’assertion abrupte de Rimbaud, nous pourrions dire : « beaucoup de poètes, peu d’auteurs. »

Franck Venaille est un auteur de poésie.

 

Certainement, il obéit à l’intuition de Gaston Puel quand ce dernier écrit : « Au mieux on ne s’exprime qu’avec son être abandonné, le plus secret, l’exclu. Rejeté d’un âtre essentiel, il témoigne de l’absence qui l’a nourri. »

 

Pour expliquer l’engouement, et il ne faut pas le sous-estimer, le plaisir, que nous vaut la lecture des poèmes, même noirs, de Franck Venaille, Gaston Puel, dans son « Journal d’un livreur » ( L’Arrière-Pays éd.) l’avait déjà défini : « A la matière brute (le vécu remémoré) le livreur ajoute une plus-value : son écriture. Cette matière quelconque, commune à tous, se valorise par le style. Sur celui-ci le livreur sera jugé. »

 

Je vous invite à écouter ce style saisissant de Franck Venaille en cliquant sur deux émissions :

          - celle du 19 octobre 2017 :

http://les-poetes.fr/son/2017/171019.wma

          - celle du 11 janvier 2018 :

 

http://les-poetes.fr/son/2018/LES_POETES_2018-01-11%20michel%20venaille.wma 

 


 

 
 

05/10/2017



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En préambule Christian Saint-Paul signale la parution du n° 58 de l’excellente revue de poésie vive, Nouveaux Délits animée par Cathy Garcia et qui est consacrée aux poètes du Guatemala.

Voici l’éditorial :


Pour l’édito de ce spécial Guatemala, je laisse la parole à Laurent Bouisset, grâce à qui ce numéro a pu se réaliser et qui a, entre autre, traduit tous les poèmes que vous allez pouvoir lire et, je l’espère, apprécier. Un très grand merci à lui, ainsi qu’à Anabel, sa compagne, qui a réalisé les superbes illustrations. 

Cathy Garcia



Fuego del fuego. Feu du feu. Je ne me rappelle plus pourquoi le peintre guatémaltèque Erick González a décidé d'appeler notre blog comme ça... Une bière de trop a dû jouer... Pas très sérieux au début, c’est certain. Un peu une blague. Un délire au petit matin d’une nuit de fête sous les volcans... du côté d’Antigua... à moins que ce soit à Pigalle, dans un troquet... Tiens, si on faisait un blog ? Après, ça s’est mis en place à mesure. On a changé de direction souvent. Tordu les lignes, comme on aime tant le faire, en permanence. N’empêche qu’un axe fort est resté : celui consistant à faire passer de l’autre côté de l’Atlantique des textes. Des textes en feu qui n’ont jamais gagné le prix Nobel. Qui n’ont jamais été traduits ni mentionnés ici, au pays des Grandes Lettres et du vin rouge, mais qui enjambent athlétiquement les codes et barrières nationales figés pour nous parler de quoi au juste ? De l’humain face au pire. L’humain esseulé dans sa mouise, face à ses maîtres, avec quand même des différences sensibles : plus de la moitié des Guatémaltèques (sur)vivent au jour le jour très en dessous du seuil de pauvreté, dans l’injustice et l’inégalité terribles d’un pays croupissant sur le podium des plus dangereux au monde, si l’on en croit un classement les plaçant devant la Syrie et l’Irak, juste derrière l’Afghanistan, c’est dire... alors que la France fait plutôt figure de pays riche... pays du Premier Monde blasé où la poésie n’arrête pas de rappeler qu’elle n’est pas morte, c’est bien. C’est même très bien qu’elle ne décède pas. Ce serait encore mieux qu’elle recrache cette froideur. Cette manie formaliste et hermétique de jouer sur la langue en permanence, en oubliant que la langue, c’est la vie. Et la langue sans la vie, c’est du jambon gelé dans du formol. Pas de ça ici. Pas de chichi formel sur Fuego del fuego, ou presque pas. Du réel brut. De la réalité visqueuse abordée par les quatre auteurs aujourd’hui accueillis dans ce Nouveaux Délits spécial Guatemala, merci Cathy ! Merci pour l’espace et l’écoute ! Regina José Galindo, pour commencer sur les chapeaux de roue par de la lutte au corps furieuse et tendre. Luis Carlos Pineda, poète free-jazz, vient nous calmer au fond de rapides en furie où les notes fusent et les corps cherchent l’étreinte au bout de la nuit. Julio Serrano Echeverría nous parle des migrants cheminant dans le désert (« en n’étant qu’ombre ») après avoir vécu l’horreur sur les trains traversant le Mexique. 

 Nadies », aurait dit Galeano, l’auteur uruguayen parti en 2015. « Nadies », c’est-à-dire « moins que rien » haïs par Trump, qui, la nuit, rêvent de haricots (présage de pauvreté, selon un dicton latino) ou de baskets neuves, luxe suprême... Et puis Vania... Vania Vargas parlant de la mort, si proche là-bas, à chaque coin de rue (plus de seize homicides par jour en 2010, et ce chiffre enfle...) Vania Vargas peignant la solitude et la voix des fantômes à l’oreille murmurant, tandis que ses poings fragiles cognent le vide. Et voilà que ce numéro se referme déjà... après avoir donné la parole à ces (seulement) quatre poètes nés après 1974. Génération comme on dit d’après guerre (arrivée sur terre juste avant ou, pour l’un deux, en plein milieu du génocide des années quatre-vingt). Pourquoi donc aussi peu ? Pourquoi ne pas en mettre plus ? Rechercher l’exhaustivité n’avait pas de sens... et puis c’est vrai qu’on peut aller se balader sur Fuego del fuego après, si on a encore faim ! Mais quatre, c’est déjà largement assez, quand y pense. C’est déjà quatre mondes assez denses où se tord l’âme et la peau enfle. Certains lecteurs auront peur, c’est possible. D’autres vomiront ou refermeront la revue vite. A la fin de certaines lectures, y en a qui viennent me demander, anxieux : « Pourquoi si noir ? Pourquoi si sombre tout le temps et pas des fleurs ? » Oh ben j’ai rien contre les pâquerettes ! Le printemps des poètes et tout ce délire... J’en vois pas tellement dans les quartiers-nord, c’est tout... J’en vois pas non plus des collines entières dans ce pays traumatisé où les os d’hier trouent la terre encore et crient. Tu voudrais peindre comment le ciel mignon et les pommes bio quand le réel a la douceur d’un matelas de clous rouillés sous ton dos sale ? Les chaussures qu’Anabel a peintes puent la défaite. 

Trouées, dégueues, râpées, elles gisent. En France, on les jetterait. On irait de ce pas en acheter d’autres. Là-bas, elles marchent. Elles continuent à marcher même usées, parce de toute façon, y a pas le choix. C’est ça ou tomber raide, alors tant pis. Avancer malgré tout. Les poètes qui nous touchent écrivent comme ça. Comme des grolles tabassées par les chemins, les coutures mal en point et tout près de la déchirure finale. Ce qui sort de ce harassement, les jours de fête ? L’émotion... La blue note... Le feu du feu dans les boyaux... Oui, c’est peut-être ça que raconte le nom du blog... C’est peut-être aussi simple que ça, au fond... Placez donc un seau d’eau à vos côtés avant de lire. On sait jamais ce qui pourrait flamber... A très vite. Saludos.


Laurent BouissetMarseille, le 13 août 2017


Pour commander ce numéro illustré par Anabel Serna Montoya, envoyer un chèque de 7,50 euros à l'ordre de l'Association Nouveaux Délits, adresse : Létou, 46330, St-Cirq-Lapopie.

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Dans le cadre des 5èmes JOURNEES CULTURELLES FRANCO-ALGÉRIENNES DE TOULOUSE Christian Saint-Paul invite les auditeurs à assister le Jeudi 12 octobre à 19 h à une soirée poétique franco-algérienne Voix des deux rives, avec Philippe AIGRAIN, Madjid KAOUAH, Hamid TIBOUCHI, Christian SAINT-PAUL et Rabia DJELTIT. Accompagnement musical : Julien BOUTTARD à l’Espace diversités laïcité, rue d’Aubuisson à Toulouse.

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Christian Saint-Paul reçoit ensuite son invité le professeur

Jean-Pierre LASSALE poète surréaliste, Mainteneur de l’Académie des Jeux Floraux de Toulouse, élu en 1983.

Commandeur des Palmes académiques

Chevalier de l’Ordre Souverain de Malte

Grand Officier de l’Ordre Equestre du Saint-Sépulcre

Officier du Mérite de l’Ordre de Malte


Membre des Chevaliers Pontificaux. Agrégé ès Lettres. Docteur d’Etat ès Lettres.

Deux fois Lauréat de l’Académie Française (Prix d’Histoire en 1982, prix de Poésie Henri Mondor en 2001).

Professeur émérite à l’Université de Toulouse-Le Mirail.

Ambassadeur de l’Ordre de Malte.


Il vient parler d’un roman dont il est le préfacier :


Eugène d’AraquyGalienne. Roman. Préface de Jean-Pierre Lassalle (les Amis du Pays de Saint-Céré/Éditions du Ver Luisant, 2017,185 p., 14 €).


Dans la rubrique « Régionalisme » voici le compte-rendu n° 68 de la revue Histoires littéraires :

«  Dès la première page, on pourrait avoir des craintes : « plaine riante et fertile », « riches coteaux », « pentes abruptes », « élégant château »… Eh bien, il n’en est rien, et l’auteur adopte rapidement un ton moins académique, pour nous raconter la triste histoire de Galienne. Nous sommes à Vabe [= Saint-Céré], au début du XIXe siècle, et l’on nous présente l’aristocratique famille locale de Castang. En 1815 naît une fille, Galienne, aux époux de Castang, mais on apprend vite que celle-ci est en réalité la fille du fringant officier De Frouge, mort peu après à Waterloo. Paternité cachée et comme honteuse, qui va peser sur le destin de la petite Galienne, laquelle trouve cependant un protecteur dans l’abbé de Loubessac. Mise au couvent, elle prend sa mère en désaffection et finit par regagner le foyer familial. Sa sœur Eulalie se marie, tandis que Galienne noue avec Paul de Plesme une discrète idylle, mal vue par sa mère. Après la mort de son père, cette idylle se révèle impossible. Galienne se dérobe, et Paul finit par se marier avec une autre. La mort de l’abbé de Loubessac laisse Galienne désemparée ; elle s’étiole et meurt ; sa mère se retire chez les religieuses. Tel est ce roman désespérément romantique, mais qui se lit agréablement. La préface de Jean-Pierre Lassalle fournit d’amples renseignements sur son auteur, Eugène d’Araquy (1808-1885), né aux Etats-Unis de parents expatriés sous la Révolution, puis installé en France. On lui doit divers romans, dont Galienne, d’abord publié en feuilleton dans la Revue contemporaine en 1860, puis en volume la même année chez Hachette. Ce roman a certes les défauts et les « trucs » de tous les feuilletons de l’époque, mais, comme le note le préfacier, il y a bien pire dans le genre. Et puis, en 2017, n’avons-nous pas aussi, sous une autre forme, des romans où pullulent les clichés et les poncifs à la mode ? »

***

Jean-Pierre Lassalle précise que l’Association Les Amis du pays de Saint-Céré édite deux livres par an, et de temps en temps, réédite des auteurs locaux.

Trois romans feuilletons ont été publiés par Eugène d’Araquy. Ce roman est très XIXème siècle. Le style est celui de ce siècle avec parfois des préciosités.

Les D’Araquy constituent une vieille famille de Saint-Céré, emblématique de la noblesse de l’époque qui a fui la Révolution, s’est réfugiée aux Antilles et a contribué à l’essor économique des îles. Les parents de l’auteur rentrent en métropole sous la Restauration. Eugène choisit la grandeur des armes, mais vite, comme Vigny, d’homme d’épée, il devient homme de plume.

Beaucoup de lecteurs à l’époque, ont découvert ce roman par le roman feuilleton. Mais c’est une littérature vivante !

Sous la monarchie de juillet, il y avait déjà l’obligation qu’il y ait une école dans chaque village, école souvent tenue par des ecclésiastiques, mais pas toujours. A Saint-Céré, malgré tout éloigné des autres villes, vit un milieu bourgeois d’hommes de loi généralement, et des aristocrates lettrés qui bien souvent écrivent. D’Araquy fait partie de ceux-là. Cette vie aristocratique est néanmoins très proche de la vie paysanne.

Certains nobles émigrés, à la Restauration, ont pu racheter leur patrimoine comme dans le roman « Galienne » où cette acquisition se fait grâce à un abbé, personnage important du roman.

Après le Concordat, il y a un soubresaut important de la foi. Le clergé retrouve sa notoriété. Mais la société est restée figée, trop rigoriste. C’est tout le drame des jeunes filles. Beaucoup sont en grande difficulté. Elles sont inhibées par tant de pesanteur sur elles. Et Galienne n’est pas aimée par sa mère. La société se repliant sur elle-même, la condition féminine connaît une vraie tragédie. De plus, le partage « égal » des héritages décidée à la Révolution, crée des tensions et donne lieu à l’exploitation de parcelles trop étroites pour vivre convenablement.

Le couvent, qui exigeait aussi une dot, était la solution à l’absence de mariage. La femme ne travaillant pas, la dot était une compensation pour le mari. François Maynard, le poète, n’a pu doter sa dernière fille qui ne se maria donc pas. Le père de Colbert, pourtant déjà noble, ne put marier ses trois filles qui sont dès lors entrées au couvent et le fils, Colbert, lui, a marié ses trois filles à trois ducs.

Galienne qui pourtant eut des prétendants, dont l’un parvint même à l’embrasser, ce qui était très hardi pour l’époque, ne se maria pas.

Cette aristocratie, très éloignée de Paris, a des similitudes avec la bourgeoisie, la frontière entre les deux étant ténue. En réalité, c’est le même milieu.

Dans le roman, les noms des lieux sont changés. Saint-Céré se nomme Vabe. Or, la rivière qui coule à Saint-Céré est La Bave. Les lecteurs du coin comprennent vite de quelle ville il s’agit.


Lecture d’extrait du livre.

Châteaux et manoirs font le charme de cette région. Les Anglais, depuis le Moyen-âge l’ont bien compris. Il ne faut pas oublier que les Bourbons, à la Restauration, sont revenus dans la liesse, les dernières années de Napoléon étant très mal vécues par la population.

Il y a une vraie dimension psychologique dans ce roman et même d’avant-garde. C’est déjà un roman moderne.

Galienne ne se marie pas. Il aurait été très mal séant qu’elle se marie avant sa sœur aînée et de plus, les deux sœurs n’ont pas la même père, ce qui est très osé dans un roman à cette époque.

Mais c’est dit avec subtilité. Car il y a toujours quelqu’un qui voit les choses et qui les raconte. Mais ce n’est pas l’enfant de l’amour, mais l’enfant de la haine.

De manière inconsciente, la mère ne se punit pas elle-même, mais elle punit sa fille !

Ce fut, du reste, ce que connut Maurice Blanchard, le poète surréaliste, né de l’union de son père, industriel, avec une de ses ouvrières et qui lui rappelait sans cesse son « pêché » et fut mal aimé.


La fluidité de la langue évidente pour un roman feuilleton en fait un vrai livre plaisir à la dimension psychologique et historique.


Lecture d’extrait.


Galienne a un destin poignant. Elle s’occupe de jeunes enfants abandonnés. Elle a sacrifié sa vie mais donne son amour et son énergie à des enfants, alors qu’elle-même n’en aura jamais. Et elle meurt avant sa mère.


En conclusion, nous dit Jean-Pierre Lassalle, c’est une bien bonne chose d’avoir réveillé ce roman du XIXème siècle. Les Amis de Saint-Céré ont bien fait de le réinscrire à notre patrimoine littéraire.


 

 

28/09/2017

 



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 Octobre 2017 à Toulouse

Salon du livre

Journées franco-algériennes

Christian Saint-Paul signale une publication de 2015 du poète belge

William Cliff « Amour perdu »

aux éditions Le Dilettante, 128 pages, 13 €.

William Cliff se souvient de ses amours de hasard, hélas enfuies.

L’éditeur reprend cette note de lecture de Jean-Claude Perrier :

« Pour William Cliff, et ce depuis ses débuts en littérature encouragés par Queneau, la poésie doit dire l’intime. Quitte à heurter quelques tartuffes. L’âge venant - Cliff est né à Gembloux, Belgique, en 1940, et nombre de ses textes font référence à son pays -, il est tentant d’égrener les souvenirs, surtout s’ils sont plutôt agréables. Dans ce recueil, le poète a choisi de célébrer les corps des garçons qu’il a croisés, rencontrés, aimés ou non, au fil de ses voyages. Certains poèmes sont des "tricks", comme disait Jean-Luc Hennig, des "coups", racontés de façon parfois explicite, dans des ambiances glauques, où la pénombre permettait toutes les audaces. Et où sévissait encore en ce temps-là la ségrégation entre les Blancs et les Noirs - sauf sexuelle. Tantôt ils sont magnifiés de façon lyrique, précieuse, qui n’est pas sans rappeler le maniérisme élisabéthain. Cliff joue de tous les registres, de toutes les réminiscences, Shakespeare, Baudelaire, Breughel, torturant le vers à qui il impose de rimer à tout prix, même d’acrobaties, d’inversions et d’enjambements, voire de vers de mirliton. L’hendécasyllabe ne se dompte pas aisément.

Par-delà les voyages, les évocations de corps, les émotions d’alors, la tonalité générale est ici à la mélancolie, au regret des occasions manquées. Tempus fugit, comme chacun sait, et surtout les poètes. Amour perdu s’achève, et ce n’est pas hasard mais effet de composition, sur "Solitude", ballade aux accents tout verlainiens : "Alors, tant pis, mon âme, prends la route/de ce désert béant que tu redoutes,/bois ce calice avec tranquillité…" »

et en fait le résumé suivant :

Quoi de plus doux pour apprendre quelqu’un / que de connaître son organe intime. Et le poète William Cliff de prendre le large, en skipper subtil, sur la grande mer des corps virils, d’aller, promeneur solitaire, narine aux vents et mains de sourcier, taillant la route des roideurs et des spasmes, cap sur les visages donnés et les élans offerts au détour de soudaines rencontres. S’engouffrant à perte de corps dans l’obscurité de certaines salles au fumet fétide, aux fauteuils défoncés, mais au voisinage délicieux, accostant aux bars de la nuit pour quelques contacts fugaces, à Philadelphie ou Viña del Mar, New York ou Bruxelles, William Cliff, beau héros abreuvé d’abjection au fil de poèmes néoélisabéthains, ciselés et d’une délicatesse glorieuse, narre le membre frémissant de l’hôte d’un soir, les cuisses du louveteau, l’orteil de l’amant, les douces muqueuses : car dans la vie on aime que nous happent / certaines choses un peu dégoûtantes / qui nous font sortir de l’ennui ordinaire. Une quête des corps amoureux qui délivre de ce cafard qui encrasse les jours et dont le soleil, dieu de flamme qui sourit aux heureux et frappe ceux qu’il damne, ne nous délivre pas. Plus de vingt-cinq ans après son tombeau de Conrad Detrez, William Cliff fait retour au Dilettante pour un nouveau cahier de poèmes qui tente de prendre aux rets du mètre classique les fuyantes extases de l’amour masculin et de garder encore l’enfance d’un corps promis à la mort : Salut à toi, beauté, que la rue m’a fait voir !

Lecture d’extraits.

Un richard


 

C’est humiliant d’être pris à parie

par un richard qui ne travaille pas

et qui voyage où il veut ici-bas

suivant les envies de sa fantaisie.

Il prétend s’asseoir où je suis assis

parce qu’il dit occuper cette place :

voilà l’arrogance de cette race

qui croit pouvoir tout régenter ici !


 

Mais à la fin, je lui ai dit merci

pour l’offense qu’il m’envoie dans la face,

j’ai reculé pour que ce noir rapace

prenne ses aises ; moi, plein de souci

plein de complexe et d’humiliation,

je l’interroge, humblement lui demande

comment il mène l’existence grande

dont il dit avoir la savouration :

le matin il sort de sa dormition

très tard pour faire un peu de gymnastique

garçon qui n’est pas pourtant son giton,

et puis sa cuisinière portugaise

qui cuisinait déjà pour Grand-Maman,

lui mitonne quelque bon aliment

pour que son ventre soit bien à son aise.


 

Une autre « domestique » point obèse

nettoie la maison pendant ce temps-là

tandis qu’ailleurs un jardinier qu’il a

tond la pelouse à la façon anglaise

car il se dit être anglais d’origine

tout en ayant un logis à Paris

près du parc Monceau où il paye un prix

astronomique comme on l’imagine.


 

Et moi alors ? Où en est ma machine ?

Ne suis-je qu’un insecte sur la terre ?

Pour n’avoir point d’argent je dois me taire

et subir l’orgueil de cet imbécile ?

Or le voilà qui découvre son corps,

il sort son sexe et se fait désirer :

pourquoi dois-je être ainsi contrecarré

par ces types qui sont toujours plus forts

et plus riches, plus séduisants alors ?

Où donc est la justice en ce bas-monde ?

Faut-il toujours qu’on rampe dans la honte

quand d’autres goûtent à tous les trésors ?

*

L’entretien qu’a eu Saint-Paul avec William Cliff à Gembloux en Belgique est toujours accessible sur notre site à la rubrique : documents sonores.

*

Le mois d’octobre 2017 à Toulouse va être riche en événements poétiques.

VENDREDI 27 OCTOBRE à l’Hôtel d’Assézat, salle Clémence Isaure à 17 H : “Les poètes de la Belle Époque : une avant-garde ?” Table ronde présidée par le Secrétaire perpétuel de l’Académie des Jeux Floraux, M. Philippe Dazet Brun, intervenants Pr. Jacques Arlet : “Maurice Magre”, Me Pierre Bouyssou : “Jean de La Ville de Mirmont”, M. le professeur Jean-Pierre Lassalle : “Saint-Pol-Roux, le Magnifique”, M. le doyen Philippe Dazet-Brun : “Paul-Jean Toulet par ses Contrerimes.

Le professeur Jean-Pierre Lassale viendra nous parler de Saint-Pol Roux le Magnifique à Radio Occitania avant cette table ronde.

Christian Saint-Paul rappelle aux auditeurs qu’ils peuvent toujours écouter sur le site les-poetes.fr l’émission consacrée au professeur Jacques Arlet sur son livre « Poètes toulousains de la Belle Epoque » aux éditions Loubatières.

Saint-Paul évoque alors Maurice Magre dont la tombe comme celle de son frère se trouve à côté des studios de la radio, au cimetière Terre Cabade de Toulouse.

Lecture d’un poème de Maurice Magre.

Evocation ensuite de Saint-Pol Roux le Magnifique et lecture de poèmes. Une émission spécifique sera consacrée à ce poète tant aimé des surréalistes.

Cette table ronde s’inscrit dans le cadre du

XIIe salon du livre 

des Gourmets de Lettres

 placé sous l'égide de l'Académie des Jeux floraux

 les 27-28 et 29 octobre 2017.

Voir le programme

Des prix de poésie seront décernés au cours de ce salon. Rappelons que le grand prix de poésie a été attribué les années antérieures à Michel Baglin, Didier Thurios, Francis Pornon, Christian Saint-Paul et Béatrice Bouffil.

Une autre table ronde aura lieu le samedi 28 octobre de 17H à 18H au Salon Rouge “Le roman scientifique : imagination et lectures” animée par Yves Le Pestipon Président de l’association “Présence de la langue française”, intervenants Catherine Guien, Francis Ricard, Jacques Mitsch.

Et le dimanche 29 octobre à 18H au Salon Rouge une conférence sur la poésie “Le poème, éloge, témoin ou inventeurs du lieu” présidée par Christian Saint-Paul, avec Simone Alie-Daram, Jacques Arlet et les interventions de Francis Ricard, Michel Baglin, Didier Thurios, Jean-michel Tartayre.

Le public est invité à visiter ce salon les 27 et 28 octobre dans ce cadre prestigieux de l’Hôtel d’Assézat à Toulouse et à assister et participer aux tables rondes et conférences. Un événement à ne pas manquer !

*

Mais avant le Jeudi 12 octobre 2017 à Toulouse à l’Espace diversités laïcité rue d’Aubuisson aura lieu une 12 octobre à 19h

SOIRÉE POÉTIQUE FRANCO-ALGÉRIENNE “VOIX DES DEUX RIVES”

avec Philippe AIGRAIN, Madjid KAOUAH, Hamid TIBOUCHI,

Christian SAINT-PAUL et Rabia DJELTIT. Accompagnement musical

par Julien BOUTTARD. Soirée reprise le lendemain 13 octobre à Vaour (Tarn) en partenariat avec l’association Vent Propice et un accompagnement musical par Thierry DI FILIPPO.

Pour illustrer cette soirée à venir Christian Saint-Paul lit des poèmes de Madjid KAOUAH.

Abdelmadjid Kaouah est né le 25 décembre 1950 à Aïn-Taya, près d'Alger. Il est journaliste. Correspondant de presse pour divers journaux algériens francophones et chroniqueur littéraire : Algérie News, Canalsud Toulouse, Repères Maghrébins…

La violence qui a frappé son pays dans les années 90 l'a poussé à l'exil en région toulousaine où il vit depuis une quinzaine d’années.

"D’abord Aïn-Taya, le village natal, Maktaa al ras, l’expression en arabe est d’une grande puissance évocatrice. On naît effectivement la tête la première, c’est là où le lien ombilical est coupé au sens propre du mot. La tête la première jetée dans son destin terrestre en provenance des profondeurs maternelles. D’une terre à l’autre. Aïn-Taya, un certain 25 décembre du milieu du siècle dernier. Né dans un village colonial, au son peut-être des cloches de l’Eglise qui annonçait la glorieuse Naissance de Sidna Aïssa, le Christ rédempteur…

Ce village remonte au temps de la conquête coloniale. Et selon la chronique coloniale, ce n’était que fourrés et broussailles, un lieu-dit à trente kilomètres d’Alger, parsemé de palmiers-nains, inaccessible, La Rassauta. Faut-il penser que nul autochtone n’habitait les parages ? Une autre version de Terre promise… En ce lieu, sur trois mille hectares, est né donc le village, suite à un décret signé le 30 septembre 1853 par Louis-Napoléon Bonaparte... "

Extrait du récit Retour en Algérie, Amère Saison (éd. de La Louve, 2009, Toulouse) et Algérie News, Octobre 2010, Alger.

Il a publié récemment son anthologie personnelle : "Que pèse une vitre qu’on brise": quarante ans de poésie dans un recueil Publié par Par fodhil belloul .

Profonds et lapidaires, hantés par le souvenir des compagnons assassinés ou traversés par les douleurs de l’exil, les poèmes du recueil "Que pèse une vitre qu’on brise" d’Abdelmadjid Kaouah témoignent de plus de quarante ans d’écriture et de la place du poète dans l’histoire de la poésie algérienne francophone. Ce recueil de 86 pages, paru aux éditions algériennes Arak, rassemble une quarantaine de textes, pour la plupart inédits, écrits par Abdelmadjid Kaouah entre 1972 et 2014, offrant aux lecteurs une occasion de découvrir ou de redécouvrir une verve poétique constante, marquée par des drames humains dans l’Algérie contemporaine. Présentés selon un ordre plus ou moins chronologique, ces textes portent également des hommages à d’autres poètes, algériens comme Tahar Djaout, Youcef Sebti et Jean Sénac (tous trois assassinés) ou étrangers comme l'immense Mahmoud Darwish et le poète bosniaque Izet Sarajlic. Témoins de l’ "être fraternel" du poète, comme l’écrit Djamel Amrani- autre grand poète algérien dont un article sur Kaouah est inséré au livre- ces poèmes dédiés, parmi les plus poignants du recueil, replongent aussi les lecteurs dans l’horreur de la violence terroriste des années 1990 . L’évocation de cette époque où "l’on arme la haine/ à coup de versets inversés" est différemment présentée par le poète, selon les textes: de strophes incantatoires et puissantes, énumérant des noms de victimes dans "Maison livide" (1994), elle devient une vision de "femmes en noir" posant des "talismans" pour conjurer le "règne de l’oubli". L’exil européen du poète après ces années de "folie" et d’ "enfer" constitue un autre thème majeur du recueil que le poète explore avec autant de diversité.Dans "Les portes de l’exil s’ouvrent à Blagnac", Kaouah s’interroge avec amertume: "Qu’est-ce qu’un aéroport", sinon un "commerce de l’absence/ une maison close puant de nostalgies", alors que dans d’autres, il convoque la figure mythique d’Ulysse. Cette référence récurrente au héros de l'Iliade, renseigne également sur l’ancrage méditerranéen du poète, comme l’explique le sociologue espagnol Jordi Estivill dans l’avantpropos du recueil. L’évocation de la mer est aussi présente lorsque qu'il s’agit pour Kaouah de parler de ses années de jeunesse dans sa ville natale d’Ain-Taya, une référence à la nature, très présente, surtout dans les plus vieux textes du recueil. Accompagnés de reproductions de tableaux du peintre Djamel Merbah, "Que pèse une vitre qu’on brise" constitue un événement éditorial rare en Algérie où la poésie n'est quasiment plus publiée. Il se veut également, par sa qualité d’édition, un juste hommage à ce poète discret et peu cité dans les travaux sur la poésie algérienne d’expression française. Né dans les années 1950 en Algérie et établi en France depuis les années 1990, Abdelmadjid Kaouah est l’auteur d’une vingtaine de recueils, parus en Algérie et en France. Egalement journaliste et chroniqueur littéraire, il a notamment dirigé "Quand la nuit se brise", une des meilleures anthologies de la poésie algérienne francophone parue à ce jour.

Flamme Toulouse Femme

Flamme Toulouse

La cathédrale autour

Tournent les livres, les vies

C’est un grand manège

Qui conduit de Notre-Dame d’Afrique

Aux Jacobins.

De leur temps les temples

Servaient d’étables aux bêtes du Bon Dieu


 

Toulouse femme

Tournoyant au son

Des stridences du raï

Qui battait la mesure

Aux hanches langoureuses

De l’Odalisque

Dont je remonte les reins

Sans jamais connaître la satiété


 

Elle a la bouche de braise

Comme quand le disque du soleil

Plonge sa morsure dans la couche de Garonne


 

Tout est feu

Couronnés d’incandescence

Sur Toulouse


 

Les mortels s’aiment

Sur les pelouses du Cours-Dillon

Tandis qu’un tam-tam

Se fracasse le crane contre

Les parvis du Pont-Neuf


 

Femme nouvelle, bonne nouvelle

Brûlante comme l’ardoise rouge

De Toulouse


 

Contre laquelle je m’écorche les mains

D’amour

le 19 janvier 1996

***


 

 


 
 
 

14/09/2017

 

21/09/2017

 



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07/09/2017

 



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31/08/2017

 



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Jean-Pierre

DENIS

 

24/08/2017

 



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Christian Saint-Paul consacre son émission à son invité :

Jean-Pierre Denis qui vient présenter son dernier livre aux éditions Ad Solem :

Tranquillement inquiet

Jean-Pierre Denis

144 pages, 18 €

Voici ce que l’on peut lire sur la quatrième de couverture :

Je vis les paumes

Plus ou moins jointes

 

Sans trop savoir lire

Mon propre chemin

 

«Tranquillement inquiet» : ce nouveau recueil de Jean-Pierre Denis tient tout entier dans cet oxymore. Attitude en même temps qu'interrogation, il veut dire l'ignorance que nous entretenons au sujet de nous-mêmes. «Sens de la vie», «but de l'existence», «réussite». Nous aspirons à la clarté, et en même temps nous composons avec l'hypocrisie qui ménage notre espace vital dans la société. Sans complaisance, Jean-Pierre Denis s'attache à faire tomber ces masques. L'espace ouvert par l'écart des «paumes plus ou moins jointes» constitue le creuset de ce recueil. Son secret aussi. La parole poétique vient nous inquiéter «tranquillement», mais profondément, et non sans ironie. Elle nous invite à l'imprévu - à commencer par ce que le souci de nous-mêmes cache trop souvent à notre regard: notre vie.

Glissant de déni en dépit

A part ces quelques avanies

En somme j'avais tout prévu

 

Sauf la vie.

*

Jean-Pierre Denis est à la fois éditorialiste et poète, auteur de plusieurs recueils chez Ad Solem.


 

Diplômé de Science Po, Jean-Pierre Denis est journaliste, écrivain et poète. Directeur de la rédaction de l'hebdomadaire La Vie, il participe comme chroniqueur ou comme invité à de nombreuses émissions de radio ou de télévision.

Poète, il a publié :

Tranquillement inquiet, Ad Solem, 2017

Me voici forêt, Le Passeur, 2015

Manger parole, Ad Solem, 2012

Dans l'éblouissant oubli, Ad Solem, 2010


 

Né et ayant vécu sa jeunesse à Toulouse, il rejoint souvent la ville où résident ses parents.

Il y a chez Jean-Pierre Denis, une vraie épopée de l’écriture, un souffle, celui de la poésie mais aussi une ironie salvatrice qui permet de pouvoir vivre avec nos certitudes. A une époque où l’on assiste au développement de ce que l’on nomme « la radicalisation », la posture du poète est importante à la fois parce qu’il magnifie la langue et conserve intact le doute. Tranquillement inquiet, confie Jean-Pierre Denis, est une traversée du doute dans un monde bourré de certitudes. Nous avons vu lors de la campagne présidentielle, combien de gens savent, de manière absolue, ce qu’il faut penser, et mon paradoxe est que mon métier de journaliste d’éditorialiste m’oblige à écrire de plus en plus, et plus j’écris, plus je doute, et plus je doute, plus je me sens bien. Par ailleurs, je dirige un journal catholique, je suis moi-même catholique, mais je me méfie de ceux qui ont une réponse à tout. Le doute est un espace habitable. La question du langage me passionne (« Manger parole » est le titre de mon dernier livre), mais le langage est aussi le lieu du mensonge. Mon doute est, bien entendu, un doute méthodique, mais mon premier doute, c’est moi-même. J’en viens à douter de mes propres idées, de mon propre langage. C’est cela le centre du livre. Cette question devrait travailler notre époque. Or, nous vivons dans une époque bourrée de dogmes, de certitudes, d’affirmations plus ou moins en toc. L’espace du doute est un espace de liberté et il conduit à la sérénité. Ce qui explique la contradiction apparente entre le doute et la tranquillité d’esprit. C’est une prise de conscience qui nous libère.

Même dans la poésie contemporaine, les acteurs se prennent très au sérieux. C’est parfois très beau, mais j’aime les auteurs comme Tardieu ou Guillevic qui sont gorgés d’ironie. L’ironie dégonfle le personnage, la posture. Le réel me passionne. J’ai écrit sur les arbres (« Me voici forêt »). Mais comment être crédible, si l’on n’est pas capable de prendre ses distances par rapport à soi-même ? On habite en soi, on se connaît donc, et l’on peut mesurer la distance avec l’image de soi que l’on projette.
Saint-Paul fait remarquer que la gabegie d’informations qui nous submerge pourrait laisser croire à une formidable diversité, alors qu’en réalité, nous assistons à l’inverse, c’est-à-dire à une uniformisation des informations qui crée ce qu’on a justement nommée, la pensée unique.
Oui, poursuit Jean-Pierre Denis, j’ai voulu égratigner cette machine à nous imposer certaines idées préfabriquées. Nous avons perdu le contact avec le réel, les animaux, la nature. Tout nous arrive standardisé, subtilement imposé par une information purement répétitive. Je me suis attaqué à cela par les moyens de la poésie, avec l’aide de l’ironie qui a un effet corrosif. L’ironie est une arme qui marche d’autant mieux qu’on la retourne contre soi. Le titre « Tranquillement inquiet » s’inscrit, sans que je l’aie consciemment voulu, dans une tradition juive.

On a tout prévu, sauf la vie. La grande idée c’est que c’est la vie qui nous dirige et non nous, qui dirigeons la vie. Et je dirige un magazine qui s’appelle « La Vie » ! La vie, c’est Pierrette et le pot au lait.

Saint-Paul se souvient du livre de Pierre-Autin Grenier, «Toute une vie bien ratée ». Or, chez Jean-Pierre Denis, il n’y a aucun lamento, aucun désespoir avec la dure confrontation avec la vie, toujours imprévisible. Ce phénomène est abordé avec une énorme modestie chez Jean-Pierre Denis.

Celui-ci, qui a une vraie vocation de journaliste, se souvient qu’enfant, en visite dans une ferme du Gers, il avait répondu à Elise, une vieille dame qui lui demandait ce qu’il aimerait faire plus tard : journaliste, et que celle-ci, pleine de sagesse, lui avait rétorqué : « Eh bé ! Vous allez en raconter des mensonges ! ».

On se trompe beaucoup dans ses analyses. Mais peu de gens osent le dire.
Le livre est, à certains égards, un peu politique. Il y a une forme d’engagement. Mais je ne m’exempte pas des critiques du monde auquel j’appartiens.
Saint-Paul revient sur le poète des arbres et de la nature et citant le poète portugais Herberto Helder : « Parce qu’on est comme les arbres, prisonniers d’un endroit, à respirer par le fil d’une loi tranquille et pérenne », il l’interroge sur les arbres. Les arbres sont-ils prisonniers, se demande Jean-Pierre Denis. Nous, nous nous déplaçons, mais pas autant qu’on le croit. Il ne s’agit pas que du simple déplacement géographique, mais celui de la pensée. Nous restons généralement dans notre milieu social, dans nos convictions, dans nos habitudes de pensées, dans nos préjugés. Les arbres sont plus aventureux que nous. Ils vont chercher très profond, plus profond que nécessaire et vont plus loin que nous dans leur quête du ciel.


 

L’inquiétude est un moteur. Tranquillement inquiet est une recherche d’équilibre déséquilibré qui fait que l’on peut accéder à soi, on peut accéder à l’autre et, en même temps, on est toujours en mouvement. Cette inquiétude est tout de même ambigüe, car elle est à la fois le moteur et ce qui peut peser.
La dernière partie du livre est consacrée aux racines. J’ai besoin de marcher dans les rues de Toulouse, de revenir dans les lieux de mon expérience, de ma construction. Pourtant, lorsque je pénètre aujourd’hui dans la basilique Saint-Sernin dans laquelle j’ai été baptisé, me suis marié, a tellement marqué ma vie, je suis un parfait pèlerin étranger. C’est cela le rapport avec nos racines, c’est quelque chose qui est bien plus compliqué que ce que l’on veut dire. On a besoin de ses racines et en même temps, elles nous trahissent, finalement. On ne peut pas vivre sans nos racines, mais elles nous jouent des tours, elles s’enfuient, elles vont ailleurs. C’est cette quête que j’ai voulu évoquer avec une explication franche. L’homme contemporain a voulu s’émanciper, donc couper les racines, s’en libérer, pour partir à l’aventure. Ce fut quasiment systématique. Mais aujourd’hui, on s’aperçoit qu’on est condamné à une vie assez artificielle. Vivre hors sol dans une mondialisation indéterminée, coupée des transmissions familiales, de celles du passé, hors de toute tradition, permet de se sentir très libre, mais tout d’un coup, on éprouve un sentiment de vide et de vertige, ou bien on est condamné à vivre dans une sorte d’hébétude sucrée que nous propose la société du marché. C’est le drame culturel de notre époque. C’est ainsi que j’ai saisi ce drame avec ma série de poèmes sur les racines.

 

Pour ce qui a trait à la mondialisation, l’homme, aujourd’hui, a perdu le contrôle de l’outil. Au Vietnam, j’ai vu tout un peuple passer son temps à regarder son Smartphone. Quelle est la promesse de notre civilisation si l’on est tellement rivé à l’outil qu’au fond, l’outil nous dicte sa loi. Pour revenir au doute, qui est au centre de ce recueil, il faut arriver aussi à douter également de ces outils présentés comme une nécessité évidente.


 

Extraits de Tranquillement inquiet, dernière partie Le doute qui m’habite :


 

Elles prétendent retenir

le sol où je suis né

Pourtant je les sens fourmiller

Courant jusqu’à perte de vue


 

Si je tiens à mes racines

Par je ne sais quel mystère

De cet attachement j’ignore

Jusqu’où il me pourrait conduire.

*******

Je demande à mes racines

De me révéler qui je suis

Elles m’expliquent tout au plus

L’humus qui les recouvre


 

Naïvement je les crois

Quand elles prétendent savoir

A quelle espèce elles et moi

Nous pouvons bien appartenir.

*******

En général mes racines se taisent

Prenant prétexte des pierres

Qui les retiennent de la soif

Qui prétendument les tourmente


 

Les faire parler enfin

Qu’elles avouent leur chemin

Qu’elles disent vers quel lieu

Elles s’efforcent de plonger.

*******

D’elles j’attends tout

Mais elles me refusent secours

Elles qui pourraient me soutenir

S’éloignent à jamais indifférentes.

Je ne sais où elles vont ainsi

Mes racines sans aucun souci

De cette graine première

Qui m’aurait si bien nourri.

*******

Je leur ai fixé rendez-vous

Espérant qu’elles connaissent

Le lieu où je crois pouvoir vivre

Mais elles se montrent étrangères


 

Je voudrais trouver mon refuge

Dans la plus ferme de mes racines

Bien sûr c’est celle-là

Qui m’échappe le plus résolument.

*******

Hardiment j’ai coupé mes racines

Au début cela ne me coûta guère

Les unes comme mortes déjà

Les autres presque détachées


 

Je ne comprenais pas la raison

qui me liait à elles

Ne pouvais-je pas aller plus loin

En quête d’éternel printemps ?

*******

Que puis-je leur promettre

Je ne sais plus le goût des fruits

Je suis las d’avoir voyagé

Je n’ai plus de lumière à distiller


 

Mes racines pensent à moi

Elles se souviennent d’autrefois

Quand j’étais encore vivant

Quand je ne me laissais pas abattre.

***

 
 


 

Margo

 

 OHAYON

 

 

 

Michel

 

 HOST 

 

 

 

03/08/2017

 



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Jacques CANUT, cet infatigable poète est né dans notre Gascogne, à Auch en 1930. Il a enseigné la littérature et l’histoire. C’est en 1975 qu’il a commencé à publier des recueils de poésie. Plus d’une centaine à ce jour. Et ce bonheur continue. Voilà qu’il vient de publier « Qui mal y pense » petit recueil en forme de carnet, bel objet tenant dans une enveloppe avec une magnifique couverture en couleurs de Claudine Gousc qui depuis plus de quarante ans, prête son talent singulier à la poésie qu’elle incarne si bien dans son dialogue avec les poètes. Dans la même période, Jacques Canut fait paraître, toujours sous forme de petit carnet mais « à l’italienne » et « pour solde de tous contes », «Sel et Poivre » avec une belle illustration couleur d’Acacio Puig. Des poèmes rédigés, dit-il dans la dédicace à Christian Saint-Paul, « pour digérer les pâté(e)s de la vie ».

La vitalité qui imprègne ces deux recueils est réjouissante. La poésie de Jacques Canut est témoin de la vie, cette vie des profondeurs, ce que Brigitte Maillard nomme « L’Au-delà du monde » mais qui est dans notre monde, ici et maintenant. La longévité de Canut, qui nous offre un exemple d’espoir, tient à son talent passionné bien entendu, mais aussi à l’épicurisme qui ressort de sa posture dans la vie ordinaire : « L’alcool tue (même lentement) /Fumer tue. / Moi qui n’ai recours à aucun / de ces « poisons » / puis-je espérer vivre /éternel ? / pour éviter les lendemains de fête, / je ne fais jamais la fête. » Jacques Canut aime la vie, les femmes, les chats et entend bien en profiter dans la quiétude.

Les recueils de Jacques Canut (10 € ?) sont à commander chez l’auteur : 19, allées Lagarrasic 32000 Auch. Nous reparlerons prochainement de Jacques Canut.

L’émission est ensuite consacrée à l’invitée : Margo OHAYON.

C’est une retrouvaille heureuse car Christian Saint-Paul n’avait plus vu son amie poète depuis un temps trop long. Les émissions consacrées à Margo Ohayon sont toujours disponibles sur le site : les-poetes.fr

Margo Ohayon est née en Touraine. Elle a exercé la profession d’infirmière de nuit.

Un dialogue avec Michel Host, « L'arbre et le béton » vient de paraître chez Rhubarbe, en janvier 2017.

Parmi ses recueils de poèmes : Les Glaneuses, L’arbre à paroles, 1993 ; Terre, Encres vives, 1994 ;

Hors du tout, Rafaël de Surtis Éditions, 1999 ; Les mains, Éditions Trames, 2010

Aphorismes : Filigranes, Babel Éditeur, 1993 ; Quark, Éditions Clapàs 1997, réédition 2007 ;

Bribes, Babel Éditeur, coll. Quatre, 2008 ; Poussières, Éditions Le nœud des miroirs, 2009

Correspondance : Aigrettes, Babel Éditeur, 1999 ; Lettres à G, Éditions Noir & Blanc, 2003


 

Elle a publié dans les revues : Froissart, Traces,Verso, Résu, Encres vives, Revue du Rouergue, Multiples, Friches, Les cahiers bleus, Décharge,L'oreillette, Midi, Souffles, Inédit nouveau, Pris de peur, Le vert sacré, Jalons, Centre Presse, Multiples, Polyglotte, La cause littéraire, Lettres de la Société des Lecteurs de Jean Paulhan, N° 3-4/2015-2016

Ce soir elle vient parler d’un livre qu’elle a écrit en duo avec Michel HOST : « L’arbre et le béton » De la nature des choses Des choses de la nature. Dialogue, aux éditions Rhubarbe 110 pages, 12€.

Michel HOST est né en Flandres en 1942.

Après avoir été instituteur et professeur de lycée, il enseigne en 1996 la langue et la littérature espagnoles du Siècle d’or au CNED.

Chroniqueur littéraire à la Revue des deux Mondes et à Révolution (devenu Regards), il est cofondateur de la revue L’Art du bref en 1995 et président d'honneur du webzine La Cause littéraire.

Écrivain discret qui a obtenu le Prix Goncourt à 42 ans, avec « Valet de nuit », il explique que cette distinction lui a fait accepter son traitement de dialyse et l'a conduit à s'investir davantage dans l'écriture.

Il a obtenu :

Grand prix de la nouvelle de la S.G.D.L. 2003

Prix du Livre de Picardie 1996

Prix Goncourt 1986

Prix Robert Walser 1984

Il a publié :

L'Ombre, le Fleuve, l'Eté, roman, Grasset, 1983, Prix Robert Walser 1984 (Bienne, Suisse) pour la première fois décerné à un romancier français.

Valet de nuit, roman, Grasset, 1986 prix Goncourt

Les Cercles d'or, nouvelles, Grasset, 1989

La Soirée, roman, Éditions Maren Sell, 1989 (épuisé), réédition de poche, Ed. Mille & Une Nuits, 2002

La Maison Traum, roman, Grasset, 1990

Images de l'Empire, roman d'un chroniqueur, Éditions Ramsay / De Cortanze, 1991 (épuisé), réédition 2001, Ed. Olympio, on line

Forêt Forteresse, conte pour aujourd'hui, La Différence, 1993

L'Affaire Grimaudi, roman, (en collaboration avec A. Absire, J-C. Bologne, D. Noguez, C. Pujade-Renaud, M. Winckler, D. Zimmermann), Éditions du Rocher, 1995

Peter Sis, l'imagier du temps, Grasset, 1996

Les attentions de l'enfance, récits, 1996, Éditions Bernard Dumerchez, prix de Picardie

Journal de vacances d'une chatte parisienne, Éditions La Goutte d'Eau, 1996 (hors commerce)

Déterrages/villes, poèmes, Éditions Bernard Dumerchez, 1997

Roxane, roman, Zulma-Calmann-Lévy, 1997

Graines de pages, proses & poèmes sur 60 photos de Claire Garate, Genève, Éditions Eboris, 1999

Regards, album, Éditions Blanc-Mesnil 2000, 1999

Alentours, petites proses, l'Escampette, 2001

Heureux mortels, nouvelles, Fayard, 20013

Poème d'Hiroshima, oratorio, Éditions Rhubarbe, 2005

Le petit chat de neige, nouvelles, Éditions Rhubarbe, 2007

L'amazone boréale, nouvelles, Éditions Le Grand Miroir, 2008

Figurations de l'amante, postface de Didier Bazy, Éditions de l'Atlantique, 2010

Mémoires du serpent, roman, Éditions Hermann, 2010

Petit vocabulaire de survie. Contre les agélastes & la timidité de la pensée et du dire, dictionnaire, Éditions Hermann, 2012

Préfaces

Les Degrés du regard, anthologie de poèmes de Nùno Judice, traduits du portugais par Michel Chandeigne, l'Escampette, 1993

La Araucana, de Alonso de Ercilla, traduit de l'espagnol par Alexandre Nicolas, UTZ, 1993

Traductions

Sonnets de Luis de Gongora y Argote (Ed. Bernard Dumerchez),

Les émissions qui lui ont été consacrées sont toujours accessibles sur notre site. / Une femme, un homme –


 

Christian Saint-Paul lit une note de lecture concernant « L’Arbre et le béton » de Jean-Paul Gavard Perret :

« Ce livre est un dialogue (presque) intime entre une femme et un homme qui s’écrivent afin de partager souvenirs, angoisses. Le tout avec finesse, sensibilité et surtout intelligence. Le livre devient une réflexion à bâtons rompus sur le sentiment de la nature en ce début de millénaire au moment où celle-ci se réduit — en particulier dans le territoire européen si étroit. 
Les deux « amis » au sens que Montaigne l’entendait n’en restent pas aux raisonnements d’usage. Le jeu — sans devenir « dangereux » prend la forme d’une badinerie où les deux auteurs se provoquent jusqu’à peut être se griser…. Toujours est-il que l’entretien lourd (ou léger) de sous-entendus se poursuit en méandres : le paysage se double d’autres visions picturales et littéraires.

Dans ce jeu et à chaque page, des surprises éclatent « de vipère en couleuvre et de Manet à Cranach l’Ancien. Sans oublier Gustave Courbet ». Finalement, le verdict semble donner la femme victorieuse. Mais là n’est pas l’essentiel. Les deux protagonistes effacent les ombres de l’âme en dépit des cubes de ciment où elle se love plus ou moins forcément. Le sentiment de la nature reste celui des deux auteurs. Ils l’éprouvent en ce qu’ils s’écrivent, ils s’écrivent pour la voir à la rencontre d’une nécessité vitale. Ils proposent des figures de sable ou de roc.
Entre force, gravité, ironie, dérision les causeurs libèrent l’esprit de tout ce qui l’encombre et mettent de la lumière sur le royaume de nos ombres. Preuve que la littérature reste l’avant-scène où parfois, à mesure que les lieux se délabrent, tout peut arriver encore. Qu’importe si l’hiver est rude et l’été caniculaire. L’ère du renonculacée est sans cesse annoncée puis retardée mais chaque rosier y a son fumier. Chaque être son pal, son palier, son espalier ».


 

Margo Ohayon sensibilise les auditeurs sur l’extrême importance que revêt la détérioration de l’état de nature du monde que nous habitons. Ce livre, qui reprend le dialogue qui l’a si profondément occupée avec son ami Michel Host, révèle en filigrane un message d’alerte. L’homme a la capacité mortifère de dégrader son environnement en asservissant la nature dans sa démesure du profit immédiat. Christian Saint-Paul cite l’exemple de la situation extrême de l’approvisionnement en eau en Californie où certains agriculteurs réalisent de juteux profits en vendant leurs droits à l’eau (situation juridique inchangée depuis la fin du XIXème siècle) aux grandes cités urbaines qui en consomment toujours plus. Les terres ainsi abandonnées forment de vastes friches qui deviennent désertiques.

La conscience d’un désastre imminent doit être entretenue. C’est dans cet esprit que ce dialogue a été pensé et publié. Mais le livre est avant tout un événement littéraire.

Les deux écritures, dans leur singularité, alternent, relancent toujours plus loin le dialogue, séduisent sans arrêt le lecteur. L’écriture de Margo Ohayon appliquée, concise, précise jusqu’à la méticulosité, qui constitue, - comme le reconnaît du reste Michel Host,- une succession de poèmes, interpelle avec un à-propos qui n’appartient qu’à lui, son alter ego dans le livre, l’écrivain, poète aussi, Michel Host, qui ne se départit jamais d’ironie, d’un humour, celui de la politesse de l’émotion. Cet échange donne à ce livre un ton jubilatoire. Nous sommes bien loin des ouvrages militants et donneurs de leçons des écologistes patentés.

La dénonciation est tissée de subtilités, d’émotions créées par deux langues virtuoses qui évitent tout affadissement, toute convenance rabâchée sur ce sujet majeur de notre époque : comment faire cohabiter dans l’harmonie « l’arbre et le béton ». L’humour, l’ironie, la dérision accouplées à la magnificence de la langue du poème, à l’enthousiasme de la célébration de cette nature qui nous échappe, parviennent, dans une réussite implacable, à tenir le lecteur en éveil dans le plaisir de sa lecture, et sans qu’il n’y prenne garde vraiment, en alerte.


 

Lecture d’extraits du livre, Margo Ohayon lisant ses textes et Christian Saint-Paul, ceux de Michel Host.


 

1. LE LABOUR

Une nature presque autobiographique fait partie de son corps. Parfois, elle lui semble avoir été inscrite dans sa chair, surtout en hiver. Les labours s’ouvrent, feuilles préparées d’un cahier d’écriture, sillons appuyés de la largeur des griffes d’un outil, couches brunes – les unes noirâtres, fraîchement retournées, empiètent sur des auréoles sépia plus sèches – , surface répandue à la craie blanche, souches en rang au fond d’une pièce découpée au ras d’un bosquet, sol gras où revenir briser les mottes, marge d’herbe le long des haies, bordure boueuse autour d’une mare, quadrillage de la herse aux lignes prêtes à se remplir. La terre attend dans sa matière d’être griffée. Elle parle au promeneur insolite, familier de la jachère où les mots, livrés à eux-mêmes, attendent le laboureur qui les rendra, en les travaillant, à leur matrice.

M.O. Le 20 / II / 14


 

2. LE VOYAGEUR ANGLAIS

Puis-je approcher dame Nature par le bief, par le déversoir adjacent du poème ? Par le sentiment qu’elle éveille en moi ? Il ne lui est pas favorable ce sentiment : je suis partie involontaire de ce que, à défaut d’imagi-nation, la philosophie appelle la nature en général, segment du monde physique donc. Je suis soumis à toutes ses lois, de la fatigue au sommeil, de la faim, de la soif, et aux autres cent et cætera que l’on voudra. Qui plus est, lorsque j’étais enfant, nous allions ramasser de blancs et tendres champignons des prés : c’était au point du jour, j’avais les pieds trempés de rosée, eh bien, non… eh bien oui… je la détestais l’herbe qui me jouait ce sale tour du plaisir-déplaisir. Puis-je affirmer, par conséquent, que j’ai plaisir à la Nature, à me trouver chez elle ? Pas vraiment… Mais parfois oui, lorsque les conditions sont confortables, à la manière des voyageurs anglais des siècles passés. La terre ? J’aime son odeur, ni mâle ni femelle, mais puissante, singulière. Surtout dans le vin.

J’ai horreur qu’on la maltraite, la bourre des produits tranquillisants de l’agriculteur accablé par les dettes et pourchassé par les banques. J’ai seulement commencé à comprendre la terre grâce à l’amour des animaux : de ma chair à celle du chien encore regretté de mon enfance, c’était la même chair, la continuité, l’alliance du vivant et du vivant, du périssable et du périssable. Je ne parle pas de l’ensorcellement des alouettes. La jachère, oui, c’est le mieux, et les bosquets, les haies, les taillis… surtout s’ils sont peuplés de lièvres et de lapins. Je tiens à dire que je ne possède pas de fusil.

M.H. Le 1er / III / 2014

 

35. L’ABATTOIR

Parfois, d’une bétaillère étaient descendues de force des vaches, que des hommes tiraient par une longe.


 

À l’aller…


 

Au bord de la route, sur un vélo rouge, lui tient le guidon, elle, sur la barre transversale, est assise.


 

Par moments des stalles cintrées monte un meuglement.


 

Arrêtés au milieu du porche, ils regardent.


 

Personne ne fait plus crisser le gravier de la cour.


 

En face, une ouverture donne sur un couloir sombre, le couloir de l’abattoir.


 

Ils sont deux ou trois hommes dans l’encadrement à hisser par une patte à l’aide d’une grosse corde et d’une poulie un bœuf bientôt pendu, les naseaux en bas.

Maggy s’avance, pose le baquet sur le seuil, en se méfiant d’un coup de corne.


 

À distance, ils restent tous les deux soudés à la bicyclette.


 

Les hommes en blouse et bras de chemise sont de dos. La bête se découpe dans le chambranle.

Maggy s’affaire sur le trottoir qui longe la façade.

Soudain du sang gicle à flot du cou de l’animal beuglant qui se vide dans le baquet avec des secousses transmises à la corde qui tressaute.


 

Sur le vélo, ils restent, là, immobiles, et la victime aussi bientôt ne remue plus.


 

Au retour…


 

Maggy, pas loin de son seau, nettoie au balai-brosse par terre, un homme asperge à grande eau devant les bâtiments.


 

Une autre fois…


 

Sous le grillage de l’abattoir, des morceaux de mou rosâtres se déversent dans le ruisseau.

Cet été-là…


 

En vacances, un Parisien scandalisé photographie en couleur des viscères sanguinolents qui surnagent, parle de les montrer à un journal.


 


 

Haut-le-cœur !


 

C’était avant les années soixante.


 

M.O. 05/ I/ 2015


 


 

36. À LA FIN, C’EST ELLE QUI GAGNE

 

D’où vient, cette faiblesse de tenir aux chats au point de les aimer ?

Par hasard, n’aimeriez-vous pas les chiens, les perroquets, les kangourous ?

Ce que j’aimerais, c’est être en état de plaisanter avec vous : l’idée d’un kangourou dans le salon, dans mon atelier d’écriture privé, et voilà mes neurones en surchauffe, prêts à toutes les gambades et fantaisies !

Lâchez-les, vos neurones ! Pourquoi les tenez-vous en laisse ? Que se passe-t-il de si terrible ?

Cette question ! De vous qui m’avez décrit l’égorgement du bœuf… la fascination, qui veut dire l’épouvante… et ce photographe qui photographie et parle de « montrer » ? Est-ce qu’on montre l’in-montrable ?

Eh bien quoi ? Vous ne me dites rien de plus ?

Nous avions quatre chats, et trois sont morts, il n’en reste qu’un, le chat blanc et sourd venu de Nijni-Novgorod. Pour être exact, les trois disparues étaient des chattes : Artémis, Nejma, Tanit.

Les chattes sont mortes. Prétendiez-vous les en empêcher ?

Non, certainement pas. Mais je ne m’y attendais pas et le voulais moins encore.

Croyez-vous avoir jamais eu le pouvoir de contraindre la nature à ne pas être ce qu’elle est ? Celui de la soumettre à vos désirs ?

Non, bien sûr.

Alors ? Quoi d’autre ?

Je ne sais pas. Je ne sais plus rien. N’est-il pas étrange que ces trois chattes se soient éteintes dans une identique période de leur existence, dans leur treizième et leur quatorzième année ? De trois maladies que je crois proches : cancer du sang, cancer du foie, leucémie aiguë. Trois formes de cancer, il me semble. Comme si le mal était dû à des causes très circonstancielles, lié à la nourriture semi-industrielle que nous leur donnons, à l’air saturé d’impureté qu’elles ont respiré, à la vie étroite et si peu naturelle que les hommes leur font mener. Je me sens et me crois coupable de leur disparition. Et toutes les trois sur la table d’examen de la vétérinaire. Seule la mort d’Artémis fut terrible ! L’aiguille dans le cœur ! Oh, l’aiguille. Cet homme, car c’était un homme, un intérimaire, n’aimait pas les chats.

Celle de Nejma ?

Horrible, mais un dixième de seconde seule-ment. Pour Tanit, un glissement lent dans le néant. Danièle prétend qu’elle avait tout compris, qu’elle savait… par instinct et intelligence des choses et de nous deux, et de son propre état. De plus, nous ne soupçonnions pas la gravité de sa maladie et ne l’avions apportée que pour un simple diagnostic. Tout cela est si étrange, absurde, et tellement douloureux.

Je comprends. Aucune parole ne réconforte ni ne console. Il vous reste le chat de neige, Snijok, si j’ai bon souvenir. C’est un fait.

Sans vouloir faire le malin, je m’attends à la même chose, au pire par conséquent. Ce sera l’affaire de quelques années, j’en sais le nombre. Après lui, plus de chat !

Vous ne pouvez rien prédire.

J’ai les cendres des deux chattes, dans leurs urnes, elles seront mises en terre près de la boîte où j’avais couché Artémis, dans ce jardin de Bourgogne qu’elles aimaient tant. Mon sœur se serre. Elles étaient des petites personnes, de légères âmes errantes, aimantes…

Laissez. Pas de ce pathétisme des mots qui ne changent pas les choses.

Vous avez raison. À la fin, c’est toujours elle qui gagne.

Oui, elle aura aussi le kangourou, et nous avec !

 

M.H. Le 31 / I / 2015


 

 

 

Félicitations à Alain Kewes de nous offrir dans le catalogue des éditions Rhubarbe « L’arbre et le béton » !


 

 
 


 

 

Brigitte

 

 Maillard

 

27/07/2017

 



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Christian Saint-Paul signale la parution aux éditions Rhubarbe de :

« L’Arbre et le béton De la nature des choses, des choses de la nature Dialogue » à bâtons rompus entre Margo Ohayon et Michel Host sur le sentiment de la nature en ce début de XXIe siècle. 110 pages ; 12,00 €


 

Une femme, un homme, s’écrivent et partagent leurs souvenirs, goûts et craintes au sujet de la nature. Celle qui disparaît sous les assauts du béton et du progrès autoproclamé. Très vite, on comprend qu’autre chose est en jeu. Ces deux-là se cherchent, se provoquent, piquent et s’esquivent, sous-entendent et digressent, tendant leurs filets, de paysages réels en représentations picturales et évocations littéraires. Leur correspondance prend alors l’allure d’une danse de séduction ou d’un duel à fleurets mouchetés. C’est que la nature est vaste et réserve bien des surprises, de vipère en couleuvre et de Manet à Cranach l’Ancien. Sans oublier Gustave Courbet... Quand bien même chacun sait qu’à la fin, c’est elle qui gagne car c’est aussi cela, la nature des choses.


 

Une émission sera prochainement consacrée à ce livre.

*

L’émission est ensuite consacrée à l’invitée : Brigitte Maillard.

Elle nait en 1954 au Congo Brazzaville. Après des études de lettres elle devient comédienne, assistante sociale en protection de l’enfance, pigiste, formatrice en relations humaines et communication. C’est en 2000, après un accident de la vie, qu’elle s’oriente vers l’écriture et le chant. La poésie deviendra son chemin d’éveil.


 

Auteur interprète, membre de la SACEM, elle donne concerts et lectures publiques, enregistre son premier cd Incertitude en 2011, reçoit le prix de la chanson poétique attribuée par l’Académie des Jeux Floraux en 2011.


 

Elle fait paraître des Livres d’artiste en collaboration poésie / gravure

La beauté à l’air libre Serge Marzin, Atelier Awen «  Traces d’empreinte » 2016

Chant de nuit Denise Pelletier Atelier Engramme - Québec  2015

Réminiscences Denise Pelletier Atelier Engramme - Québec  2016


 

Elle crée le site Monde en poésie, pour que vivent la poésie, le monde et les mots pour le dire, une émission radiophonique - rencontres d'auteurs : Stéphane Hessel, Zéno Bianu, Bernard Sichère, Maximine ... sur Aligre FM saisons 2010 et 2011 et participe dans le Finistère à la création et l’élaboration du Festival des arts et de la parole Eclats de vers dont elle sera la marraine en 2014.


 

Auteur de La simple évidence de la beauté Atlantica 2011 réédité en 2016 aux éditions monde en poésie

Soleil vivant soleil préface Michel Cazenave Librairie Galerie Racine 2014

A l’éveil du jour Monde en poésie éditions 2016.


 

On la retrouve sur les sites :


 

Monde en poésie http://www.mondeenpoesie.net/

Brigitte Maillard http://www.brigittemaillard.net/

Site Monde en poésie éditions http://mondeenpoesieeditions.blogspot.fr/


 

Poésie/ lectures


 

Un rendez-vous régulier se met en place avec la médiathèque des Ursulines à Quimper, Poèmes du jour, lectures de poésie contemporaine


 

Poésie et gravure


 

Ont paru deux livres d’artiste, des livres d’art, Chant de nuit et Réminiscences avec Denise Pelletier graveur Atelier Engramme, Québec. Réminiscences est exposée du premier avril au 22 mai à Rambouillet :

« Délires de Livres 2016 réuni 66 Artistes du Livre venus des 4 coins du monde: Australie, Belgique, Canada, Chine, France, Grèce, Italie, Usa....Près de 100 œuvres. D'une grande diversité, souvent inattendues et surprenantes feront de cette manifestation Délirante un beau moment de découverte. Tous ces petits et grands trésors seront hébergés dans le tout nouveau « Pôle culturel la Lanterne » à Rambouillet durant près de deux mois. »

http://www.mondeenpoesie.net/2015/11/chant-de-nuit-livre-dartiste-gravure-et.html

http://www.mondeenpoesie.net/2016/03/reminiscences-leveil-du-jour-denise.html


 

Un nouveau livre d’artiste, livre d’art La beauté à l’air libre verra le jour d’ici deux mois. Avec le graveur Serge Marzin Atelier Awen «  Traces d’empreinte » 2016

http://www.mondeenpoesie.net/2015/04/la-beaute-lair-libre-brigitte-maillard.html


 

Poésie et chansons

Elle poursuit l’écriture de chansons en prévision d’un nouvel enregistrement qui pourrait voir le jour en 2017.


 

(pour découvrir son premier Cd INCERTITUDE de quatre titres 2011 – c’est par ici http://www.deezer.com/album/528999 ou par là https://myspace.com/brigittemaillard )

  

Le projet sur lequel elle travaille en ce moment est la sortie d’un nouvel opus Temps de Rêves avec le musicien Hervé Lesvenan, Arsy’s – enregistrement prévu fin aout 2016, sortie du CD dans l’hiver


 

Un livre d’artiste La beauté à l’air libre avec le graveur Serge Marzin ( Bretagne) Travail en résonance de Serge Marzin autour de mon premier recueil, La simple évidence de la beauté . Sortie prévue fin mars. http://www.mondeenpoesie.net/2015/04/la-beaute-lair-libre-brigitte-maillard.html

Site de Serge Marzin http://buriniste29.blogspot.fr/

 

Un livre d’artiste Chant de nuit avec la graveur “ouvrière au noir”  Denise Pelletier ( Québec), création poésie et images.  Déjà paru hiver 2015 http://www.mondeenpoesie.net/2015/11/chant-de-nuit-livre-dartiste-gravure-et.html

Site de Denise Pelletier https://denisepelletier.wordpress.com/

Brigitte Maillard vient ce soir parler de son dernier livre : « L’Au-delà du monde » aux éditions Librairie-Galerie Racine, 48 pages, 15 € .

" L'au-delà du monde " est un recueil de poésie. Brigitte Maillard anime sur Agence Bretagne Presse la chronique hebdomadaire de Monde en poésie " Poème ". Déjà onze poètes invités. Une chronique à suivre et à redécouvrir en cliquant, à partir de l'article, sur " monde en poésie ".

« Saisir la vie au bord de l'univers. Ce voyage ne fait que commencer. La Vie nous y rejoint, sans l'accord des rêves. Un air inconnu. Une intuition libérée. Là où " il n'y a pas de forme, de son, de parfum de goût, de toucher ni d'éléments " dit Le Sûtra du Cœur. Un autre monde se dévoile. Avec le temps se dégage la réalité des représentations illusoires. La lutte est souvent rude contre la présence extravagante du Monde. C'est un renversement complet qui nous attend. Une formidable respiration.

L'au-delà du monde est une source de fraîcheur, un deuxième souffle, un secret inattendu. Je te touche du bout des doigts, la Vie. » nous dit Brigitte Maillard.

Et elle poursuit : « Notre sensibilité a besoin de prendre part au monde, de révéler de nouveaux langages. Il y a urgence aujourd’hui à laisser s’exprimer nos émotions, nos rêves, nos enfances, nos désirs, nos utopies… Monde en poésie, ce monde en vie au-delà des apparences. Un monde sensible à la croisée des arts. Notre humanité, nos humanités et La poésie plus fondamentale qu’une forme littéraire. Un élément vital « Une substance de vie » (ainsi la nomme Edgar Morin). Quelque chose d’autre coule dans nos veines, quelque chose qui ne demande qu’à être vu pour se dévoiler. Se dire en mots et en silence. Entre les mots, les visages, surgit soudain l’essence que l’on nomme poésie. 

« L’Au-delà du monde » est une poésie qui émerge des profondeurs et qui est la conséquence de cet arrêt, de cette fracture dans une vie tout à fait normale, qui est la rencontre avec la maladie. Cela a déclenché un désir violent de la vie, de sa connaissance et le besoin de la faire vivre. »

Cette posture en poésie rappelle à Christian Saint-Paul ce que Henri Meschonnic avait dit à Bernard Mazo en 2004 : « le poème est une invention de langage qui transforme le vie ».

Brigitte Maillard acquiesce à cette définition. Pour elle, la parole est un lieu de connaissance. Quand on cherche un autre un autre langage, celui différent de la communication de tous les jours, on trouve quelque chose de merveilleux qui est comme une autre langue et c’est à partir d’elle et avec elle, que l’on renaît à la vie. La poésie se révèle ainsi comme un passage vers cet inconnu, cette nouvelle vie, sa beauté.

Or, Meschonnic a écrit : « je passerai ma vie à ressembler à ma voix ». Cette tentative de ressembler à sa voix est précisément celle de Brigitte Maillard. Elle explique : « Je retrouve dans la création poétique, ce qui est en avant de moi, et cela me frappe à chaque fois. Ce sont de petits fragments qui remontent à chaque fois et ensuite il s’agit de les placer, de les organiser. Mais il y a des mots qui se sont imposés et que je ne comprends pas tout de suite. Il me faut plusieurs mois pour en saisir le sens. Il me faut alors du temps pour les mettre en recueil et encore du temps pour les dire.

Encore une fois, insiste Christian Saint-Paul, vous rejoignez Meschonnic qui écrit à propos de « Dédicaces proverbes » : « On dirait que le poème nous connaît plus que nous ne connaissons le poème. Et c’est lui qui nous fait plus que nous le faisons ».

« Un poète africain, poursuit Brigitte Maillard, que m’a fait découvrir Imassango, disait que la poésie était si intime qu’il ne peut la publier en recueils ; en revanche, il peut la déplacer dans ses romans. C’est l’intime qui m’intéresse. Je suis née au Congo et cette période de l’enfance est toujours en moi, inconsciemment. A côté de mes études d’assistante sociale, j’ai réalisé un travail de comédienne car j’ai toujours voulu comprendre ce que c’est que la création et comment elle se produisait à l’intérieur de moi. Je n’ai eu de cesse de chercher ce chemin là. Et dans les années 2000, la confrontation avec la maladie m’a amenée à un nouveau processus d’écoute de soi qui passe par la poésie. Il faut comprendre la vie face à ce mur qui est une prochaine destruction. L’inexorabilité de la mort nous offre la richesse de la réflexion. Ce face à face avec la mort, à nu, nous permet de lâcher prise et d’y aller pour mieux toucher la vie. »

Brigitte Maillard est aussi une femme d’action. A Quimper, comme il est mentionné plus haut, elle déploie beaucoup d’activités. Elle précise : « en Bretagne il y a , comme en Occitanie certainement, une écoute pour la poésie. Et à la médiathèque de Quimper, j’anime des pauses poétiques, collabore aux rendez-vous de Max, au salon de la lecture à Pont-L’abbé.

Lecture par l’auteure d’extraits de « Pour la simple évidence de la beauté », livre né de la rencontre de la beauté des plages d’Audierne.

Lecture d’extraits de « A l’Eveil du jour ».

Lecture d’extraits de « L’Au-delà du monde » :


 

Ecoute ce bruit fin qui est continu que l'on entend 

quand rien ne se fait entendre

Paul Valery Tel Quel II 1943


 



 

Au-delà du monde

Il y a quelque chose de grave et d’inattendu dans la vie.

Il y a un lieu dans le monde, certains diraient une utopie, où il n’y a pas… c’est un au-delà du monde.

Un fruit au cœur de l’arbre.


 


 


 

Nous avons le vent

pour chanter nos rêves


 

Descendre dans nos histoires

à la grotte profonde


 

Nous avons le ciel

pour éclairer la mer


 

La peau de nos cœurs

pour unique soutien

*


 

Éteins la lumière


 


 

(j’attends le monde

il ne vient pas)


 


 

Écoute le pas de la lune


 

(le pas

rien que pour ça)


 


 

Ne veux-tu pas

porter le soir 


 

danser au bel amour


 


 

J’aimerai tant que tu te souviennes

*


 

Pour que naisse le jour

tu verras la terre étrangère


 

à un détail près

celui de ton absence


 

(tu crois qu’on peut y aller ?)


 

Je ne sais pas


 


 

Allez marchons

disent les arbres


 

la Voie est libre


 


 

Ne plus vivre la vie

mais la vie devenir

*


 

Dans le bruit creusé par les feuilles

à la sortie des abbesses

je vois venir la douleur

le sang

les lèvres disjointes


 

Il y eut un peu trop d’horreur

pour que le bien s’y fasse


 

Donne-moi ta main


 

De cette grâce familière

ne veux- tu pas tenir le monde

jusqu’à plus soif

jusqu’à plus rien

*


 

Ne veux-tu pas


 

entendre vibrer les étoiles

regarder la traversée des désirs


 

Au-delà du monde


 

au-delà des nations


 

se reprendre dans le souffle


 


 

S’unir se réunir

de la terre au ciel

de l’animal à la joie

*


 

Brigitte Maillard revient sur la nature de cet « au-delà du monde » : « Il ya un autre monde mais il est dans celui-ci. C’est le fruit d’une expérience que je traduis dans ce livre.

Il faut lever l’ambigüité, l’au-delà du monde, n’est pas celui qui apparaît lorsque la vie est finie. Il existe dans la vie ! C’est la prophétie du poète, chère à Meschonnic. Toucher à l’essence même des choses par l’intuition, par les sens et en ressentir le sens.

Dans cet esprit, je reprends le Sûtra du Cœur, un texte bouddhique très court qui est psalmodié dans les temples du Japon. Il dit la vacuité dans laquelle on vit.

Lecture d’un extrait.

Allez au-delà dit le Sûtra. C’est une littérature qui nous ouvre profondément et dans laquelle on trouve un écho.

Le « il n’y a pas », c’est une sensation perçue une nuit où je me suis retrouvée avec des mots mais où il n’y avait plus rien. C’étaient les mots qui tenaient le monde. Il n’y avait plus que le vide et j’ai pris conscience que nous étions tout seuls avec ce qui n’existe pas. Ce fut un choc. Une autre réalité se faisait jour dans la vie elle-même. Je pratique la méditation libre, un yoga de l’esprit, qui aide à la création. Corps et parole s’aident mutuellement. « On m’a donné le corps et le monde » comme le rappellent bien des poètes et Adonis en particulier.

Lecture d’extraits.

Cet « au-delà du monde » est toute fraîcheur. Il y a en lui de la légèreté. C’est une atmosphère qui me surprend.

Mais, paradoxalement, cet intime du poème est vécu par l’autre ! D’unique, il devient universel. La poésie ouvre l’intime de la pensée à l’autre. Penser c’est célébrer.

La poésie est mouvement avant tout. Elle est liberté. Elle ne peut donc trouver de lieu où se poser. »

Christian Saint-Paul remarquant que le poésie de « L’Au-delà du monde » est comme pour les livres antérieurs, une poésie de sobriété, laquelle lui confère l’intensité, mais sans freiner la fluidité de la pensée et des images, Brigitte Maillard précise que c’est l’intuition qui guide, mais que le travail y a sa part.

Enfin, évoquant ses activités au sein des éditions « monde en poésie », elle fait valoir qu’elle prend son temps. Qu’elle procède pas à pas. Hors des convenances, dans une totale indépendance. Par exemple, elle a édité l’intégralité des œuvres reçues pour un concours, et pas seulement les textes primés.

La réalité, constate-t-elle, c’est qu’il y a du trop partout. Trop de livres. Comment ne pas s’y noyer ?

Je ne veux pas sombrer dans cette démesure, conclue-t-elle.


 

Jamais l’assertion de Paul Eluard : « Il y a un autre monde mais il est dans celui-ci », n’avait été aussi bien traduite. C’est une vraie attention au réel qui nous révèle cet au-delà. Et l’on y pénètre, comme toujours avec Brigitte Maillard, par la poésie.

Elle nous ouvre la voie de l’espérance, une de nos vertus cardinales.

 

 

 
 


 

Simone

 Alié-Daram

 

 

20/07/2017

 



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Christian Saint-Paul signale de nouveau la parution aux éditions Cardère du dernier livre de Marie-Françoise Ghesquier.

Née en 1966, elle étudie les Langues étrangères appliquées (anglais, espagnol) à l’université Lumière Lyon II où elle obtient sa maîtrise. Elle vit actuellement en Saône-et-Loire, près de Chalon-sur-Saône. Elle publie ses poèmes dans les revues Décharge, Comme en Poésie, Traction Brabant, Écrit(s) du Nord, Nouveaux Délits, Cabaret. Son premier recueil de poésie, Aux confins du printemps, est paru en juillet 2013 aux éditions Encres Vives.

À hauteur d'ombre avec des illustrations originales de Cathy Garcia fut son premier livre chez Cardère, (12 €).


 

Comment aller du noir vers le clair ?

Il y a bien la chouette comme un soleil blanc ancré dans la nuit.

Mais son cri effilé aiguise un cercle de musique où les notes glissent en silence.

*

Si seulement

les mots improvisés en étincelles

pouvaient creuser en nous le lit

d’une rivière souterraine

dont on entendrait le chant éthéré.

À portée de ciel,

la note bleue s’échapperait

dans les arpèges du soleil

qui font comme des cils très doux

entre les nuages.


 

la parole comme un cristal de sel

est le deuxième livre de Marie-Françoise GHESQUIER chez cet excellent éditeur.

Un livre de 82 p., illustré, noir et blanc, 12 €.


 

Cerceau du poème,

la parole tourne sur elle-même,

sans fin


 

Constellations de plumages noirs

en impression profonde

dans le champ clair de la lune.

Osselets lancés

dans le cercle sensible.

Quel avenir prédit

quand les corbeaux dédient

leurs signes d’onyx irisé ?

Respiration de craie

criblée de pupilles.

Vol des corvidés jusqu’au vertige

en notes diésées pianotant l’utopie

sur la page encerclée.

Corps vidé de toute résistance

quand les plumes d’encre

restent bec cloué.

Lutte, ô pie, pour garder sous ton aile

l’ambivalence en noir et blanc.

*

Nous reviendrons dans une prochaine émission sur ce livre et cette auteure.

*

Colette Elissalde, fait paraître : « Bois flottés », préface de Gilles Lades Librairie-Galerie Racine, Paris, 60 pages, 15€.

Voici la note de lecture que lui a consacré le quotidien La Dépêche du Midi :

« L'image du bois flotté est symbole, celui du souvenir d'origine souvent lointaine resté à la surface et qui échoue, là où on ne l'attendait pas toujours. Flotté, charrié, sa forme s'est polie et transformée, prenant parfois une forme vivante (végétale, animale ou humaine), comme la poésie transforme par le verbe le passé vécu et l'avenir à vivre. La peinture de couverture de Claude Gouyaud est belle illustration du titre du recueil.

L'art de la poétesse Colette Elissalde est celui de l'ellipse, du non-dit qui suggère. Le critique André-Jean Lhopital ne se trompe pas en la plaçant dans le top 14 des poètes actuels d'Occitanie. Il loue le choix délicat de son vocabulaire. En poésie, les mots utilisés ne signifient pas la même chose que dans l'ordinaire. La polysémie réveille l'imaginaire, qui transcende le réel, essence de l'art poétique, loin de la prose descriptive.

Ici la poésie exprime la disparition de l'être aimé mais l'amour est plus présent que jamais, sublimé par l'absence. Les lieux et les saisons vécus ensemble sont rappels récurrents. L'océan bien sûr, lieu de la naissance et de l'amour. L'océan qui emporte et restitue : «suivre un bois flotté / jeté par l'océan / sur une plage neuve… au large / sont noyés passé et bois flottés / avec le présent / j'ai revu l'océan»

La nature n'est pas toujours consolatrice : «je cherchais sur la blessure à vif / un onguent dans la fleur du lilas / je ne savais pas encore / qu'il n'y aurait plus de lilas» et plus loin : «Le vent unifiait les jours et les nuits /…une branche de figuier/ abattue par le vent / allait mourir / et donner du fruit» La mort est venue implacable : «En un instant / tout peut-être cueilli / le sommeil / la douceur de l'âme / l'attente paisible de la nuit / un presque néant / plus sûr que le temps présent / plus grave que la page blanche».

Légèreté et gravité dans l'élégance du langage de la reine de la SABA. »

Colette Elissalde est née à Constantine en 1939. Elle s’intéressa tôt à l’écriture mais se passionna aussi pour l’histoire et l’enseigna en lycée. A sa retraite, elle se consacra à l’ écriture de la poésie. Encouragée par des succès divers, elle envisagea l’édition, et publia essentiellement à la Librairie-Galerie Racine.


 

La poésie a pris dans sa vie une place importante. Outre l’écriture, elle participe au cercle de poésie de l’Institut Catholique de Toulouse, fait des salons du livre et anime des ateliers où alternent musique et poésie. Elle est présidente d’une association culturelle très orientée vers la lecture.

Sa poésie est très intimiste, marquée par l’océan de ses racines et le retour sur soi dans le silence.


 

A lire : Assez de bleu dans l’ombre (Ed. Librairie-Galerie Racine, 2010), Ecorces du temps (Ed. Librairie-Galerie Racine, 2013), Ciel intime (Ed. N et B, 2014), Bois flottés (Ed. Librairie-Galerie Racine, 2017).

Voici la note de lecture de ce livre par Jean-Marie Corbusier :

« … Mourir donne du fruit, donne de la présence. Ne tenons-nous pas là l’essentiel de ce recueil, cette force à inverser l’ordre des choses pour nous les rendre à nouveau acceptées et acceptables, transformées en positif telle que l’image de la feuille morte est la condition d’un possible ensemencement. Long chemin, certes, pour parvenir de l’un à l’autre. Dans un langage simple et détendu, Colette Elissalde remonte le temps qui devient un futur, promesse d’autre chose, exigence que l’on demande à soi pour grandir, vivre une fois encore, dans un ici et un ailleurs cohabitant. Dans ces mots perçant de vérité, il me semble retrouver l’évidence « paysanne » devant l’impossible à changer mais qui projeté en avant peut redevenir signe de départ. Il s’agit d’une analyse sans détour, d’un état personnel qui refuse l’innocence, la rébellion. Ce qui sauve est cette proximité de ce qui vit, faune et flore, car la disparition d’un être n’est pas la disparition de la vie. Ce qui vit n’est-ce pas le prolongement de ce qui fut. La force des images tirées des choses ordinaires et vues donne lumière à ces poèmes qui en avant en arrière se lient dans un présent qui les dépasse. Beau lyrisme, contenu, maîtrisé qui ne se dit qu’au travers de cette vie de tous les jours, belle, forte et toujours dirigée, au bout de laquelle la présence surgira. Bois flottés qui emportent leurs souvenirs à la dérive pour qu’il en reste quelque chose quelque part. Recueil plus parlé qu’écrit parce qu’il s’adresse à une personne. La nature y tient la place d’un baume. Les mots justes soulagent. Il émane une pureté de ce recueil, un hymne à la vie, symphonie de fraîcheur qui nous conduit à un certain bonheur. » Jean-Marie Corbusier


 

Lecture de la préface de Gilles Lades et d’extraits du livre.


 

La mer avait pris des airs de deuil

les goélands s’égaraient

les rochers étaient défigurés

il y avait du danger sur le rivage


 

Mais une fois passé l’orage

l’horizon fut en plein éveil

la nature accomplie

les jours au plus long

dans la ronde de la Terre

les oiseaux marins revinrent

les corps s’étiraient sous le soleil

*

Une prochaine émission sera consacrée à Colette Elissalde.

*

Enfin, Christian Saint-Paul revient sur le livre de Jean-Pierre Denis « Tranquillement inquiet » poésie, aux éditions Ad Solem, 140 pages, 18 €, livre salutaire s’il en est, dans une époque où les certitudes font loi et où le fanatisme sévit.


 

Certains pensent

Qu’il faut vivre

Avec son temps

Comme chien en laisse


 

Sortant le soir

A l’heure prescrite

Pour promener

Son maître


 

D’autres espèrent

Que leur reviendra

La dernière réplique

De la pièce


 

Plus ou moins

Tragicomiques

La plupart croient

Avoir raison

*

Une prochaine émission sera consacrée à Jean-Pierre Denis et à ce livre.

*

Christian Saint-Paul reçoit ensuite son invitée : Simone Alié-Daram, maintenant familière des auditeurs de Radio Occitania et qui vient présenter son dernier livre : « Dialogues d’outre nuages » poésie,

Copy media 2017, 40 pages, 12 €, à commander chez l’auteure : daramalie@gmail.com.


 

Il existe des similitudes de fond entre le livre de Colette Elissalde « Bois flottés » et celui de Simone Alié-Daram « Dialogues d’outre nuages » deux poètes par ailleurs amies et toutes deux membres du Cercle de Poésie de l’Institut Catholique de Toulouse. Car les deux auteures ont vécu des expériences similaires, celles du deuil de l’époux et de la disparition d’êtres que l’on avait chéris.

C’est pourquoi Christian Saint-Paul débute l’entretien par une citation d’Hölderlin : « Qui marche sur sa détresse grandit ».

Acquiesçant à la formule d’Hölderlin, Simone Alié-Daram ajoute : « Si tu la piètines, elle n’existe plus. Comme tout ce que j’écris, en ce qui me concerne, disparaît de mon esprit parce que c’est écrit. L’écriture est une catharsis. Il y a un autre phénomène, c’est la création artistique et celle-ci ne vise pas celui qui crée, mais l’autre, le lecteur. C’est aussi un partage. Il existe trois façons de visiter un écrit : celui qui l’écrit, celui qui le lit tout bas et celui qui le lit tout haut. Cela fait trois créations. On peut lire un texte en y voyant un sens personnel qui n’est pas du tout une trahison de l’auteur. C’est l’énorme différence avec la prose où le sens est univoque. La poésie invite le lecteur à une création nouvelle. Cela explique en partie la fascination qu’exerce toujours la poésie.

Dans les deux derniers de mes recueils, il y a le deuil.

« Dialogues d’outre nuages » est un suivi d’un deuil familial, mais le livre est séparé en trois parties : le deuil pendant, le deuil un an plus tard et la reconstruction.

Ces parties tissent un historique du deuil :

« Tôt » « Tard » « Toujours ».

Lecture d’extraits de « Désinvolte Eros ».


 

Le premier jour sans

On ne se rend pas compte

Les murs pâlissent

Le rire a perdu ses grelots

Les concerti sont terminés

Les miroirs sont embrumés

Tu n'es pas là

Apprentie solitude

les fleurs ont perdu leur odeur

tu n'es pas là

Eternel veuvage

Comment peux-tu n'être pas là

Sans moi ?

*

Désinvolte éros

Éros diabolique

Qui égratigne l'agapè

Bouscule les tranquillités

Les griffes de pluie sur les carreaux brillent

Comme les pleurs de mon amant sur ses joues

Mes lèvres se gonflent sur les siennes

C'est l'heure du jamais plus.


 

La nuit bleuit les fenêtres

*

Lecture d’extraits de « Dialogues d’outre nuages »


 

TÔT

Ton fauteuil est sur un nuage

Mais est-ce bien stable

Un nuage

-Pas trop

Mais je vois tous les couchers de soleil

-Reste avec moi

Je veux que tu existes

Respirons l'air de la jetée

Fantôme de fenêtre ouverte.

*

TARD

Au dessus de cuisses labourées

Reconstruites à l’envie de peau cellulitique

Une erreur de meurtrissure

Un pubis graisseux incongru

Et le plein de seins lourds

Qui ont depuis longtemps

Oublié à quoi ils servaient

Le sans forme le boursoufflé

Les muscles réduits à des souvenirs perdus

Qui vivent dans nos peaux et frissonnent

Encore

Malgré tout

 

Un vent de palme

Glisse sur les pousses vertes

Des pins duveteux

Où sont mes yeux passés

Qui brillaient de vous voir

Vous mes hommes enchantés

Dont les arpèges sont gravés

Comme une dent incluse

Sournoisement pulsatile

Dans une peau ressuscitante


 

- Donne au vent qui passe

Toutes tes vieilles peurs

Tes branches à dépecer

Tes amours sont là

Qui te tiennent la main

Se posent sur ton cou

Et effleurent tes lèvres

Le soir


 

- Je creuse pour toi les rigoles

Et remplis d'eau les montagnes

Aime moi toujours.

*

Les poèmes sont souvent de petits flashs. Ces textes sont emblématiques de la posture du poète. Une lucidité paralysante, car la réalité se révèle dans sa noirceur et le regard qui finit par se poser au-dessus, vers ces nuages d’outre tombe.

« Les merveilleux nuages » fascinent Simone Alié-Daram.


 

Lecture d’extraits de la partie « TARD ».

Je dors sans rêves

J'ai oublié tous les printemps

Rembobiner

Pacte impossible

Imaginaire incohérent

Insoutenable angoisse


 

Heureusement dans les nuages

On ira

Oublier tous nos souvenirs.


 

Le monde tourne carré

Et à chaque soubresaut je bute

Pour occuper le temps que tu as laissé vide

Le vermillon limite

Un désert jusqu'au bout des yeux

Un ramassis d'éprouvés

Peinent à tenir debout.

*

Ensuite le décor se remet en place, poursuit notre poète. Dans le choc du deuil, les choses avaient complètement disparu. L’écriture traduit la pulsion psychique qui ramène l’existence des choses. Il faut sortir de la brume. Et alors, l’écriture peut être joyeuse. Le monde continue à exister. Il existera sans nous. Pour Simone Alié-Daram, c’est cela l’espoir. Le contraire absolu de Salvador Dali qui était furieux de devoir quitter ce monde qui pouvait tant le combler.

Le poète suédois C. Noorbergen affirme que « la parole poétique ne reste vivante que si l’espace symbolique se défait, se désunit jusqu’au déchirement. Par excès de tension psychique que la fureur verbale réalise. »

Il existe dans les poèmes de Simone, cette force, à défaut de fureur, que la tension du langage entraîne. Mais notre poète constate avec bonheur qu’ « elle finit bien chaque chose ». C’est le signe de son amour incommensurable de la vie.

C’est mon métier, insiste-t-elle, qui m’a beaucoup aidé à cela. Réussir à donner naissance à une vie, donne une force sans égal, se réjouit le grand médecin qu’est par ailleurs Simone Alié-Daram.

Ce côté scientifique du professeur en médecine, rejaillit dans ce livre, ne serait-ce que par sa décomposition en trois parties. Chaque chose a sa place pour être observée l’une après l’autre. Elle procède par ordre et méthode, comme au cours d’une consultation médicale. Mais le premier critère qui révèle que l’on est en présence d’une « bonne poésie », c’est le plaisir que l’on prend à lire les poèmes.

Et ce plaisir est évident dans ce livre. Plaisir de l’émotion mais aussi plaisir de ce que les mots renvoient comme images, mais comme idées aussi. Beaucoup d’entre-nous vont se reconnaître dans ses poèmes. Ils y trouveront leur émotion. C’est en cela que la poésie a une utilité pratique. Les amis de Simone lui ont avoué que, le soir, ils lisent quelques uns de ses poèmes et que cela leur fait du bien. C’est le meilleur des compliments !

Simone Alié-Daram informe les auditeurs qu’elle a un nouveau livre en préparation et lit quelques inédits.

Dans un des poèmes lus, il est fait référence au dôme de l’Hôpital Lagrave de Toulouse, qui lui fait songer au sein maternel, la première chose que retient l’enfant à sa naissance.


 

« Dialogues d’outre nuages » est un livre grave, mais la gravité convient toujours à la poésie. Il est aussi un livre où triomphe à la fin une certaine légèreté, celle de la sérénité et de l’espérance.


 

 
 


 

 

 

 

 

06/07/2017

13/07/2017

 

 



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Avant de se consacrer à son invitée, Christian Saint-Paul signale, en se réservant d’en parler plus longuement ultérieurement, la parution de quelques livres de poésie :

Isabelle Lévesque,

Voltige !

éditions L’herbe qui tremble, 2017.

Peintures de Colette Deblé. Postface de Françoise Ascal.

Voici quelle lecture en a fait Angèle Paoli :

« VIVRE ÉCRIRE | SANS TOURMENT »

« Une rêverie dansée ? Une chanson triste hissée à hauteur d’absolu ? Les trois vers de Guillaume Apollinaire, extraits de « Sanglots » et inscrits en épigraphe de Voltige ! — dernier recueil d’Isabelle Lévesque —, incitent à le penser. De même la peinture qui illustre la première de couverture. On peut certes imaginer une danse, un envol, une silhouette enlevée dans le mouvement tourbillonnant d’un manège. Mais on peut aussi lire dans cette danse l’expression d’une résistance, hanches déportées et bras levés vers le ciel. Peut-être même faut-il voir dans ce déport l’expression d’une supplication ?

Derrière cette silhouette tremblée de femme, on reconnaît aussitôt la créatrice Colette Deblé. Une autre silhouette féminine, du même rouge jaspe et entourée de la même nébuleuse étoilée, est insérée dans le recueil. Toutes deux renvoient à une céramique du peintre de Marsyas dont s’est inspirée Colette Deblé. La silhouette se nomme Thétis. Elle est la Néréide que Pelée a enlevée afin de l’épouser. Une légende corse prétend que les noces extravagantes entre la jeune beauté « au voile flottant » et son époux furent célébrées en mer, au large du Monte Genovese et des Agriates. Me reviennent aussi en mémoire les envolées lyriques de l’opéra vénitien de Francesco Cavalli : Le nozze di Tite e di Peleo (1639). La Thétis de Colette Deblé se tient, elle, accroupie sur ses talons ; torse tendu dans une torsion, visage au regard invisible tourné en arrière des épaules, bras écartés. Thétis résiste-t-elle en un ultime effort à l’assaut de Pelée ? Ou bien s’est-elle résignée à le suivre ? Impossible d’en décider de façon affirmée, même si l’intitulé de la toile révèle l’épisode qui précède les noces: Pelée s’empare de Thétis. Quelques vers de L’Iliade laissent échapper la plainte de Thétis. La divinité marine s’épanche sur son sort, elle qui s’est vu imposer par Zeus un époux qu’elle ne désirait pas. Ainsi la violence a-t-elle présidé à ses épousailles. Mais l’amour n’est-il pas en soi une forme de rapt ? C’est peut-être le récit d’un rapt amoureux, mais un rapt consenti, que le recueil Voltige ! va dévoiler pour nous. 

Dans son chemin de lecture, le lecteur croise d’autres silhouettes de femmes. Une Allégorie de la Paix d’Amiens (1802), réalisée par Pierre Lacour (1745-1814) ; une silhouette accroupie inspirée par l’artiste Elina Brotherus (Model Study) ; celle, très enlevée, de la duchesse d’Angoulême, d’après la toile du Baron Antoine Jean Gros (1771-1835) : L’Embarquement de la Duchesse d’Angoulême à Pauillac. Silhouettes ailées de femmes qui s’élancent, détachées de leur histoire, pour rejoindre l’éternelle légèreté de leur danse. Celle-là même qui préside à leur envol absolu.

Voltige ! Vers quelles cimes la poète veut-elle entraîner sa suite ? Faut-il voir une incitation à un envol neuf ? Après l’idylle, l’abandon. Après le doler, un chant nouveau ? Le recueil de la poète est-il le récit d’une expérience de l’intime ? Un épithalame en l’honneur de l’amant ? Peut-être tout cela mais aussi affirmation d’un chant fondateur pour la poète :

(Je suis

coquelicot.)

[...]

Restent les mots du poème pour dire le froissé éternel du coquelicot. La passion secrète qu’il porte en lui. Et ce désir irréalisable qui taraude et qui creuse l’écriture :

« Vivre écrire — sans tourment

pure perte

pétales nus loin des blés. »  »

Angèle Paoli 

*

Le poète Jean-François Mathé, dans l’excellent site revue-texture de Michel Baglin a signé cette note de lecture :

« « Voltige ! » Un seul mot dont le point d’exclamation fait un impératif. Injonction à qui adressée ? A l’auteure elle-même ? A l’amant évoqué dont on hésite à décider s’il est du présent ou du passé ? Injonction à l’amour en tout cas, qui est comme l’art de la voltige aérien et complexe.

Les poèmes d’Isabelle Lévesque ne se livrent pas, serrés, elliptiques souvent, mais ils s’ouvrent comme poussés par la pression violente qui les habite ou comme appelés par les voix de la nature et de l’amour, les deux ne faisant souvent qu’un :

« Pour te rejoindre, j’écrirai le pas la menace

et tes lèvres, mes yeux s’attachent et tremblent.

Sous mes paupières l’été fou,

toi nu, torrent. »

Chaque poème est un surgissement de saisons (surtout le printemps et l’été), d’éléments naturels créateurs de ferveurs, d’état de l’être portés à leur paroxysme : « La terre connue nous étonne

à chaque pas. »

ou :

« Les fleurs n’avaient qu’une ombre

Nous étions seuls, ivres légèrement,

trop de couleurs nous égaraient

dans le souffle de l’été… »

Le coquelicot, fleur fétiche d’Isabelle Lévesque, est omniprésent dans le livre. Métaphore du sang ? Du cœur ? De la poète elle-même ? Qui écrit :

« Je suis / coquelicot »

Le coquelicot est-il comme l’être humain, par sa texture, fragile ? Est-il, par sa couleur vive, comme l’être humain, fort ? Est-il, pris dans le vent, l’image de la danse à laquelle le titre du livre invite ? Certainement tout cela à la fois, ou l’un ou l’autre selon les variations de l’âme et des sentiments.

Quoi qu’il en soit, tous les poèmes créent une tension vers la passion de la vie, de la nature que les mots pénètrent pour en atteindre le cœur-coquelicot, aussi une tension vers le récit tronqué d’une aventure amoureuse dont nous sont offerts des éclats, des bribes intenses qui préservent le secret de l’ensemble de l’aventure.

A travers ses évidences et ses énigmes, cette poésie dit l’exigence de vivre au plus haut de soi, de ses sensations, de ses attentes et de ses désirs :

« Gestes, souffle, prières, rester, poursuivre,

garder la fièvre. »

Toutes les peintures de Colette Deblé qui ponctuent le livre redoublent ces vers et l’ensemble des poèmes : figures de femmes en mouvement et rendues ardentes par la couleur rouge qui les habille jusqu’en leur nudité. Et parmi ces figures de femmes, gardons celle que l’auteure dessine d’elle-même :

« Je suis perdue partout,

bribe folle, herbe nue dans le soir. »

Il n’y a jamais conquête de la plénitude, seulement sa quête et la complexité de ses chemins.

Jean-François Mathé

*

Jean-Pierre Denis

« Tranquillement inquiet »

éditions Ad-Solem, 18 €

Jean-Pierre Denis est né à Toulouse en 1967. Journaliste et essayiste, directeur de la rédaction de La Vie, il a publié plusieurs essais, dont Nos enfants de la guerre (Seuil, 2002) et Pourquoi le christianisme fait scandale (2010). Ses deux premiers recueils de poèmes, Dans l'éblouissant oubli (2010) et Manger parole (2012) ont été remarqués par la presse littéraire.

Il a réalisé un film d’une intensité dramatique inoubliable : Ici-bas

Fin 1943 sous l'occupation, Sœur Luce, une religieuse à la dévotion et au dévouement exemplaires, est infirmière à l'hôpital de Périgueux. La rencontre d'un aumônier, Martial, passé dans les rangs du maquis et à la foi profondément ébranlée, bouleverse son existence. De l'amour du Christ à celui d'un homme, S?ur Luce vit une passion pour laquelle elle finit par quitter le couvent et ses s?urs. Mais elle se heurte vite au mur de la réalité et des passions. Trahie, S?ur Luce se sent abandonnée des hommes et de Dieu? Un matin, à la Poste centrale, des employés membres d'un réseau de la Résistance interceptent un courrier anonyme à l'adresse de la Kommandantur?

«Tranquillement inquiet» : ce nouveau recueil de Jean-Pierre Denis tient tout entier dans cet oxymore. Attitude en même temps qu'interrogation, il veut dire l'ignorance que nous entretenons au sujet de nous-mêmes. «Sens de la vie», «but de l'existence» ; si nous aspirons au sens et à la clarté, c'est parce que nous nous trouvons pris dans une contradiction fondamentale, comme un chaos originaire dont il faut nous dégager. Ce chaos, c'est nous - c'est le «moi» pascalien posé comme un masque sur notre visage véritable. Sans complaisance, Jean-Pierre Denis s'attache à faire tomber ces masques.

L'espace ouvert par l'écart des «paumes plus ou moins jointes» constitue le creuset de ce recueil. Son secret aussi. La parole poétique vient nous inquiéter «tranquillement», mais profondément, et non sans une certaine désinvolture (remède au «sérieux» derrière lequel nous nous cachons). Elle nous invite à l'imprévu - à commencer par ce que le souci de nous-mêmes cache trop souvent à notre regard: notre vie.

Une émission sera consacrée prochainement à ce livre.

*

Christian Saint-Paul lit de larges extraits de :

Obstinés à la vie, chassés du paradis

de Beatrice Bouffil & Joan Jorda

Editions De La Sybille

72 pages, 27,00 €


 

Obstinés à la vie, chassés du paradis est le fruit d'une Alliance entre deux artistes, Béatrice BOUFFIL et Joan JORDA, le poète et le peintre, accordés au même rythme. Le peintre catalan, Joan Jordà, républicain espagnol né en 1929 a choisi d'accompagner les textes de Béatrice BOUFFIL, poète, née en 1956. Ce livre est issu d'un petit carnet dans lequel Joan Jordà a peint les motifs que les textes de Béatrice Bouffil lui ont inspiré. C'est en résonnance poétique que les deux voix et les deux gestes se sont accordés. Leur propos est de témoigner d'un monde où, sans en renier la violence, l'être humain résiste avec lucidité, qu'il soit héritier de son histoire ou porteur de son imaginaire. Des rivages de la Méditerranée et de ses mythes ou de celui de l'Amour, les artistes nous font voyager à la rencontre de deux univers singuliers. Obstinés à la Vie, Chassés du Paradis: 76 pages. Achevé d'imprimer à Toulouse en décembre 2015 sur les presses de l'Imprimerie Delort. Editions de La Sibylle [source éditeur]

Alliance entre deux artistes, Béatrice BOUFFIL et Joan JORDA, le poète et le peintre, accordés au même rythme. De « Résolution poétique » à « Méditerranée », des monstres de l'imagination aux harmonieux nageurs, chaque page touche au cœur.

La mise en page, la qualité du papier et des reproductions des œuvres sur papier de Jordà servent magnifiquement le travail commun.

Béatrice Bouffil est poète, née en 1956, vit et travaille à Toulouse. Elle est chef d’entreprise. Son œuvre poétique fait l’objet de parutions et lectures.

Joan Jordà est un artiste-peintre, de renom international, né à Sant Feliu de Guixols, Catalogne, en septembre 1929, émigré en 1939 avec les républicains espagnols. Joan est entré en peinture 8 ans plus tard et ne l’a jamais quittée. Ses toiles sont régulièrement exposées en Espagne et en France.

Cet artiste connaît l’exode à dix ans. En 1945 ses parents s’installent à Toulouse et dès 1947 il s’engage en autodidacte dans la peinture et ne peut compléter sa formation que de 1954 à 1957 à l’Ecole des Beaux Arts de la ville.

Joan Jordà est un des protagonistes majeurs de l’avant-garde toulousaine par sa recherche d’un authentique discours plastique, au geste neuf, ouvert, libre. Son art est une synthèse de multiples influences (cubisme, expressionisme, Art Brut, Cobra) mais aussi l’expression d’un langage personnel original, né du besoin de peindre, d’où découle un univers particulier.

Toute son œuvre est l’expression d’une douloureuse fêlure née de la guerre, de la misère, et du devoir de mémoire.

Ce livre a obtenu en 2016 le prix de poésie des Gourmets des Lettres sous l’égide de l’Académie des jeux floraux de Toulouse.

*

No guerra

Cambrés, profonds, calices ouverts, les rameaux ont atteint

un ciel mal prononcé. L’orage est avancé.

Devant tant de misères que faut-il espérer ?

Les sables ont émoussé les pas marqués sur terre

et les vents de travers ont déchiré les cimes.

Tout est sec, crevassé, les toitures brisées, les murs de marne

dure au soleil, éventrées.


 

Soudain jaillit la plaie, vibrante de nos sangs.

La guerre et le regard. L’enfant brun est à terre.

L’asphyxie d’innocents va frapper au hasard.


 

L’été n’existe pas. Pourtant beaucoup l’ont vu et sur leurs

peaux hâlées, des rayons vont tracer les larmes des fusils.

Il n’y aura pas de paix, les hommes crachent noir parce que

les hommes prient.

Dans la nuit étoilée se déplie la terreur, elle fait des filaments

de chair et de sueur dégoulinant aux crimes.


 

Il faudrait tous maintenant, une minute au monde, quelques

brèves secondes, que tous nous arrêtions.

Concentrés en un seul et pénétrant silence

pour ressentir en nous la mort d’un seul enfant.


 

Il faudrait tous ensemble quelques pauvres secondes fermer

les yeux, mourir, ressentir dans nos corps éprouvés, immobiles,

ce que serait crever de désespoir muet à la mort d’un petit,

le nôtre, l’être aimé. Quand notre main soudain se ferme dans

le vide. Le lit est dévasté, la place chaude et tiède maintenant

refroidit, nos têtes enfouies dans l’espace évidé pleurent à

l’infini d’une vie massacrée. Il y a ce sifflement, ce bruit sourd

et ce poids, la presse écartelant nos torses épuisés.


 

Une minute à peine contre la barbarie


 

Une minute à peine pour ne pas oublier ce que fut,

ce qui est : la joie, la joie de vivre pendant un bel été

et l’horreur de la mort et l’amour de la paix


 

Une minute à peine et nous serions sauvés

*

 


 

 

 

Bruno

Durocher

 

 

29/06/2017

 

 



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Christian Saint-Paul attire l’attention des auditeurs sur le

Festival Les Troubadours chantent l'art roman en Occitanie

du 28 mai au 29 octobre 2017.

C’est la12ème édition du festival Les Troubadours chantent l'art roman à Narbonne. Au programme, des concerts et des lectures poétiques dans 50 sites romans de la région Occitanie.

Notre Présidente de Région présente ainsi ce festival :


 

« Les Troubadours chantent l’art roman

Le festival Les troubadours chantent l'art roman fête cette année sa douzième édition. Tourné vers les cultures occitane, catalane et méditerranéenne, son objectif est de réduire les inégalités d'accès à la culture en proposant des concerts de qualité dans les zones rurales, tout en dynamisant notre riche patrimoine religieux médiéval. Plusieurs dizaines artistes, majoritairement installés en Occitanie / Pyrénées-Méditerranée, vont faire vibrer les vieilles pierres... Cette année encore, des créations originales, des concerts et conférences, ainsi que des performances de poètes, sont à l’affiche.


 

Ce festival correspond tout à fait à la politique culturelle de la Région : favoriser la qualité de la programmation artistique, veiller à son accessibilité partout et pour tous les publics, promouvoir le patrimoine exceptionnel du territoire, et stimuler la diffusion de nos langues régionales. Ce festival fait aussi résonner les valeurs de notre démocratie : l’art des troubadours, inventeurs et passeurs, porte des valeurs laïques et humanistes. Il démontre la vitalité de nos langues régionales, catalan et occitan.


 

En 2017, le festival a tissé des liens étroits de partenariat avec plus de quarante communes et collectivités territoriales en région, pour constituer un réseau de diffusion d’une offre culturelle de qualité dans des lieux qui en sont parfois éloignés. Cette volonté d'accessibilité s’affiche également par une politique tarifaire exemplaire.


 

Je souhaite à toutes et à tous un excellent festival, riche en découvertes et en belles émotions ! »

Carole Delga

Ancienne ministre

Présidente de la Région

Occitanie / Pyrénées-Méditerranée


 

Enfin, il semble que l’on s’intéresse de nouveau aux troubadours. René Nelli nous avait convaincu de leur importance avec son génial « Erotique des Troubadours ». Félix Castan n’avait cessé de nous le rappeler, Franc Bardou a continué de plus belle avec son énorme et indispensable travail sur Nelli. Et toute une vie consacrée aux troubadours de Gérard Zuchetto, l’instigateur de ce festival qui est aussi l’auteur et l’éditeur de l’ouvrage aujourd’hui de référence de la poésie des troubadours.

Nous disposons maintenant de :

LA TROBA, l'invention lyrique occitane des troubadours XIIe - XIIIe siècles. Anthologie commentée du Trobar

de Gérard Zuchetto aux éditions TROBA VOX

 


 

Gérard Zuchetto, spécialiste des troubadours et auteur de nombreux Cds et ouvrages sur le sujet nous emmène dans un voyage intemporel dans le creuset de la première poésie moderne de l’Europe depuis Guilhem de Poitiers jusqu’à Dante Alighieri.

110 troubadours, plus de 300 chansons en occitan avec les traductions en français. Une présentation du monde poétique, historique et géographique des troubadours et de la lyrique occitane, accompagnée d'un lexique du Trobar et de réflexions personnelles de l'auteur sur la re-création et l'interprétation musicales des troubadours aujourd'hui.

812 pages, broché, format 210x297 - Poids 2.300kg - dos 3.54cm

 

ISBN 979-10-93692-01-2 prix public 40 Euros

*

Christian Saint-Paul signale la parution aux éditions Ad Solem de « Steppe » de Nathalie Nabert


 

144 pages, 18 €

Le voyage a sur l'homme cet effet positif  de le détourner de lui-même pour mieux l'y ramener, enrichi d'un regard  neuf que le monde a traversé de son abondance et de sa diversité.


 

Après Carnets nomadesAethiopia et autres soleils, Nathalie Nabert poursuit son arpentage poétique de l'intériorité. Ce recueil se déploie dans deux registres : celui de l'horizon, rendu possible par les steppes de Mongolie, et celui de la montagne. Horizontalité et verticalité. Arpentage et ascension. Deux topographies - deux typographies : l'espace du monde se retrouve dans l'espace de la parole poétique, comme une réponse à cette injonction à «habiter poétiquement le monde». Non pas pour s'y installer, mais pour le traverser comme une occasion donnée pour se rejoindre au delà de soi-même. Après la lenteur du pas nomade et l'arrêt devant la beauté du soleil qui ne passe pas, l'espace des steppes donne l'occasion à la langue de Nathalie Nabert de traduire l'impatience d'un désir plus ancien que le temps.


 

Cavaliers aux visages

Grêlés de pluie.

Passagers du temps !


 


 

Nathalie Nabert est doyen honoraire de la faculté des lettres de l'Institut catholique de Paris.

Lecture d’extraits.

Lac de sel

Terre décharnée de sel et d’acacias

Où ne pousse que l’ombre menue

Des épineux,

Blancheur d’épeautre,

Rousseur d’automne,

Architecture de sel et d’herbes

Caressées,

Et si loin, la nuit fraîche !

*

Savane,

territoire des lions


 

Plaines savanières à l’étendue

Hostile,

Nous vous espérons habillées

De crinières

Où glisser des mains aventurières.


 

Bouquets d’herbes jaunes

Comme des queues de comètes !

*

Aigrette blanche dans

la Mangrove de l’île Chira


 

Tu es belle,

Souveraine de la nuit,

Aigrette immaculée

D’un jour,

Qui porte l’éternité

Sur tes ailes.


 

Neige ébouriffée

A la plus haute branche.

*

Dans un avant-propos Nathalie Nabert explique au lecteur la genèse de son livre, de sa posture poétique toujours issue de « cette même itinérance hors de portée de l’usure des habitudes qui a inspiré ce recueil, là où le geste quotidien, dans sa simplicité répétée, revêt l’éclat de sa radicale nouveauté et où l’entraperçu d’une crinière sublime les herbes froissées de la saison sèche. Aller à la rencontre de l’altérité pourvoit des précieux encens de la découverte qui donne aux mots leur pouvoir de dérouter et d’initier aux vérités ignorées.

Le poète et le voyageur se rencontrent dans le miroir des rivages insoumis. »

Le livre est accompagné d’un fourmillement de notes qui éclairent en permanence la lecture. Une riche poésie de célébration où le poème est tout à la fois, l’éloge, le témoin et l’inventeur du lieu : la steppe africaine.

*

Christian Saint-Paul signale également la parution de « Limite » d’Antoine Emaz aux éditions Tarabuste, 175 pages, 15 €.

Après Franck Venaille, Antoine Emaz est un autre choc dans la riche poésie de la deuxième moitié du XXème siècle et de notre début du XXIéme siècle.

Depuis 2010, nous attendions le nouveau livre de poésie de ce poète, virtuose de l’ellipse, de la densité et qui nous parle sans détour de la vie dans laquelle nous nous reconnaissons. Ce dernier livre, quelque peu innovant dans le style habituel d’Antoine Emaz, débute par sept textes en prose dont l’auteur a tenu à préciser qu’ils sont « non datés », puis les poèmes en vers suivent, datés, eux pour la plupart. Une mélancolie tranquille se faufile sans passion dans la lucidité implacable de ce poète qui renonce au ressentiment que nous offre surtout la vie ; pas de temps à perdre en lamentation pour celui qui sait qu’inexorablement « on va vers ce qui s’en va ».

Lecture d’extraits.


 

27.10. 2013 


 

autant ne pas

en vouloir

à on ne sait qui quoi

pas même soi


 

ainsi au moins

on marche à peu près droit

dans le vent qui divague

autour

comme un chien fou

et doux

*

écouter le frigo

le radiateur


 

il y a encore du bon à prendre

*

26. 11. 2013


 

de vieux poèmes reviennent

comme des berceuses


 

ce qu’ils portaient

de vrai

n’importe plus mais

seulement leur musique

leur trace sillon ou vers tranquille


 

presque plus rien à entendre

sauf le presque

*

dans ces moments

la poésie peut passer par

une brise qui bouge l’herbe

un soleil pâle

une main tendue


 

on entend le bruit d’une machine à laver

le tic-tac d’un réveil

comme de l’encore vivant

*

L’émission est consacrée ensuite à la parution du dernier volume de l’œuvre complète de Bruno Durocher (1919-1996) :

Les livres de l’homme

Les visages de l’homme

Tome IV

Album

Editions Caractères, (7 rue de l’Arbalète 75005 Paris, 01 43 37 96 98, contact@editions-caractères.fr)


 

Après le volume de poésie À l’image de l’homme au printemps 2012, après le volume de prose Les mille bouches de l’homme en 2013, après Métamorphoses de l’homme, rassemblant son théâtre et ses essais en 2015, les Éditions Caractères publient le dernier volume de l’œuvre complète de Bruno Durocher : Les visages de l’homme, album chronologique très richement illustré qui retrace sa vie et sa carrière littéraire.

Ces quatre livres rassemblés forment un ensemble exceptionnel pour découvrir ou retrouver l’âme et les mots de celui que Claude Mauriac appelait « le poète de l’Eternel ».


 

Nous suivons les chemins de Bruno Durocher :

« Je suis Polonais. Juif. J’ai vécu dans les camps. Je m’appelle en poésie Bruno Durocher. »

Celui qui se présente ainsi un soir d’octobre 1950 à Claude Couffon et aux jeunes poètes de Lettres Mondiales n’a pas encore trente ans. Ses années passées à Sachsenhausen et à Mauthausen ont changé son regard sur le monde. Pourtant, avec une espérance têtue, il n’aura de cesse d’ouvrir en grand ses mots sur une vie neuve et battante. Une vie à conquérir et à partager.


 

Il est né le 4 mai 1919 à Cracovie sous le nom de Bronisław Kaminski. Élevé dans le catholicisme paternel, il se convertira violemment au judaïsme de sa mère. C’est un jeune homme précoce, dévoré de poèmes. À dix-sept ans, son recueil Przeciw (Contre) lui vaut d’être appelé «le Rimbaud polonais». Pour lui, tout cela, très vite, sera histoire ancienne.

À sa sortie des camps, il va choisir la France. C’est en 1945 qu’il arrive à Paris. Quatre années lui suffisent pour écrire dans la langue de son nouveau pays. En 1949, Pierre Seghers publie ses premiers textes, Chemin de couleur. « Vous êtes un des nôtres », va lui dire Paul Eluard. Et sûrement pas des moindres…


 

Bruno Durocher est un des grands poètes de ce difficile XXème siècle. Mais il se veut aussi passeur. Cette même année 1949, il fonde avec Jean Follain, André Frénaud et Jean Tardieu, la revue Caractères dont il sera bien vite seul responsable. Elle deviendra aussi sa maison d’édition.


 

Bruno Durocher a publié les plus grands de ses contemporains. Son travail d’éditeur ne doit pas faire oublier son œuvre. Jérôme Garcin, en 1979 dans Les Nouvelles littéraires écrivait :

« Bruno Durocher possède plus d’une raison pour combattre, à coups de phrases cinglantes et nues, le silence et la nuit. »


 

Les visages de l’homme

Tome IV

Album


 

Comment retracer la vie de Bruno Durocher, son douloureux périple, son existence ensorcelée de mauvais rêves, franchie au gué des révoltes, des insensés espoirs? Comment rendre compte aussi de ses élans, de ses désirs, de ses bonheurs? Les visages de l’homme rassemble des photos, des lettres, des documents officiels, fragiles témoins de papier d’un passé haché. Il y a les livres, les mots, les poèmes de Bruno Durocher écrivain. Il y a aussi tout son travail d’éditeur. L’album est riche de

près de 600 illustrations et d’un index de dix pages où l’on retrouve les noms des plus grands : Lorca, Queneau, Jouve, Cocteau, Tzara, Pessoa, Delaunay, Picasso, Braque, Arp, Picabia, Villon etc...


 

Avec ce prodigieux album nous pouvons dorénavant explorer les souvenirs de Bruno Durocher, ses sentiments, l’infinie variété de ses doutes, ses certitudes fugaces. Dans une traversée de tout le XXème siècle.


 

Les livres de l’homme

Œuvre complète

Édition établie et dirigée par Xavier Houssin et Nicole Gdalia

Tome I : À l’image de l’homme. Poésie.

Post-face d’Albert Mingelgrün. 1034 p. 39€ (avril 2012)

Tome II : Les mille bouches de l’homme. Prose.

Post-face de Michał Obszynski. 668 p., 32€ (juin 2013)

Tome III : Métamorphoses de l’homme. Théâtre et essais.

Post-face de Guila Clara Kessous. Synthèse de Gary D. Mole. 608 p., 32€ (juin 2015)

Tome IV : Les visages de l’homme. Album.

Postface de Jadwiga Bodzinska-Bobkowska. 312 p., 32€ (mai 2017)

*

Les éditions Caractères publient également de Bruno Durocher :

le texte de l’adaptation pour une lecture théâtrale de La foire de Don Quichotte.

Cette lecture a été donnée le 22 mai 2017 au Théâtre de la Huchette à Paris.


 

Sur cette représentation exceptionnelle, Yves-Alexandre Julien écrit :

« Un jeune homme qui rêve…

 

Il faut du rêve à la poésie, et dans l’esprit d’un jeune homme lisant des romans chevaleresques, il est Don Quichotte. Socrate et lui décident de créer une foire anomique peuplée de rencontres érudites et de personnages du temps, de l’histoire et de la littérature.

 

De Cervantès à Giordano Bruno en passant par Dante Alighieri le choix des personnages de la foire n’est pas un hasard. Tous ont une forte personnalité , une vocation , un chemin de justice et d’altruisme à défendre.

 

Cette œuvre autant surréaliste qu’idéaliste ne néglige pas la gravité des choses de la vie : « La guerre, la guerre… l’étudiant ferma le livre, mieux vaut vivre ses chimères… ». Rien d’étonnant à ce qu’un des premiers récits d’un jeune homme parle de lui et de son autobiographie. Celle de Bruno Durocher c’est avant tout la vie de Bronislaw Kaminski jeune poète de 17 ans que le cénacle poétique polonais n’hésitera pas à qualifier de nouveau Rimbaud. Tout semblait porter ce jeune homme dans les rêveries nécessaires à la poésie. Mais l’invasion allemande en Pologne à Gdansk sur les bords de la Baltique l’enlèvera à ses amis ainsi que son œuvre "la Foire de Don Quichotte" qu’il avait lu au théâtre Cricot. Et dont les pages seront égarées dans cette furie amorale le conduisant lui et les siens dans les camps de concentration et principalement à Mathausen six années durant. [...]

Cette œuvre, qui à la base est un récit, n’est pas une pièce de théâtre à proprement parler mais est chargée d’assez de dramaturgie pour qu’elle puisse être lue sous cette forme au théâtre.

 

C’est le comédien Charles Gonzales, qui a interprété Camille Claudel sur scène et qui a fait des lectures du cantique des cantiques en compagnie de Marie Christine Barrault, qui a lu l’œuvre foisonnante d’érudition qui rend hommage à Bruno Durocher accompagné de musiques méditerranéennes interprétées par Joséphine Lazzarino, le tout mis en espace par Morena Campani.

 

Celui à qui on venait d’offrir une simple presse avec laquelle il va édifier cette belle maison de poésie, aurait assurément aimé qu’on donne à « La foire de Don Quichotte » un véhicule théâtral. C’est chose faite en cet hommage qui salue un parcours, une vie, une œuvre sculptée de douleur et de joie.

Le talent a ce regard là ! »


 

Ce récit écrit en 1938 en polonais, se voulant une libre rêverie surréaliste sur les visions du monde et de l’histoire, a été réécrit par Bruno Durocher de mémoire en français et publié pour la première fois en 1953.

Lecture d’extraits.

[ ...]

Et les guerres vinrent. Des guerres pour les femmes, pour les rois, pour la terre, pour les ambitions, pour du pétrole et du pain. Des villes entières mouraient noyées dans le sang. Les ruines et les décombres brillaient dans les rues de la Foire. Mais toujours quand on croyait que c’était déjà le fin du Temple de Don Quichotte, arrivait ce chevalier comme un baiser de paix, et de sa canne magique il remettait à nouveau tout en ordre.

Alexandre, César, Gengis Khan, Charlemagne et Napoléon étaient forcés de nettoyer les chaussures de Don Quichotte et d’essuyer le derrière de Belzébuth.

Voilà la Foire et voilà des milliers de fourmis autour d’un seul bâton, voilà la réalité fermée sous la coupole du ciel.

L’œuvre de Don Quichotte était plus grande que sa pensée et son romantisme trop faible pour combattre les passions, mais il était assez fort pour sauver l’humanité de la mort et de la haine continuelle. Car la Foire c’est l’œuvre des visionnaires amoureux et des marchands de visions.

*

L’émission s’achève sur la lecture de poèmes de Bruno Durocher. Tous ses poèmes sont repris dans le premier tome de l’œuvre complète :

« A l’image de l’homme ».

Les extraits choisis sont issus de son livre publié pour la première fois en 1976 « Gagner la lumière ».


 

Etre debout entre deux pôles

viril, tendu vers l’immuable et calme dans l’action

aller jusqu’aux limites de l’activité.


 

Les sensations inondent les yeux, les oreilles et la bouche

les passions piétinent le sol

tumulte furieux de folie

mais la clarté et la force de la grâce éveillent sa vigilance

et lui donnent la clef de la musique

flèche qui tue la bête.


 

L’animal meurt dans l’homme

le musicien est libre

il devient maître de la flamme.

*

Le dragon vaincu laisse le chemin libre vers l’amante

c’est la connaissance de l’être et du non-être

l’amour du fini et de l’infini

la démolition des limites

l’ultime libération.


 

C’est l’image du roi

c’est le royaume du père.

*

Je m’arrête toujours devant une feuille blanche de

papier comme devant l’endroit d’où doit jaillir

une source

je m’ouvre à la parole comme une femelle à la

semence

tout l’univers se fend de sa base au sommet

la plus lointaine profondeur de mon être se meut en

mouvement perceptible

Dieu parle

*

S’il y avait un poète parmi nous -- nous assisterions

aux miracles.


 

S’il y avait cent poètes parmi nous -- la face du monde

serait changée

car en vérité je vous le dis -- la poésie n’est pas l’art

mais une voix

qui jaillit du fond de Dieu.


 

Abandonnez donc les jolis mots, toute la matière qui

vous entoure,

ne dîtes plus moi, mais dîtes LUI et vous trouverez

la poésie plus claire

que la source de la lumière.

*


 

 
 


 

 

Rothenberg

 

   22/06/2017

15/06/2017

 

 



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Danielle

 CATALA.

 

 

 

08/06/2017

 

 



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Christian Saint-Paul signale la parution des derniers numéros d’Encres Vives, collection de poésie dirigée par Michel Cosem. Chaque numéro, 6,10 €, abonnement un an 34 €, à adresser à Michel Cosem, 2, allée des Allobroges 31770 Colomiers.

Le n° 466 d’Encres Vives est constitué du recueil de

Simon BREST : Des Étésiens,

Présentation de Michel Lac : Simon Brest (1935-2017). Cet homme tellurique, les pieds bien ancrés dans la terre, les poings fermés sur ses hanches, nous prodigue une noire tendresse. Sa langue cherche à approcher le réel, ses yeux grands ouverts à l'imaginaire. Et si son écriture charrie la matière et l'histoire des hommes, ses poèmes nés du siècle dernier traversent avec force nos aujourd'hui ténébreux. Quant à moi, Simon, « je promènerai ma veste vide en souvenir de toi » (citation de Simon Brest, extrait de Thermidor, éd. Avant-Quart n° 14, 1976).

Ce poète, qui avait tant marqué Christian Saint-Paul à son retour à Toulouse en 1965, par sa verve, sa force quand il disait le poème, en particulier au Cratère avec Michel Batlle. C’était vite devenu une figure mythique, avec Gaston Puel de la poésie de notre région qui ne s ‘appelait pas encore l’Occitanie. Il a publié en 1968 « L’Autre désert » (Subervie) et obtient le prix Ilarie Voronca pour cette œuvre, puis en 1974, le prix Antonin-Artaud pour « La Ville engloutie » (Le Cratère), dessins de Michel Battle.

Une émission spéciale sera consacrée à ce poète qui fut un phare, dès les années soixante, pour les jeunes gens épris de poésie.

Merci à Michel Cosem de nous redonner à lire « Des Etésiens ».

Pour qui vient

à la poitrine de l’âme

naît l’iris.


 

Le ciel charge

les près se versent

chaque arbre désarçonne son ombre.


 

Très loin

on sait les trains

cibler les sémaphores.


 

Tel chasseur visait au ventre

tel autre à l’œil

au neutre la proie.


 

Tel autre engrangeait des enfances

aux artifices des fusils

errant dans l’odeur titubante.


 

Tous sont morts décharnés.

Leurs noms perdus cherchent des noms hantés

dans la plus criblée des mémoires.

*

Un « Spécial Michel LAC » constitue le 465e Encres Vives.

La couverture est un « Portrait, technique mixte », 2001, par Jean Lafforgue.

Michel LAC est né le 26 octobre 1951. Directeur de publication de la revue Rivaginaires et dirige avec Marie Dadé-Brenjot les éditions Cadratins. Publications de recueils et dans des anthologies. Et les oiseaux immigrèrent (Remiremots, 1975) ; Motamort (Glyphes, coll. « Codes », 1982) ; Poèmes dans Au pays des mille mots : anthologie de la poésie française contemporaine (Milan, 1988) ; Passages (Caractères, 1993), Archipel nocturne (La Bartavelle, 1996) ; Motamort, 2e éd. (Glyphes, 1998) ; Le Vert oublié (Cadratins, 1999) ; Dans la blancheur du jour (Rafaël de Surtis, coll. « Pour une terre inconnue », 2000) ; Nos mains en silence (Rafaël de Surtis, coll. « Pour une terre inconnue », 2002) ; La Chambre des langues (Trident neuf, coll. « L'incitatoire », 2003) ; Poème dans Visage de poésie : anthologie T. 2 / Jacques Basse (Rafaël de Surtis, 2009) ; Poèmes dans Du plus nu de nos voix : anthologie (Rafaël de Surtis, coll. « Pour une terre inconnue, 2011) ; Elle, étrangère (Rafaël de Surtis, coll. « Pour une terre inconnue », 2014).

A Encres Vives :

L'Amer, la mer (Manuscrit, 1980) ; Im'âge (Encres Vives, 1984) ; 7 langues à user (Manuscrit, 1986) ; De nuit (Encres Vives, 1996) ; Trois terrasses s'étagent (Lieu, 1998) ; Lieu de l'entre (Lieu, 2003) ; À pas perdus (Encres Blanches, 2016) ; Une autre forme d’amour (Encres Vives n° 459, 10/2016).

La présentation de ce numéro Spécial Michel LAC est de Michel Cosem : « Il est rare de rencontrer un auteur comme Michel Lac qui demeure constant dans ses choix esthétiques et dans son rapport avec la poésie. C'est justement la poésie qui a été son épine dorsale selon les étapes et les à-coups de la vie. Ses recueils semblent être chaque fois des messages évidents sur le bord de la route. J'ai toujours apprécié cette écriture qui sous des abords faciles et familiers donne à réfléchir et à s'interroger sur sa destinée. Son objectif de dire le monde tel qu'il le voit ne s'encombre pas de recherches formelles même si l'on devine que cette clarté est bien le fruit du travail bien maîtrisé. Voilà donc l'occasion de faire le point pour aller encore plus loin. »

Sommaire : Dix sept fenêtres sur l'œuvre de Michel Lac, entretien avec Jacqueline Saint-Jean ; Notes de lecture à propos de quelques recueils choisis ; Bibliographie.

*

Le 464e Encres Vives est un recueil de Cédric LE PENVEN, « Variations autour d'un geste 2 ». C’est la suite du premier recueil de ce titre à Encres Vives dont nous avions rendu compte. Ce numéro fera aussi l’objet d’une émission spécifique.

Extrait :

C'est que ce geste

main posée

contre écorce

est devenu

main posée

sur le ventre

de ma femme enceinte

*

Après Encres Vives, ce sont les Editions Alcyone, Collection Surya qui sont citées dans l’émission avec :

« Journal de mon talus » de Françoise Vignet, 42 pages, 15 €.

Les textes sont accompagnés de la reproduction d'une aquarelle de Claudine Goux que nous avons toujours plaisir à retrouver depuis de nombreuses années.


 

Françoise Vignet est née en 1949 à Saint-Etienne (Loire). Devenue professeur de Lettres, elle a aimé exercer son métier, tout en voyageant en Europe et en Extrême-Orient. Le commerce des poètes l'a accompagnée tout au long de sa vie.

Retirée dans le Gers, "à l'écart du monde", elle a fondé en janvier 2011 "Vous prendrez bien un poème ?", feuille poétique qui s'adresse à près d'une centaine de lecteurs ‒ poursuivant ainsi le partage.

C'est là qu'elle a composé les proses de "Journal de mon talus", inspirées par la présence de la grande campagne. (Recueil nominé, sous une forme sensiblement différente, lors du Prix Troubadours/Trobadors 2014, décerné par la revue Friches, de Jean-Pierre Thuillat. Recueil qui a inspiré à Claudine Goux douze aquarelles.) Des extraits en ont été accueillis dans les revues Arpa, Décharge, Friches, Les Cahiers de la rue Ventura, Poésie/première.

Elle a été, de 2014 à 2017, membre du comité de rédaction de la revue Les Cahiers de la rue Ventura, revue créée et dirigée par Claude Cailleau. A partir de deux collages de Ghislaine Lajard, elle a participé à un livre d'artistes "Voyage autour d'un collage" et à une "Riche Enveloppe".

*

Extraits :

 

Le pays d’ici


 

Ici, la nuit est sombre, parfumée et la petite route, parfois inondée de lune pour une balade improvisée – la maison, posée au bord de la Voie Lactée.


 

 


 

Ici, l’on écoute le silence : bruissement de ce jet d’eau végétal qu’est le tremble, roucoulement des tourterelles turques, froissement d’ailes dans les feuilles touffues, appel plaintif de la hulotte, friselis des maïs séchés sous le vent…


 

Ici, la fenêtre ouvre sur un coteau brodé de vignes hautes et sur le méandre de la départementale, qui s’étire en pente douce vers le clocher.


 

Ici, les petits chemins mal goudronnés portent en leur centre une ligne herbue, parfois hachée, parfois ornée de touffes vertes, et, sur leur côté ensoleillé, un double feston, tout noir : l’ombre des fils du téléphone.


 

Ici, au détour d’un virage grand ouvert sur l’espace, c’est l’horizon à nu qui soudain vous saisit… et le cœur qui bondit !

*


 

Août

La porte s’ouvre sur la nuit. Et la fraîcheur soudain au visage me drape : exquis allègement.


 

Ciel gris blanc pommelé entre étoiles sur fond d’azur.


 

De ce côté-ci du silence, à l’ombre claire des arbres, repose un monde autre - présence souveraine.

*

Septembre.

A contre-ciel, le tremble ne bruit plus – ses feuilles d’or frais sur le pré vert éparpillées.


 

L’été s’en va contre un ciel bleu rosé. Lentement chutent les feuilles ensoleillées : cérémonie discrète, léger bruit sec. S’annonce le temps du dépouillement.


 

Tremble sois-tu – et de bois vert : à toi de bruire en tes feuillets.

*

Septembre

L’hiver a envahi la terre, celui qui glace et éblouit.

Bosquets de givre et ciels purs. Grand silence sans loups. Espaces lumineux où se coule le corps.

Peu à peu s’esquive la fatigue de l’âme.

*

Charles Akopian dans la même collection fait paraître : « L'Arrière-Vie », (Editions Alcyone, Collection Surya) 45 pages, 15 €.

Les textes sont accompagnés de la reproduction d'une peinture sur toile d' Arève (www.areve.fr)


 

Né à Marseille en 1948 de parents rescapés du génocide arménien, Charles Akopian s’éveille tôt à la poésie dans la ville des “Cahiers du Sud”. En 1965, il ose frapper à la porte de la célèbre revue littéraire et ressort de sa visite complètement transformé. Les poèmes de Jean Malrieu, Jean Tortel, Pierre Delisle, Gérald Neveu, Guillevic et les écrits de Joe Bousquet nourrissent son quotidien. Etudes à la Faculté des Lettres d’Aix-en-Provence (licence de russe). Il décide toutefois en 1972, après deux ans de bénévolat, de consacrer sa vie à la solidarité en actes : combattre un maximum d’injustices, partout dans le monde, s’impose à lui (en écho à la blessure-racine de cette injustice majeure qu’est la non reconnaissance du génocide arménien). Durant quarante ans il s’active, déclinant la devise du Secours Populaire Français : “Tout ce qui est humain est nôtre”.

Les poèmes, les recueils, se sont accumulés durant toutes ces années. Le temps de la retraite devient celui du retour à la poésie. Premières publications dans la revue La main millénaire, en 2016. Après avoir vécu à Marseille, Aix-en-Provence et quarante ans à Nîmes, Charles Akopian a choisi de rejoindre “son soleil” à Brest...

Extraits :


 

Et voici qu'on déchire

L'aile des papillons,


 

Qu'on allume avec le sang

Des leurres sur la route,


 

Stèles pour un dernier envol

Par-delà la verrière.


 

En plein été,

Le goût des levers de rideau

Invite les abcès à se vider,


 

Juste une étreinte

Entre des lignes brisées.

***

Parfois, défaire une ombre

Relève du combat avec le temps,


 

Est-ce une image, une éclaircie

Volée à de vains désirs ?


 

Au chevet de l'endormie,

Les plantes perpétuent

Une présence habitable.


 

Dans cette encre apprivoisée

Pour baliser le chemin,

Se rendre visible est une question

De survie.

***

Fouetter les courants d'air,


 

L'orage

S'impatiente de n'avoir

Point de fruits.


 

Pour river l'échange

Entre des yeux

Qui ne se voient plus,


 

Des guetteurs

Dépourvus de territoire

Cherchent à nier

L'usure du destin.

***

Choisir de ne plus répondre,

Est-ce une délivrance

Pour emprisonner l'autre

Dans l’évidence du déni ?


 

Et si un tel cynisme ne servait

Qu'à couper la route aux mots

Pollueurs de l'espace à préserver ?


 

L'amour sort ses griffes pour garantir

Au métissage une porte sur l'avenir.

***

Dévider l'écheveau par l'écrit,


 

Déjà le torrent régit le va-et-vient

Entre hier et aujourd'hui,

Et supprime les freins.


 

Tous les témoins font grappe

Et démêlent les contacts

Que l'isolement prophétise :


 

Ce qui se voit,

Ce qui regarde et sacre la relation,

La douceur à l’épaule.


 

L'haleine prend le large

Dans la résille des mots

Finalement acceptés.

***

Ces annonces faites, la parole est donnée à notre invitée, la comédienne, professeur d’art dramatique, et metteuse en scène, cofondatrice avec René Gouzenne de la Cave Poésie à Toulouse : Danielle CATALA.

Personne emblématique de la vie culturelle à Toulouse, elle est demeurée fidèle à sa passion de la langue catalane, de la poésie, du théâtre et de la littérature. Depuis longtemps la ville et bien au-delà profitent de sa générosité d’artiste de haut vol.

Elle dit son amour de la poésie catalane, cette langue qu’elle a tant plaisir à parler, qui fut longtemps pour elle, et pour ceux de sa génération de l’après guerre, une langue de combat. L’interdiction qu’en avait faite la dictature cruelle de Franco n’a réussi qu’à exacerber la catalinité du peuple, des artistes et des forces vives de Catalogne. Le catalan et l’occitan sont des langues proches, au passé commun et il est souhaitable que les catalans se fassent connaître et consacrer aussi en Occitanie.

La poésie occitane contemporaine est une poésie dynamique et il n’y a aucune crainte pour son avenir. Elle est représentée à l’Académie des jeux floraux de Toulouse, reprenant ainsi la tradition séculaire. Cette académie a, cette année décerné un prix de poésie à un poète catalan. Mais peu ont concouru. Les poètes de Catalogne doivent être honorés par la plus vieille académie d’Europe, celle de Toulouse.

Danielle Catala présente Salvador Espriu i Castelló pour lequel elle a une grande estime et admiration. Il est né à : Santa Coloma de Farnès en 1913 et mort à

Barcelone en 1985.

Salvador Espriu i Castelló est un poète romancier et dramaturge catalan.. Il fut proposé comme candidat au prix Nobel de Littérature.

Sa vie se partage d'emblée entre Barcelone, où son père est notaire, et Arenys de Mar, la « petite patrie » qu'il évoque sous l'anagramme de « Sinera » et qui restera liée, dans son univers intime, aux souvenirs d'une enfance d'abord heureuse mais bientôt marquée par le contact avec la mort, puisqu'il perd un frère et une sœur et manque lui-même mourir à l'âge de dix ans .Une santé précaire lui imposera toujours, d'ailleurs, une vie recluse.

Licencié en droit et en histoire ancienne, il se destine à l'égyptologie. Ses premiers récits sont un récit en prose (Israël, 1929), deux romans (El doctor Rip, 1931, et Laia, 1932) ainsi que des nouvelles.

Pendant la guerre civile, il s'engage auprès des républicains.Le triomphe de la dictature franquiste qui écrase la Catalogne trouve en lui un adversaire résolu.

C'est en catalan qu'il écrit son œuvre poétique. "Cimetière de Sinera", 1946; " Final del laberint", 1955; " La peau de taureau", 1960, assurent sa renommée. Son œuvre poétique présente d'abord un aspect intimiste dominé par l'obsession de la mort et le repli sur les souvenirs du « monde perdu » de Sinera. Elle manifeste par ailleurs, surtout dans les années 1960, un engagement personnel dont le retentissement a été considérable, dans le combat de la Catalogne pour reconquérir son autonomie politique et culturelle. La dernière œuvre publiée de son vivant," Les rochers et la mer, le bleu" est un ensemble de cent proses sur les personnages de la mythologie grecque.

Il est à remarquer qu’avant la guerre civile, il n’écrit qu’en prose : Laia (1932) ou Ariadna al laberint grotesc (1935). Mais après la défaite, Espriu se consacre à la poésie, unique mode d’expression des angoisses personnelles et collectives d’une Catalogne vaincue, sans jamais renoncer cependant à sa réflexion sur le destin tragique de l’Homme. En 1946, il publie clandestinement son premier recueil de poèmes El cementiri de Sinera, allégorie de la nostalgie d’un monde effondré après le cataclysme. Gardien d’une langue interdite, le catalan, Espriu invente une patrie imaginaire, Sinera, où la vie pourra renaitre. Les poèmes, chantés par Raimon ont contribué à la diffusion de son œuvre. Espriu lui-même disait que Raimon chantait ses poèmes comme personne ne l’avait jamais fait.

Danielle Catala lit des poèmes d’Espriu en catalan et en français.

Dans Livre de Sinère, traduit du catalan

par Franchita Gonzalez Batlle.

François Maspero, Paris, 1975.


 

Al vell orb preguntava l'esglai

si el meu poble tindria demà.

I la boca sense llavis començà

la riota que no para mai.

La destral de la llum en els caps.

El carrer se'ns tornava fornal.

Una mica d'oreig de la mar

arribava de sobte als portals.

Els ulls blancs ja no eren davant

la temença que havia parlat.

Ara els passos s'allunyen enllà

dels immòbils xiprers vigilants.

Repreníem el somni tenaç

-contra el bou, el serpent, el senglar-

de la nostra difícil bondat,

de la nostra viril dignitat,

de la nostra fidel llibertat.

*

L'effroi demandait au vieil aveugle

si mon peuple aurait un lendemain.

Et la bouche sans lèvres commença

le ricanement qui n'arrête jamais.

La hache de la lumière sur les têtes.

La rue nous devenait fournaise.

Un peu de brise de la mer

arrivait soudain aux portails.

Les yeux blancs n'étaient plus devant

La crainte qui avait parlé.

Maintenant les pas s'éloignent au-delà

des immobiles cyprès vigilants.

Nous reprenions le rêve tenace

-contre le bœuf, le serpent, le sanglier-

de notre difficile bonté

de notre virile dignité

de notre fidèle liberté.


 

Salvador Espriu


 


 

*

Christian Saint-Paul évoque ensuite la figure de l’auteur catalan français :

Patrick Gifreu.

Né à Perpignan en 1952, il est l’auteur de poésies, essais et nouvelles mais aussi traducteur en catalan de L’Archangélique de Georges Bataille et de Echancré de Jacques Dupin. Il a traduit aussi Beckett, Mishima, Jouvet et Novarina pour les grandes scènes de Barcelone.

Depuis plus de trente ans, Patrick Gifreu traduit Raymond Lulle dont il est l’un des spécialistes reconnus en France.

*

Le choix de poèmes retenus pour la lecture lors de cette émission est extrait de « Barcelone sans date » (éditions Du Rocher, 195 pages, 17,90 €).

Il s’agit d’une suite poétique qui raconte les errances mélancoliques d'un écrivain catalan français, fils de réfugiés politiques espagnols, dans la Barcelone des années du franquisme, puis tout au long des années de la renaissance culturelle de cette ville mythique et cosmopolite, qui a toujours accueilli en son sein les influences venues de tous les horizons. Cette série de tableaux illustre merveilleusement la quête spirituelle et la curiosité intellectuelle d'un de nos écrivains et poètes les plus inspirés.

Lecture dans les deux langues d’extraits de Barcelone sans date.

Le palmier esseulé

La palmera entotsolada

Un palmier maussade est sa propre contre-figure.

Il récapitule ce qu'il a vécu. Il papote sur tout

l'envers du visible, avec des allusions voilées au secret.

 

II

 

Je souffre de voir un arbre triste.

Je lui parle à voix basse de Platon :

« Le Cosmos est un grand être vivant

dont l'harmonie révèle l'unité occulte.

L'esprit de la Terre est lié au corps de la Terre

comme l'intérieur d'une chose à son extérieur.

Pour cela, les mouvements et les évolutions de l'un

expliquent par analogie ceux de l'autre

et s'expliquent aussi par ceux de l'autre. »

Attentif, le palmier citoyen

attend que je finisse de pérorer

pour pouvoir s'exclamer :

« Je suis en train de m'étouffer ! »

*

I

Una palmera mústia és la contrafigura d'ella mateixa.

Fa el recompte del que s'ha viscut. Parloteja sobre allò

recòndit del visible, amb allusions dissimulades al secret.

 

II

 

Em dol de veure un arbre trist.

Li parlo en veu baisa de Plató:

«El Cosmos és un gran ser vivent

l'harmonia del qual revela la unitat oculta.

L'esperit de la Terra va lligat al cor de la Terra

com l'interior d'una cosa al seu exterior.

Per això, els moviments i les evolucions de l'un

expliquen per analogia els de l'altre

i s'expliquen també pels de l'altre.»

Atenta, la palmera ciutadana

espera que acabi la perorata

per a poder-se exclamar:

«Que m'estic ofegant!»

*

Le dernier poète cité dans ce survol de la poésie catalane contemporaine mais déjà reconnue comme les « classiques » de notre époque qui enjambe le XXème et XXIème siècles, est Gabriel Ferrater, né le 20 mai 1922 à Reus (Catalogne, Espagne) et décédé le 27 avril 1972 à Sant Cugat del Vallès.

C’est un écrivain, linguiste, traducteur et universitaire catalan du XXe siècle, dont l'œuvre courte (trois livres), brutalement interrompue, est considérée comme l'une des œuvres poétiques majeures de la littérature catalane de l'après-guerre.

Gabriel Ferrater enseigne comme professeur de linguistique et de critique littéraire à l'université autonome de Barcelone et écrit des articles de doctrine en matière de linguistique pour la revue Serra d'Or entre 1969 et sa mort brutale en 1972.

Il traduit également en catalan Le Procès de Franz Kafka, Language (El llenguatge), de Leonard Bloomfield, et Cartesian linguistics (La lingüística cartesiana), de Noam Chomsky.

Il se lie d'amitié avec le poète belge William Cliff qui traduira en français, notamment Les Femmes et les Jours.

Ferrater se suicide en 1972 à l'approche de sa cinquantième année dans son appartement de Sant Cugat del Vallès, selon certains, par phobie de la vieillesse.

La poésie de Gabriel Ferrater se caractérise par le choix de thèmes quotidiens, l'utilisation de mots et d'expressions de la vie courante et le refus de toutes formes rhétoriques et artifices d'expression, propre au lyrisme hispanique des années soixante.

Ses publications :

Les dones i els dies (Les Femmes et les jours)

Da nuces pueris (1960),

Menja't una cama (1962)

Teoria dels cossos (1966) — Prix Lletra d'Or 1967

Paper, cartes, paraules (posthume, 1987)

Poème inachevé, traduit par William Cliff, Ercée, Bruxelles, 1985

Les Femmes et les Jours, traduit par William Cliff, Le Rocher, coll. Anatolia, Monaco, 2004,

«Quand a éclaté la guerre, j'avais/ quatorze ans et deux mois. Sur le moment,/ cela ne m'a guère fait d'effet. J'avais la tête/ toute pleine d'une autre chose que maintenant encore/ je juge plus importante.» Le recueil mouvementé, personnel et emporté par l'Histoire, d'un poète mort en 1972, honoré par William Cliff. Le locuteur des poèmes de Gabriel Ferrater n’avoue jamais explicitement son appartenance à l’état espagnol. En tout cas, sans se déclarer explicitement catalan, il affirme subtilement qu’il fait partie de la culture catalane : d’abord par le choix du catalan, langue brimée à l’époque, comme langue littéraire, par la suite en inscrivant sa poésie dans une tradition littéraire catalane de prestige de manière implicite (à ce propos je pense aux poèmes « Josep Carner » et son vers final « Com una pàtria », ou à l’emploi de certaines formes de versification comme celles du « Poema Inacabat » qui font de ce poète l’héritier de la riche tradition littéraire catalane médiévale, comme l’a souligné Estrella Massip i Graupera dans « Ville et identité dans la production poétique de Gabriel Ferrater et de Jaime Gil de Biedma », Cahiers d’études romanes, 12 | 2005, 165-194.

Les éditions Du Rocher présentent ainsi l’auteur dans la 4ème de couverture :

Gabriel Ferrater (Reus, 1922-San Cugat, 1972) : génie effrayant dont le destin a voulu que William Cliff, lui-même poète et traducteur (on se souvient de sa magistrale version du recueil Un corps est le meilleur ami de l'homme du poète espagnol Jaime Gil de Biedma, publié dans la collection Anatolia), croise la trajectoire dans la Barcelone des années soixante, en pleine époque franquiste. D'une intelligence fulgurante, d'une culture hors du commun, Gabriel Ferrater laisse derrière lui des poèmes d'une portée incomparable dans la littérature européenne de l'après-guerre. Dans tout le vingtième siècle, on ne trouvera guère d'œuvre poétique qui fasse un corpus aussi exceptionnel. De cette œuvre désormais accessible en français, le lecteur ressortira ébloui, terrassé, instruit et lesté d'un supplément d'être.

Christian Saint-Paul évoque la figure de William Cliff qui lui parlait longuement de Gabriel Ferrater qu’il avait choisi comme sujet de sa maîtrise de lettres et de son séjour homérique à Barcelone dans les années soixante. L’interview réalisé avec William Cliff à Gembloux en Belgique est toujours disponible sur le site les-poètes.fr à : http://les-poetes.fr/doc%20sonore/son/William%20cliff/index.htm

Lecture de poèmes de « Les Femmes et les Jours ».

LES MIROIRS

Et alors ? et si une femme est trop intelligente

pour choisir et à nouveau choisir : aller

d’un endroit à un autre comme une épicière

toujours à palper les poires et à

douter de la fraîcheur des œufs ?


 

Commencer sa journée en choisissant ?

courir le marché et publier partout

ses passions vestimentaires, faire

la réclame du bon ordre et des qualités

qu’elle veut obtenir de chaque jour ?


 

Moi, je préfère celle qui est loyale et secrète.

Il y a longtemps qu’elle a choisi, elle est

sûre d’elle, ses réseaux lisses et discrets

jusqu’à présent n’ont jamais fait défaut,

sa porte s’ouvre et tout se passe comme prévu.


 

Et alors quoi ? elle a des moments de doute

(peut-être paie-t-elle trop cher certaines choses,

peut-être les autres trouvent-elles dans la rue

des choses qu’elles aiment et dont elles ne parlent pas

quand elles sont avec elle dans leurs « studios ») ?


 

Ah ! que ne l’enveloppent point les ombres troubles !

qu’en nous tous, miroirs où elle se regarde

pour apprécier le bonheur avec lequel elle a choisi

ceux qu’elle aime, elle retrouve, toujours claire,

une image : oui, faisons-lui voir que ce choix

qu’elle a fait de nous a été bien fait

et que c’est un haut honneur que d’être à elle !

*


 

 
 


 

 

 

 

 

01/06/2017

 

 



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 25/05/2017

 

  18/05/2017

 



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L’émission débute par l’écoute d’un chant de troubadour Dregz de natura de Matfre Ermengaud (... 1288 - 1322) , un long poème qui représente savoir et croyances du temps et mêle dans ses rimes les lointains échos de trobar. C’est une sorte de traité de la nature que fut son Breviari d’amor, un bréviaire de 34 597 vers, octosyllabes et rimant deux par deux. C’est Gérard Zuchetto et son ensemble Troubadours Art Ensemble qui interprète avec éclat ce morceau.

Gérard ZUCHETTO vient de publier une anthologie qui constitue un événement historique dans la diffusion des œuvres des troubadours. Il s’agit de :

LA TROBA, l'invention lyrique occitane des troubadours XIIe - XIIIe siècles. Anthologie commentée du Trobar

de Gérard Zuchetto préface de Franc Bardou

Gérard Zuchetto, spécialiste des troubadours et auteur de nombreux Cds et ouvrages sur le sujet nous emmène dans un voyage intemporel dans le creuset de la première poésie moderne de l’Europe depuis Guilhem de Poitiers jusqu’à Dante Alighieri.

110 troubadours, plus de 300 chansons en occitan avec les traductions en français. Une présentation du monde poétique, historique et géographique des troubadours et de la lyrique occitane, accompagnée d'un lexique du Trobar et de réflexions personnelles de l'auteur sur la re-création et l'interprétation musicales des troubadours aujourd'hui.

812 pages, broché, format 210x297 - Poids 2.300kg - dos 3.54cm

ISBN 979-10-93692-01-2 prix public 40 Euros

Une émission spécifique sera bien entendu consacrée à cette publication qui est un événement majeur pour la littérature occitane.

Rappel des dernières parutions 3ème trimestre 2016 des poètes occitans Franc Bardou, Jaumes Privat, Roland Pecout

Votz de trobar 3 : Cançonier d'un temps esperdut de Franc Bardou ISBN 978-2-9535781-7-1 prix public 15 Euros

Votz de trobar 4 : Las velas las mans de Jaumes Privat ISBN 978-2-9535781-8-8 prix public 15 Euros

Votz de trobar 5 : Alenadas de Jaumes Privat ISBN 978-2-9535781-9-5 prix public 15 Euros

Votz de trobar 6 : coma un aubras estrifat per l'auristre/Leberon de Roland Pecout ISBN 979-10-93692-00-5 prix public 15 Euros

tous ces ouvrages sont à commander directement auprès des éditions Troba Vox.

*

Christian Saint-Paul signale ensuite la parution d’une des grandes voix de la poésie française : « Limite » d’Antoine Emaz aux éditions Tarabuste, 174 pages, 15 €.

L’émission « les poètes » consacrera une émission à Antoine Emaz qui incarne une orientation de la poésie d’aujourd’hui. Une économie de mots, le rejet de toute emphase créent une densité du poème qui prend toute sa puissance dans ce concentré de moyens. Une poésie où l’homme se reconnaît. Une spiritualité où le quotidien a sa place comme dans la vie.

limite

qu’est-ce qui se dit

là encore

de vivre

quoi

pas pourquoi

cause effet on s’en fiche

*

les mots hésitent

quand ça secoue trop

ils filent à l’abri

dans la cave

des années on a pu croire

qu’ils menaient un peu la danse

ils fuient

et ne reviennent qu’après

quand ça se tasse un peu

durant le lent retour au calme

*

vie de peu

dans l’espace temps mémoire

au bout quand même des mots

luisent

et puis s’éteignent

pas triste

neutre

l’évier est on est

son inox durera plus

il n’en sert rien

il sert

*

C’est à Athènes qu’a été imprimée avec le soutien de la Fondation Onassis qui détient toutes les archives de Cavàfis, par les éditions le miel des anges, « Tous les poèmes » Constantin Cavàfis, traduit du grec par Michel Volkovitch, anthologie complète de 364 pages, 20 €.

Cavàfis est l’anti-Rimbaud : son développement fut progressif et lent. Ses premiers poèmes sont écrits à l’ombre des Parnassiens, de Baudelaire, des Symbolistes, de Browning ; il ne devient pleinement lui-même qu’aux abords de la quarantaine — un peu comme Proust, son contemporain. Il publie peu et comme à regret, retravaillant certains poèmes inlassablement pendant des années. Il ne verra pas la première édition d’ensemble de son œuvre, parue peu après sa mort.

Les éditions françaises de Cavàfis, conformément à l’usage grec dominant, placent les Poèmes publiés en tête, éventuellement suivis d’une partie de l’œuvre non officielle. L’éditeur a choisi une présentation différente, chronologique — en précisant bien à quelle catégorie appartient chaque poème. Cette disposition nouvelle donne au lecteur un point de vue différent sur l’œuvre ; moins solennelle, plus intime, plus vivante, elle permet de suivre la progression du poète qui cherche sa voix, qui devient peu à peu lui-même. On n’en sera que plus ébloui par les merveilles de la fin.

Lecture d’extraits.

Choses cachées

Dans tout ce que j’ai fait, dans tout ce que j’ai dit,

qu’on n’aille pas chercher qui je fus.

Un obstacle était là, altérant

mes actes et ma façon de vivre.

Un obstacle était là, m’arrêtant

bien des fois, lorsque j’allais parler.

Mes actes les moins visibles

et mes écrits les plus voilés -

c’est là seulement qu’on me devinera.

Mais sans doute n’est-ce pas la peine

de consacrer tant de soin et d’efforts à me connaître.

Plus tard - dans une société meilleure -

quelqu’un de semblable à moi

c’est sûr, apparaîtra, libre de ses actes.

*

L’éditeur toulousain érès, publie dans l’excellente collection po&psy dirigée par Danièle Faugeras et Pascale Janot, « quelque chose comme un cri / tweets » de Jacques Ancet, dessins de Danielle Desnoues, petit livre épais pages non numérotées, 20 €.

Ce recueil de poèmes de Jacques Ancet rassemble plus de 300 fragments brefs obéissant à la contrainte du tweet, écrits entre 2012 et 2015.

« Dès le début, mes livres ont été traversés par un dialogue entre poème long et poème bref. Ce recueil de fragments écrits sous la contrainte non pas métrique ou formelle des textes précédents, mais sous celle numérique (au double sens) du tweet : 140 signes. Le haïku informatique est né voici quelques années de la mutation technologique que nous vivons, et il n'a pas fini de porter ses fruits. Pour moi, il y avait là une autre manière de donner forme à ce qu'a toujours été mon écriture : la pratique du journal. Au sens où je n'ai cessé d'écrire le jour — le mystère du jour. » explique Jacques Ancet.

Encore une de ces grandes voix qui fait l’incroyable richesse de la poésie française, et de plus, nous fait connaître et aimer la poésie de langue espagnole, né à Lyon en 1942, Jacques Ancet vit et travaille près d’Annecy.

Après avoir enseigné pendant plus de trente ans dans les classes préparatoires des grandes écoles, il se consacre aujourd'hui à son travail d'écrivain et de traducteur près d'Annecy, où il réside. Auteur d’une quarantaine de livres, il a reçu les prix de poésie Charles Vildrac de la Société des gens de lettres et Heredia de l’Académie française 2006 pour Diptyque avec une ombre (Arfuyen), le Prix Apollinaire 2009 pour L’Identité obscure (Lettres Vives) ainsi que la Plume d'or 2013 de la S.A.S. pour l'ensemble de son œuvre. Traducteur de quelques-unes parmi les plus grandes voix des lettres hispaniques comme Rodolfo Alonso (Entre les dents, érès, 2017), il s’est également vu décerner les prix Nelly Sachs 1992 et Rhône-Alpes du Livre 1994, la Bourse du Prix Européen de Littérature 2006 et les prix de traduction Alain Bosquet 2015 et Roger Caillois 2016. Enfin, tout récemment, son travail de traducteur et d'écrivain vient d'être distingué par un doctorat honoris causa de l'Université Catholique de Louvain. Il a publié aux éditions érès Portrait d’une ombre (érès, 2009) et Travaux de l’infime (érès, 2012).


 

Une émission spécifique à Jacques Ancet s’impose et « les poètes » vous la proposeront prochainement.

Lecture d’extraits.

Chaque phrase, ajoute-t-il, est une

planche posée sur le vide. C’est

pourquoi, écrire, c’est écrire sur l’air -

écrire l’air.

*

Au sortir de la douleur, l’éblouissement

bref. Le couperet du ciel, les têtes qui

roulent - le jour inchangé.

*

Sous la fatigue, des mains posées, des

yeux fermés - et une lumière subite qui

n’éclaire rien.

*

Si tu veux voir les choses, regarde ce qui

les sépare.

*

Dans les yeux la lumière et la fatigue.

L’une s’obscurcit l’autre s’éclaircit.

Comment dire cela ? Ce qui tombe

ce qui monte. Et le même élan.

*

Longtemps, il ne se passe rien. C’est

du moins ce que tu crois. Soudain, la vie

te rattrape - et quoi ?

*

Christian Saint-Paul reçoit ensuite son invité :

Michel Baglin qui vient présenter son dernier livre :

« Lettres d’un athée à un ami croyant », dessins de Jean-Michel Delambre

aux éditions Henry, 102 pages, 10 €.

Voici ce qu’écrit Michel Baglin sur la quatrième de couverture :

À l'heure des attentats, ces lettres d'un athée portent la conviction que le dialogue entre ceux qui croient au ciel et ceux qui n'y croient pas reste ouvert, à la condition de ne pas oublier qu'en démocratie, le respect est dû aux personnes, pas à leur foi, leurs idéologies, leurs représentations du monde, leurs utopies.

Les religions ne sauraient rester, elles seules, hors du champ de la critique, comme le rappelle Boualem Sensal à propos de l'islam. Or, la demande des intégristes catholiques de créer un délit de blasphème, comme celle des musulmans qui protestent contre les caricatures, montre à quel point le ver est dans le fruit. Parce que le sacré des uns n'est pas celui des autres et qu'il n'en est pas d'universel, le sacrilège n'existe que dans la tête des censeurs. Quand les religions entendent imposer leurs injonctions et leurs interdits, on entre dans l'apartheid, elles portent en elles la guerre des communautés.

Ainsi ce plaidoyer pour la laïcité souligne-t-il qu'il n'est pas de frères de race ou de religion, seulement des frères d'humanité. Car la fraternité est universelle, sinon elle ne recouvre qu'une solidarité de clan, de tribu, une solidarité de meute.

M. B.

Jacques Morin, de la revue Décharge, fait cette note de lecture sur l’excellent site de Michel Baglin revue-texture.fr :

Michel Baglin quitte romans, livres de poèmes et essais pour tâter d’un nouveau genre littéraire : le genre épistolaire. À sa façon, c’est-à-dire pour traiter philosophie au sens large. (Il avait fait la même chose avec sa récente farce théâtrale : « Dieu se moque des lèche-bottes »). On peut ajouter que l’ami croyant, le destinataire, « Jean », n’apparaît pas ; c’est un partenaire transparent, idéal pour disserter, réfléchir et répondre, punching-ball courtois et civil.

Les données sont affichées dès le titre. Celui qui croyait au ciel vs celui qui n’y croyait pas. Michel Baglin dans l’émotion des attentats parisiens de janvier et du 13 novembre tente de mettre sur papier les idées qui, souvent brouillées et confuses, s’opposent sans qu’on puisse les distinguer clairement. Chaque lettre met en place des concepts qui sont auscultés et définis : totalitarisme et fanatisme religieux, laïcité et tolérance, incrédulité et mécréance, amour et solidarité, soumission et esprit critique, xénophobie et racisme, religiosité, malaise identitaire, amitié et fraternité…

Ses prises de position sont solides et étayées, d’autant qu’il les défend en époussetant tout ce qui pourrait les gâter, et quiconque de bonne foi ne pourra être que d’accord avec l’auteur. C’est un livre à mettre entre toutes les mains, des adolescents aux adultes, afin d’asseoir sereinement réflexions et théories.

Les dessins de Jean-Michel Delambre sont parfaitement au diapason et au niveau.

Cette citation pour témoigner de la hauteur de vue de l’auteur :

« Je préfère un croyant inquiet à un athée impassible. »

Jacques Morin

Christian Saint-Paul fait remarquer tout de suite que les propos de cet essai alerte, sont d’une actualité brûlante. Ne serait-ce que parce que la veille de cette émission, le gouverneur de Jakarta, capitale de l’Indonésie, a été condamné à deux ans de prison pour « insulte à l’islam ». Ce gouverneur avait commis le « sacrilège » de remettre en question l’interprétation du Coran par les théologiens qui affirmaient qu’un musulman ne devait élire qu’un dirigeant de même confession.

Michel Baglin s’explique : on est dans l’euphémisme quand on parle du fondamentalisme islamique ! Il faut appeler cela dans la plupart des cas, du fascisme. Sacrilège, blasphème, n’ont pas de sens. Pour qu’il y ait du sacré, il faut que ce soit universel, or, comme ce n’est pas le cas, ce sont des opinions. Le sacré n’existe pas. Donc il n’y a pas de sacrilège, c’est de la foutaise. Si quelqu’un me parle de sacré, c’est quelqu’un qui me veut du mal, qui veut m’asservir d’une manière ou d’une autre.

Le livre, poursuit l’auteur, est une fiction épistolaire. Je laisse deviner ses arguments à l’ami croyant à travers ses réponses, ce qui induit quand même un dialogue. Mais, évidemment je ne peux pas parler à la place de l’autre, mais j’entends ses arguments. Bien entendu, il y a des choses pour lesquelles je n’ai pas de réponse.

Le style est familier, remarque Saint-Paul ; c’est avec ce ton familier que sont traités des thèmes philosophiques et politiques majeurs. C’est une belle réussite car le livre se lit très facilement.

Je m’adresse à cet ami croyant, poursuit Michel Baglin, - en réalité une somme de mes divers amis chrétiens ou musulmans - pour lequel j’ai une grande estime. J’ai des positions claires, mais je respecte les personnes. Pas les opinions. Comment respecter le nazisme par exemple ? Si je fais une apologie, ce n’est pas de l’athéisme, mais celle de la laïcité. Aucune société ne devrait interdire les croyances comme ce fut le cas dans les pays communistes.

Je crois que l’athéisme est une chance. Sa vision du monde est riche et conduit à la fraternité. Or, les dieux condamnent cette fraternité puisqu’ils sont multiples, chacun les siens ! Or, la fraternité est universelle elle aussi, sinon elle n’a aucun sens. Sinon il n’existe de fraternité que communautariste. C’est mon frère parce qu’il est de mon groupe. C’est l’esprit de tribu, de clan, de meute à la limite. C’estce qu’on voit dans le monde aujourd’hui.

La fraternité est universelle. Je m’appuie sur beaucoup d’écrivains du monde musulman qui ne sont pas fatalement musulmans comme Adonis par exemple, qui osent dire des choses que notre monde occidental n’ose pas. On est tellement veule devant ce qui se passe, qu’on est complice du totalitarisme qui s’installe.

Si l’islam refuse la critique, il n’a pas sa place dans la société, je suis d’accord avec cette réflexion.

Quand on croit à un absolu, on ne peut pas être tolérant. Si j’ai raison, les autres ont tort donc je dois me battre pour mon absolu : c’est le massacre !

La religiosité pose problème. La spiritualité, qui est la vie de l’esprit peut s’entendre hors des religions, mais il est vrai aussi que les religions ont cette dimension. La spiritualité n’est pas liée à la foi.

Les religions sont, par définition politiques puisqu’elles entendent être prescriptives en matière de vie sociale, de vie personnelle, de vie intime puisque les trois religions du Livre ont l’obscénité de s’occuper de ce qui se passe dans les lits.

Si Dieu existe, il regarde au fond des cœurs, mais pas au fond des lits. Dieu aussi n’a pas besoin de thuriféraires. C’est pourquoi j’ai écrit une pièce : « Dieu se moque des lèche-bottes ».

Saint-Paul rappelle que l’évêque de Pamiers, à Montségur, s’est incliné pour demander pardon des crimes commis lors des croisades des Albigeois. Ceci huit siècles après le bûcher de Montségur. Ce repentir rend bien compte d’une évolution totale du clergé et des positions de l’Eglise. Le christianisme a été confronté au développement d’une société de plus en plus instruite, dès l’invention de l’imprimerie, par les progrès des sciences.

Les croyants ont quitté l’absolu pour aller dans l’inquiétude et dans la recherche. Et dans le souci de l’Autre. La foi en cela n’est pas nécessaire mais ne l’interdit pas.

Les religions sont-elles perfectibles ? C’est tout le débat.

Chez les chrétiens, Dieu a voulu l’homme libre.

La responsabilité des actes est porté par l’homme, ce n’est pas le fatalisme. Pour la démocratie et pour la dignité humaine, c’est fondamental. La philosophie d’une pensée peut s’améliorer. Il y a le doute. Souvenons-nous de cette controverse pour savoir si les indiens avaient ou non une âme.

Les musulmans « modérés » ont demandé qu’il y ait dans la loi une condamnation du blasphème. Heureusement ils ont échoué.

Lecture d’extraits du livre.

Mon cher Jean,

L’immonde ne dort jamais que d’un œil ! Qu’on lui lâche tant soit peu la bride, et voilà que la bête se réveille pour prétendre bientôt régner sur tous et sur chacun, dicter ce qu’il faut croire et sentir, imposer une manière de vivre à genou et dans l’humiliation. Il y a toujours des abrutis de dieu quel que soit le nom qu’ils lui donnent et qu’on leur prête, des enténébrés de dogmes, pour se lever et combattre tout ce qui pense, tout ce qui fait l’être humain et sa dignité : son esprit critique, sa liberté de conscience.

Tu parleras je suppose de totalitarisme et tu auras raison. Moi je veux être plus précis, bien que certains se récrient déjà, et je parle de fanatisme religieux.

Tout cela n’est pas nouveau et ces dernières années − des intégristes catholiques œuvrant à faire censurer des spectacles qu’ils jugent « blasphématoires » aux islamistes prétendant interdire la représentation de leur prophète, en passant par les créationnistes déterminés à imposer leurs élucubrations à l’école, sans oublier les fondamentalistes juifs qui réclament l’asservissement de toute la Palestine au nom du Grand Israël biblique − on pouvait croire que ces exaltés s’en tiendraient à attaquer la liberté d’expression, ce qui est déjà s’en prendre au fondement de la démocratie et ne va pas sans conséquences politiques.

On sait aujourd’hui qu’ils peuvent être tout aussi impatients de massacrer – comme certains le font hélas partout dans le monde − ceux qui ne leur ressemblent pas ni ne partagent leurs vaticinations. La nouveauté, en France du moins, c’est que les liberticides sont aussi des assassins de la pire espèce, petites frappes crétinisées et cruelles, sans arguments autres que la violence, des songe-creux et des déséquilibrés que l’humour accule à l’hystérie meurtrière.

(pages 7 & 8)

Merci, mon cher Jean, de me rappeler qu’après les attentats de Charlie Hebdo, le père Ciro Benedettini, vice-directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, a fait part aux journalistes de la condamnation de l’institution pour « l’atteinte à la liberté de la presse, aussi importante que la liberté religieuse ». J’ai d’ailleurs cru un moment que les Lumières avaient éclairé le Pape ! Comment mieux dire en effet, mieux définir la laïcité, mieux apaiser les tensions ?

Et je me pris à rêver que les représentants de toutes les religions puissent se décider à l’imiter : tous Charlie ! Comme tu vois, je suis bon public ! Et parfois d’une naïveté imbécile.

Ce rêve était trop beau pour être durable ! Très vite, une autre déclaration papale vint corriger le tir et prendre le contre-pied de la première, lâchée sous le coup de l’émotion : « On ne peut provoquer, on ne peut insulter la foi des autres, on ne peut la tourner en dérision ». Ce pape pourtant considéré comme assez progressiste dans certains domaines pour être menacé dans sa propre institution, est néanmoins prêt à boxer qui critique sa foi. Tu me pardonneras, je sais qu’il t’enthousiasme, mais à mes yeux, il reste un pape. Passablement indécrottable.

(pages 17)

Cher Jean.

Tu as sans doute entendu comme moi citer constamment, depuis les attentats islamistes, la phrase de Camus résumant une pensée de son ami et biographe Brice Parain : « Mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde » (*). La formule résume bien le style et la pensée de l’auteur de L’Homme révolté qui a toujours su, lui, « s'efforcer au langage clair pour ne pas épaissir le mensonge universel » ; mais ceux qui la citent (de manière souvent approximative) semblent ne pas toujours se soucier de la mettre en œuvre !

Ainsi en va-t-il de cette confusion – que les islamistes promeuvent et que bien des journalistes entretiennent par paresse ou ignorance – entre musulmans et Arabes. Si l’intention peut paraître louable qui veut éviter la montée des stigmatisations ethniques et préserver les chances du vivre ensemble, au bout du compte il n’en résulte qu’un de ces fameux « amalgames » que les bien-pensants à grands cris prétendent vouloir combattre…

Je m’attèle donc à rappeler que la majorité des musulmans ne sont pas arabes et surtout que tous les Arabes ne sont pas musulmans, que certains sont chrétiens, ou tout simplement sans dieu !

Cette confusion qui consiste à associer l’ethnicité à une foi spécifique procède en fait d’un racisme plus sournois, qui revient à vouer un peuple à une religion. Outre que c’est injuste à l’égard de la majorité non-arabe des musulmans, c’est aussi faire injure aux Arabes, croyants ou non, en les imaginant incapables d’indépendance à l’égard du religieux. C’est notamment dénier tout crédit à ceux qui, non-croyants, ferraillent contre le « sacré » qu’on veut leur imposer, comme ont ferraillé en Occident les philosophes des Lumières, plus tard les libres penseurs et enfin ceux qui ont conquis de haute lutte le privilège de la laïcité.

J’ai beaucoup d’amis arabes – dont certains, écrivains ou intellectuels, sont aussi les tiens – qui parce qu’il sont agnostiques ou athées, tu le sais comme moi sont menacés de mort. Comment pourraient-ils accepter qu’on oublie ainsi leur combat ou simplement qu’on compte pour si peu leur indépendance d’esprit ? Ils n’apprécient pas plus qu’on apprécierait d’être systématiquement qualifié de chrétien parce qu’occidental ou de voir accuser de racisme anti-blanc quiconque s’oppose à la foi ou aux églises chrétiennes ! Bien sûr tu n’es pas dans ce cas, mais je sais que tu me comprends. Si je voulais m’exprimer crument, je dirais qu’un Arabe a aussi le droit à Voltaire comme aux Lumières ! Qu’il n’est pas condamné à se croire adorateur ou esclave d’Allah !

(pages 21 & 22)

Non, les religions ne sont pas intouchables par principe – pas plus que n’importe quelle opinion ou vision du monde. Et il faut marteler une évidence, la seule finalement qui compte : le respect est dû aux personnes, pas à leurs croyances, leurs idéologies, leurs représentations du monde, leurs utopies.

Qu’on en vienne à abolir le droit à l’irrespect, c’est toute la pensée qu’on mettrait au pas et la liberté sous la férule. Le principe est si simple que je ne crois guère en ce domaine à la naïveté : tous ceux qui réclament une loi contre le blasphème le sont peut-être à leur insu, mais ce sont dans l’âme des aspirants au totalitarisme !

Reste la fraternité, écris-tu. Certes, mais elle n’a pas besoin de dieu, les révoltés de tous les temps l’ont montré, même si les révolutionnaires ont parfois hélas prouvé qu’ils pouvaient aussi l’assassiner avec la liberté.

Rien d’ailleurs ne m’alarme plus que d’entendre parler de « frères en religion ». Je l’ai écrit dans un poème, je n’ai pas de frères de race ou de combat, je n’ai que des frères de Terre. Car la fraternité est universelle, sinon le mot ne recouvre que l’esprit d’équipe : une fraternité de clan, de tribu, d’un groupe ligué contre le reste du monde.

Une fraternité de meute.

(pages 27)

Il en va des religions comme de moult autres domaines : leur valeur et l’héritage à transmettre est dans l’esprit, pas dans la lettre. Mais pour les imbéciles qui regardent le doigt quand le sage montre la Lune, le littéralisme seul fait foi. Ainsi les crétins créationnistes veulent-ils imposer, contre la physique et contre le darwinisme, l’enseignement dans les écoles d’une parabole qui, prise à la lettre, devient une absurdité. Les intégristes catholiques n’ont guère plus d’ouverture d’esprit. Quant au monde musulman, il a ses islamistes qui ne conçoivent pas d’autre sens que littéral au Coran. Que la régression perceptible aujourd’hui se poursuive, et il ne faudra pas dix ans pour que des illuminés prétendent que la Terre est plate, puisque c’est ainsi qu’on la percevait aux temps où ont été élaborés les tables de la foi. On en sourira d’abord, puis on en tremblera, car ils massacreront bien volontiers ceux qui ne reconnaitront pas cette vérité « révélée » ! (…)

Pour ma part, je m’étonne depuis bien longtemps que les croyants juifs, chrétiens ou musulmans ne soient pas plus troublés, voire indignés, par moult épisodes et personnages peu ragoûtants de leurs pieuses écritures. Je pense notamment à cette figure centrale des trois monothéismes : Abraham. Voilà un homme qui reçoit de dieu l’ordre de sacrifier son fils Isaac et qui s’apprête à obtempérer ! Une preuve de piété, certes. Mais un homme qui consent à égorger son fils pour complaire à son maître n’incarne-t-il pas, pour la plupart d’entre nous, la figure la plus hideuse de la soumission ? Or les dévots ont fait de cette ignominie une vertu, de ce mauvais père un patriarche ! Et presque sans broncher, même si l’épisode a fait l’objet de moult controverses et interprétations.

Je me souviens de cette discussion que nous avions eue il y a longtemps déjà à ce sujet. Ce passage de la Bible n’est pas ton préféré, avais-tu reconnu, ta prédilection s’attachant d’ailleurs aux Évangiles. Tu avais néanmoins voulu relativiser ce grief en rappelant que dieu au dernier moment, par l’entremise de l’ange, retient le bras du candidat à l’infanticide. Et tu avais ajouté que le message divin ainsi envoyé est un symbole fort pour les hommes : il commande de mettre fin aux sacrifices humains encore nombreux en ces temps bibliques.

Peut-être. Du point de vue de dieu, mais du point de vue d’Abraham et de ses thuriféraires ? Du point de vue des hommes ? J’ai beau interroger le symbole, je n’y perçois pas le moindre encouragement à adoucir les cœurs

(pages 50 & 51)

Je te concède que toutes les religions ne se valent pas – celles qui ont prôné longtemps les sacrifices humains, par exemple, ne pouvant être mises sur le même plan éthique que celles qui valorisent la fraternité universelle – et, à l’intérieur de chacune d’elle, que toutes les approches ne privilégient pas les mêmes valeurs. Mais elles ont en communs de toujours s’auto-légitimer. La foi et le messianisme ont cette faculté de se satisfaire du seul argument d’autorité. Et une religion ne prétend jamais tenir sa légitimité que d’elle-même. Rien ne peut donc lui être opposé, de son point de vue. C’est pourquoi sa pente naturelle ne peut être que vers le fanatisme et l’intolérance, avec leur cortège de malheur.

Tu me dis que le christianisme se veut perfectible. Le point est important. Que tous les religieux, généralement cramponnés à leurs traditions et catéchismes, t’entendent ! Mais le plus souvent, les adaptations apportées au fil du temps et en catimini à leur dogme par les religions majoritaires ne sont que des correctifs adoptés de mauvaise grâce, par la force des choses. Elles ne changent rien fondamentalement à l’affaire. (…)


 

Tu ne partages pas ma conviction que la chasteté est mère de tous les vices… Pourtant, les religions qui aspirent avec tant d’insistance à contrôler la sexualité de leurs membres, au point d’en être obscènes, nous enseignent à toutes les époques et sous toutes les latitudes que la frustration dans ce domaine engendre des comportements souvent monstrueux. Qui se veut abstinent, c’est bien connu, ne pense plus « qu’à ça ». (…) Pour dire le fond de ma pensée, je suis persuadé que les religions s’emploient à brider la sexualité des fidèles (sans parler de celle des nonnes et des prêtres qui, après tout, ont prononcé leurs vœux…) parce que c’est cette pulsion sexuelle elle-même, contrariée, refoulée, qu’elles exploitent et qui engendre cette religiosité dont j’ai parlé ailleurs…

Avec l’islam, qui réserve un statut si désastreux à la féminité, on touche le fond, la chasteté devient la prison des femmes. Elle se traduit par l’enferment dans le foyer et l’interdiction d’une vie publique. Ou cette fameuse burqa qui insulte finalement autant les hommes (considérés comme incapables de se maîtriser, de vrais clébards !) que la gente féminine, mais exerce bien sûr la contrainte sur cette dernière. On atteint là un paroxysme : dans leur délire de « pureté », certains imams en viennent à justifier le viol en raison d’un manque de « pudeur »… Cette obsession islamiste ne fait que révéler une incroyable lubricité, comme le montre le voile qui, loin de la soustraire à la convoitise, réduit la femme à un objet sexuel dans les regards qu’il conditionne, (et à ses propres yeux dès la puberté). Quoi de plus obscène que cette prétendue « pudeur » ?

(pages 83 & 84)

*

Michel Baglin, écrivain, dramaturge, essayiste, est avant tout poète.

Il termine en conséquence cette émission par la lecture d’un poème extrait du livre « Un présent qui s’absente »paru aux éditions Bruno Doucey.

La poésie

La poésie n’est pas dans les vers,

mais entre les lignes, quelque part

entre l’obscurité de la parole qui se cherche

et les célébrations solaires du chant.

Pas dans les mots,

mais dans la poussière qu’ils soulèvent.

L’enfermer dans le poème est la réduire,

alors qu’elle le déborde de toutes parts,

l’engendre et le prolonge,

alors qu’elle est sa source et son delta.

Il est vrai, elle ne dit rien qui vaille

aux comptoirs de la Bourse, chez les traders,

ou même chez l’épicier du coin.

Mais elle augmente ton salaire de vivant,

redore le bonjour et l’au-revoir

dans les mémoires de peu.

Elle est le sucré et le salé

qui rehaussent ton brouet,

la cerise en hiver,

la bougie sur le gâteau.

Elle glisse dans ta paume

le galet du jour, sous tes doigts,

la palette des matières.

La poésie te met le jus en bouche

quand tu dis « pêche »,

car elle est la chair des mots.

Elle t’assoit à la table des terroirs.

Elle ne dit pas « rouge » ou « jaune »,

elle les donne à voir.

Elle ne dit pas le petit matin parfumé,

elle t’en rafraichit.

Dans les pins, elle prête au vent

l’écho grisant des vagues,

quand le torrent s’assèche,

elle libère les crues qu’il porte en puissance.

Quand le regard s’éteint,

elle le rallume de ses métaphores,

de ses envols et de ses sèves.

Elle réveille les couleurs du tableau

quand ta vie s’embrume.

Et quand la peau se tait,

elle lui rend la caresse et la brûlure.

La poésie puise aux eaux souterraines

de l’enfance toujours inaccomplie.

Elle te leste de ressouvenances,

d’une mémoire ragaillardie, d’un corps remué.

Elle est ta prise de terre

branchée sur le vertige et sur le manque.

Sur ta conscience d’être d’ici, de maintenant,

beaucoup d’hier, un peu de demain,

fatalement provisoire et incertain.

Mais dans la graine,

elle écoute l’avenir et s’en émeut.

Elle est dans le sport

ce qui n’appartient pas à la performance,

dans la marche, ce qui ne se mesure pas

et ne s’éteint jamais le but atteint.

Elle est dans l’éolienne la rafale

qui se moque de tes compteurs.

Elle est ce grain de folie

qui germe dans toute envie.

Dans tout poème infuse

un sentiment de précarité qui donne

du prix à tout ce qui passe :

la poésie ainsi conjugue

les menaces sourdes du temps

aux impatiences de l’amour.

Elle est la vie qui se déplie dans la durée

et fait crisser sous les pas

les graviers de la mélancolie.

Mais elle tisse le châle

dont se réchauffe le cœur

et pose la main

sur l’épaule des chagrins.

Elle est la mise en garde,

elle est la mise en forme,

la mise en appétit et la mise en route.

Dans les puanteurs de la ville,

elle soulève l’émeute des foins coupés,

les senteurs de prairies perdues.

Là où l’exil s’insinue

et le désespoir étreint parfois,

la poésie fauche un regain

et s’attache à louer le quotidien

qu’on peut encore sauver.

Contre le factice, c’est elle qui arbitre.

Elle mange dans ta main et tu ne le sais pas.


 

***

 
 


 

 

 


 

 

Yves

 Le Pestipon

 

  11/05/2017

 



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 Hans

 Magnus

 ENZENSBERGER


 

 

 Photo de

Mariusz Kubik

 

  04/05/2017

 



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Christian Saint-Paul présente le dernier recueil publié d’Anne MOUNIC : « Tout là-propos de ces merveilles », 16 p., 463e Encres Vives, 6,10 €, abonnement 34 e à commander à Michel Cosem, 2, allée des Allobroges 31770 Colomiers.

Les illustrations intérieures sont des gravures à la pointe sèche de l'auteure.

Lecture d’extraits :

rehauts

La nuée tisse un cocon froid / englobant le paysage dont / ternissent les teintes - / seules quelques pointes / vives de l'automne balbutiant / percent les valeurs monotones / de la toile de fond.

Un vert vif, / ici, gorgé de pluie ; un jaune d'or / là-bas, en rondes gommettes, et des cascades d'angles aigus, / rouge vif et carmin.

Ce sont les rehauts / que requiert l'esprit afin de jouir / et penser, avec les bouquets jaunes / de séneçon, ici, sur le talus.

Née en 1955, Anne Mounic est l’auteur d’une œuvre poétique, romanesque et critique. Elle a également traduit quelques poètes anglo-saxons, tels que Robert Graves, Stevie Smith ou Vincent O’Sullivan. Elle collabore à plusieurs revues, dont Europe. Elle est elle-même co-rédactrice de Temporel, http://temporel.fr, revue littéraire et artistique en ligne.

Peintre et graveur, elle expose régulièrement depuis 1980, en groupe, individuellement ou avec son époux, Guy Braun. http://atelier.guyanne.free.fr

Elle est maître de conférences à Paris 3 Sorbonne nouvelle.

Bibliographie

Poèmes et nouvelles :

L'Espace. La Bartavelle.

Lumineux, pelucheux. Editions du Gril.

Mélanie et les rhododendrons. La Bartavelle.

Le Poulpe poème. Encres Vives.

Les Yeux d'Argos. Encres Vives.

L'autre vie. Clapàs.

Pensez ! Pensez ! Encres Vives.

La terre, en ses élans, Océan, Encres Vives.

La terre, en ses élans, Océan, Encres Vives.

Avec Vivienne Vermes, METAMORPHOSES. Edition bilingue.

Poèmes et nouvelles de Vivienne Vermes traduits par Anne Mounic ; d'Anne Mounic, traduits par Vivienne Vermes. L'Harmattan.

Passages. Edition bilingue. Poèmes et nouvelles de Vivienne Vermes traduits par Anne Mounic ; d’Anne Mounic traduits par Vivienne Vermes, L’Harmattan.

Nuage, l’esprit… Encres Vives.

Quand pâlissent les lilas. Encres Vives.

Poussière amoureuse. Encres Vives.

Romans et récits poétiques :

Métamorphoses d'une image, Quasi una fantasia. L'Harmattan.

O., ou La Déchirure. L'Harmattan.

P' et les noms propres. L'Harmattan.

Voici l'homme aux bottes rouges, L'Harmattan.

La Spirale, L'Harmattan.

Carnet d'Hadès, L'Harmattan.

L’autre et le furet du bois joli, L’Harmattan.

AH ! Ce qui dans les choses fait AH ! L’HarmattanQuand on a marché plusieurs années..., Orizons(X) de nom et prénom inconnu, Orizons.

Critique littéraire :

Poésie et mythe : Réenchantement et deuil du monde et de soi.(Edwin Muir, Robert Graves, Ted Hughes, Sylvia Plath, Ruth Fainlight). L'Harmattan.

Poésie et mythe : Je, tu, il/elle aux horizons du merveilleux. (Edwin Muir, Robert Graves, Ted Hughes, Sylvia Plath, Ruth Fainlight). L'Harmattan.

La Parole obscure : Recours au mythe et défi à l'interprétation dans l'œuvre de Michel Fardoulis-Lagrange. L'Harmattan.

Les tribulations de Perséphone : Poésie, autre, au-delà (Kathleen Raine, Stevie Smith, Veronica Forrest-Thomson). L'Harmattan.

Poésie, mobilité de l'esprit : Portes, passage, rythmes et métamorphoses. (E.A. Poe, E. Dickinson, D.H. Lawrence, R. Graves, E. Muir, S. Smith, R. Fainlight, E. Bishop). L'Harmattan.

Psyché et le secret de Perséphone : Prose en métamorphose, mémoire et création (Katherine Mansfield, Catherine Pozzi, Anna Kavan, Djuna Barnes). L’Harmattan.

La poésie de Claude Vigée : Danse vers l’abîme et connaissance par joui-dire. L’Harmattan.

Traductions :

Traduction et présentation des Poèmes choisis de Robert Graves. Collection du Club des Poètes.

Traduction et présentation de Poèmes de Robert Graves. L'Harmattan. (Ouvrage publié avec le concours du Centre National du Livre.)

Traduction et présentation de Poèmes de Stevie Smith. L'Harmattan.

Traduction et présentation de nouvelles de Vincent O’Sullivan. Waiting for Rongo / En attendant Rongo. Sélection de Vincent O’Sullivan. Editions de l’Inventaire. Les Belles Etrangères. Novembre 2006.

Traduction et présentation de poèmes de Vincent O’Sullivan. That Vault of Such Pure Breath / Cette voûte de si pur respire. Sélection de Vincent O’Sullivan. Editions de l’Inventaire. Les Belles étrangères, novembre 2006.

Anne Mounic est une spécialiste de l’œuvre de Claude Vigée.

Internet : http://temporel.fr http://atelier.guyanne.free.fr

*

En février 2017 Michel COSEM avait publié : Lumières d'Oc (Occitanie)

Encres Vives, coll. "Lieux" n° 334 (Occitanie), 16 pages, 6,10 €.

Illustration de couverture : André Falsen

L'Occitanie, nous dit l’auteur, est certes ma terre d'origine mais aussi celle qu'il me plait le plus d'évoquer dans mes poèmes et mes romans, tant l'histoire est belle, tant l'imaginaire est riche et les paysages d'une infinie variété. J'ai regroupé ici des ensembles épars, écrits à des périodes différentes mais participants de la même démarche, voire du même amour.

A la suite de ce recueil, Michel COSEM fait paraître à L’Harmattan, collection témoignages poétiques, avant-propos de Jacqueline Saint- Jean,100 pages,

13 € « Les mots de la lune ronde ».

Chaque prose capte ici un lieu, un instant, saisis dans leur vérité et leur mystère. Une attention bienveillante et songeuse recrée chaque microcosme, par le prisme des sensations vives, la saisie de détails justes, la focalisation finale sur un gros plan. Jacqueline Saint-Jean.

Michel Cosem est originaire du sud de la France. Il a fait ses études supérieures à Toulouse. Il écrit des romans et des poèmes depuis toujours. Il a publié de nombreux ouvrages (romans, poèmes, anthologies) et consacre sa vie à l’écriture, aux voyages, à la lecture et aux rencontres avec ses lecteurs un peu partout en France et à l’étranger.

Annie Briet, résume ainsi l’écrivain, poète et éditeur : "Michel Cosem ne peut s’imaginer vivre sans écrire, c’est le vrai sang de ses veines, l’épine dorsale de sa vie, c’est dans le langage que l’on naît soi-même, dit-il encore à Chantal Danjou (dans Poésie Première), et d’autre part, il ne se vit pas près de la nature mais faisant partie de la nature au même titre que la fleur blanche, que l’oiseau, l’abeille, le scarabée etc. Il se ressent comme une simple excroissance de la nature, en somme. Aussi, n’étant pas prisonnier de ses limites d’individu, il accorde à toute chose la voix et le visage humains : sa maison de paille a des lèvres et des yeux, la fleur blanche a des joues. Là est peut-être la plus grande originalité de ce poète et la source d’enchantement pour le lecteur qui a su garder la magie du regard de l’enfance."

Lecture d’extraits.

 

Osiris

au bord du fleuve

me parle

et je l’entends à peine

Sa voix bruisse entre les roseaux

Pourtant je suis heureux de l’entendre

et je suis prêt

pour un grand voyage

qui dis-tu

est au-delà du temps

lorsque soudain tout se resserre

et devient absolu

*

On raconte la nuit venue

des histoires de rencontres

de voyages au-delà du possible

Ceux qui en sont revenus

ont des mots de jade et d’or

ils ont brisé le fil de la mort

et font rêver toutes les raisons

Un grillon hésite à prendre la relève.

*

Le grand arbre mort

a le ciel pour feuillage

Il est noir du matin au soir

Il se fond dans la nuit

pour revenir sans que l’on sache pourquoi

avec de grands gestes véhéments

et des mots de colère

Le grand arbre

a le ciel pour feuillage.

*

Ils sont tous de l’autre côté de la fenêtre à me regarder écrire. Cela se fait chaque été et à la même place et avec la même lumière, celle qui glisse sur mon clavier et me donne le sourire. De petits rouges gorges viennent picorer la vitre pour me dire qu’il est temps que j’arrête. A la tombée du jour ce sont les engoulevents qui viennent se fracasser le crâne dans leur hâte de venir boire à ma lampe. Il m’est pénible d’accepter leur sacrifice. Je sais que les prunes les attirent. Elles sont veloutées et presque transparentes, chaque jour davantage gorgées de soleil. Je les ai connues fleurs comme abandonnées sur le rameau, puis semblables à de petites feuilles se cachant

modestement. Et maintenant elles sont là. C’est un merveilleux privilège que d’ouvrir la fenêtre et d’avoir des gorgées de sucre et de miel. Et je suis certain que tout recommence.

(Le Fenoul)

*

Après « Syllabes » (Encres Vives éd.) et « Désinvolte Eros » (Copy Media), Simone ALIE-DARAM poursuit son chemin de poésie en publiant : « Dialogues d’outre nuages » Poésie, Copy Media, 40 pages, 12 €, à commander à : daramalie@free.fr

Ce livre de poèmes s’articule autour de trois parties : Tôt, tard, toujours.

Le temps, depuis Désinvolte Eros, est le principal personnage des trois actes de ce drame poétique qui se joue dans des dialogues d’outre nuages. Ces nuages, ces merveilleux nuages chers à Baudelaire et à Françoise Sagan, sont le réceptacle de ces dialogues secrets qu’entretient Simone Alié-Daram avec ses fantômes, les vapeurs du passé qui s’étirent dans l’éther et disparaissent pour revenir en des formes nouvelles, étranges comme les nuages. L’air est le milieu naturel de ce poète qui a toujours les yeux au ciel, celui d’une vie plus haute, spirituelle, mais familière, loin de tout mysticisme et de toute extase. Car « le temps n’a pas de nom » et que devient ce que l’on ne peut pas nommer ? Une vigilance. Simone est la sentinelle. Elle guette et fait naître les mirages : Envoyer les mères pélican / Dans une impasse de l’univers / Se noyer dans une mer de nuages / Juste avant la pluie/ Ramer entre quelques étoiles / Et ne penser qu’à vous / Toujours.

Mère pélican, elle l’est avec certitude, elle, tout attentive à l’autre, y ayant consacré sa vie, parce qu’elle n’aurait jamais pu faire autrement, la sentinelle, prête à accourir nourrir ses petits comme à tendre la main à l’inconnu.

Une poésie de haut vol, dans une langue simple et efficace pour porter l’émotion sans pathos. Une poésie authentique qui aurait bien plu à Marianne Moore, mais qui requiert une terrible expérience de la vie.

A lire absolument !

Une émission spécifique sera consacrée à Simone Alié-Daram.

*

« L’Usine » Centre national des arts de la rue et de l’espace public, à Tournefeuille,

a contribué à la publication de « De terres et de chairs, nous sommes... » photographies de sculptures de Chantal Thomas, textes de Claude Faber et musiques de Marc Sens. Il s’agit du catalogue de l’exposition des sculptures de Chantal Thomas.

Une belle réalisation dans laquelle trois artistes se répondent et se complètent chacun dans son art. Cette pluralité est de celle qui plaise tant à notre ami grec Démosthène Agrafiotis.

Commande du catalogue + CD :

20 euros + 2,21 euros frais de port.

Pour toute commande :

claude.faber@wanadoo.fr

Les artistes :

Chantal Tomas

Artiste autodidacte, expose régulièrement dans les galeries d'art et les lieux publics. Enseigne la sculpture à Perpignan.

Claude Faber

Auteur de biographies, recueils de poésie, fictions, essais, reportages et textes se mêlant à la musique, à la photographie ou au théâtre ...

Marc Sens

Guitariste, compositeur, fondateur du groupe Zone Libre avec la chanteuse de rap Casey, travaille régulièrement avec des artistes comme Yann Tiersen, Bertrand Cantat, Rodolphe Burger,Caryl Ferey, la compagnie de danse La Zampa ou le chorégraphe François Verret ...

Voir : www.deterresetdechairs.com

Lecture d’extraits de textes de Claude Faber, diffusion d’un extrait du CD.

*

L’émission est ensuite consacrée au dernier livre bilingue allemand français, du poète Hans Magnus ENZENSBERGER

« L’Histoire des nuages / 99 méditations » traduit de l’allemand par Frédéric Joly (avec le concours de Patrick Charbonneau), éditions Vagabonde, 264 pages, 21,50 €.

Hans Magnus Enzensberger est un poète allemand, né à Kaufbeuren le 11 novembre 1929, écrivain, traducteur et journaliste.

Il est également connu sous les pseudonymes de Andreas Thalmayr et Linda Quilt ("De sacrés petits prodiges : Sept contes à l'usage des parents qui ne se méfient pas de leur progéniture", en allemand "Schauderhafte Wunderkinder")

H. M. Enzensberger appartient à cette génération dont l'enfance et l'adolescence ont été marquées par le nazisme et la guerre.

Poète et essayiste, mais aussi auteur dramatique et romancier, Hans Magnus Enzensberger s'est illustré dans tous les genres littéraires, y compris les pièces radiophoniques, les livrets d'opéra, les livres pour la jeunesse et les scénarios de films.

Après des études de littérature et de philosophie dans différentes universités allemandes et étrangères, dont la Sorbonne, il se tourne vers la dramaturgie, soutient une thèse sur la poétique de Clemens Brentano, puis devient rédacteur à la radio (Südwestfunk à Stuttgart), sous la houlette de l'écrivain Alfred Andersch qui le présente en 1957.

Il séjourne à New York en 1974-1975 et quitte la revue Kursbuch et se met à l'écriture du livret de l'opéra La Cubana sur une musique de Hans Werner Henze.

La première de sa pièce Le naufrage du Titanic a lieu en 1980. Après avoir adapté le Misanthrope de Molière, il écrit Le Philanthrope joué pour la première fois en 1984.

Il a écrit avec grand succès des livres pour la jeunesse: Der Zahlenteufel (1997) et Wo warst du Robert? (1998).

Écrivain engagé, se méfiant de l'ordre établi et des pensées toutes faites, il est l'intellectuel contestataire par excellence.

Couronné à trente-quatre ans par l'un des plus prestigieux prix littéraires allemands, le prix Büchner, il est depuis ses jeunes années un représentant incontournable de la littérature allemande de l'après-guerre. D'autres prix ont récompensé l'inépuisable activité de H.M. Enzensberger, entre autres le prix Heinrich-Böll en 1985, le Prix de la paix Erich-Maria-Remarque en 1993, le prix Heinrich Heine en 1998, la Médaille d'Or du Círculo de Bellas Artes en 2001 ou encore le prix Princesse des Asturies en 2002.

L’Œuvre :

Elle se caractérise par un regard féroce sur la société et en particulier sur la « médiocrité qui règne dans cette République (allemande) ». Selon Enzensberger, ce sont « les colonies de surfeurs, les forteresses du troisième âge et les résidences secondaires ou tertiaires » qui se prêtent le mieux à l'observation des Allemands car « libérés de l'usine et du bureau », ils offrent un panorama complet de leur culture : « de la clinique spécialisée dans le karaté au séminaire pour masochistes » (citations tirées de Médiocrité et folie (Mittelmaß und Wahn), 1988)

Dans Perspectives de guerre civile (Aussichten auf den Bürgerkrieg) (1993), il décrit l'être humain comme « le seul primate à pratiquer de manière méthodique, enthousiaste et à grande échelle, le meurtre de ses congénères. La guerre est l'une de ses principales inventions ». Il voit se propager de manière imperceptible ce qu'il nomme une « guerre civile moléculaire ».

« Peu à peu, les ordures s'entassent au bord des rues. Les seringues et les bouteilles de bière brisées s'accumulent dans les parcs. Partout sur les murs apparaissent de monotones graffiti au message autiste: évocation d'un Moi qui n'existe plus ... On détruit les meubles dans les classes, les jardins puent la merde et l'urine… ce sont là de minuscules déclarations de guerre que sait interpréter le citadin expérimenté. »

Le regard de Hans Magnus Enzensberger jette une lumière vivifiante sur les chemins difficiles empruntés par une humanité partagée, à l’heure de l’accélération digitale, entre mobilisation infinie et mélancolie existentielle, chez qui l’audace de questionner le « phénomène de la vie » a disparu : la vie, dans toute son ambiguïté, entre puissance d’affirmation de soi et fragilité, entre identité et différence, liberté et nécessité.

Hans Magnus Enzensberger, en s’essayant aux genres les plus variés – poésie, essai, roman, autobiographie… –, poursuit une œuvre considérable. Ses volumes poétiques, parmi lesquels Mausolée et Le Naufrage du Titanic, témoignent avec éclat de l’intolérable et « extraordinaire persistance » de la poésie, dans la mesure où, « en face de ce qui est présentement en place, [elle] rappelle ce qui va de soi et qui n’est pas réalisé » et qu’elle « partage avec la plaisanterie et la rumeur l’enviable capacité de circuler sans aucune médiatisation industrielle ».

Dans ces 99 méditations poétiques, Hans Magnus Enzensberger jette une lumière vivifiante sur les chemins difficiles empruntés par une humanité partagée entre mobilisation infinie et mélancolie existentielle, et chez qui l'audace de questionner le « phénomène de la vie » a disparu: la vie, dans toute son ambiguïté, entre puissance d'affirmation de soi et fragilité, entre identité et différence, liberté et nécessité. « Une des voies de la poésie n'a-t-elle pas toujours été, depuis les Sonnets de Pétrarque jusqu'au Coup de dés de Mallarmé et à Raymond Roussel, de fabriquer, en marge de l'Histoire et même de tout esprit communicatif, juste des machines de plaisir ? » (Traduit de l’allemand par Frédéric Joly (avec le concours de Patrick Charbonneau),)

Jean-Jacques Schuhl commente :

De Hans Magnus Enzensberger, le lecteur français est plus familier de l’œuvre aux confins de l’histoire et de la fiction. Des enquêtes minutieuses posant de féroces constats sur la politique et la violence, tel Le Perdant radical, clairvoyant essai sur le terrorisme, et bien sûr les magistraux Hammerstein et Le Bref été de l’anarchie (Gallimard 1975), biographies déguisées en romans, tableaux édifiants, l’un de l’Allemagne, l’autre de l’Espagne, de la première moitié du XXe siècle.

On savait moins Enzensberger poète – un seul recueil était accessible au lecteur français, Mausolée (Gallimard, 2007). La puissance poétique du volume traduit aujourd’hui le confirme : l’art du penseur allemand de jongler d’une forme à l’autre, de multiplier les voix au sein de chaque forme est au service d’un projet cohérent. Il met tous les genres au service d’une même observation du monde, à la fois aiguë, documentée, méditative et raisonnée, dont le moteur est l’inscription des individus dans l’Histoire.

Et Sabine Audrerie écrit dans « La Croix »: Le refus de la peur

Le réconfort de la nature

L’édition bilingue soignée des Éditions Vagabonde plaira aux germanophones, et permettra à chacun de laisser courir ses intuitions d’interprétation, comme celle du rapprochement phonétique entre Wolke (« nuage ») et Volk (« peuple »), invitant à lire ces méditations comme une véritable « histoire des hommes ».

Thème éminemment poétique – voire métaphysique – si souvent porté par les poètes (« merveilleux nuages » de Baudelaire, « nuances d’un merveilleux monde » de Hermann Hesse…), cette aspiration vers le ciel a beaucoup été, par la contemplation, une manière de sonder les profondeurs de l’âme et la communion avec l’univers.

Par certains aspects, les vers d’Enzensberger nous évoquent notre grand contemporain Philippe Jaccottet (auteur de sublimes Pensées sous les nuages) : sachant inscrire ses poèmes dans une contemporanéité urbaine aussi bien que dans la nature et, comme lui, sensible aux symboles de la mythologie antique. Mais il s’en éloigne par une moindre part accordée aux paysages, au réconfort de la nature.

Les nuages, les astres ou l’infini

Sans verser dans l’atrabile, la poésie d’Enzensberger n’est pas apaisée. Nourrie par ses interrogations sur la science et la société, elle est un autre vecteur des mêmes sujets : la dénonciation des abus des pouvoirs, du « façonnement industriel des esprits » (écrivait-il en 1962 dans Culture ou mise en condition ?), de la surconsommation, de la gouvernance de l’argent… Le constat est sombre, revenant toujours à la responsabilité de l’homme, mais l’élévation stylistique offre les échappées nécessaires.

Si Enzensberger regarde vers le haut – les nuages, les astres ou l’infini –, c’est pour habilement ramener son regard vers le bas – le tumulte, l’anxiété et les passions. La contemplation du ciel vient faire respirer un espoir. Les nuages passent, muent infiniment, individus inscrits dans leur destin collectif, menant leurs propres combats, à l’image des hommes qu’ils surplombent, à l’image, tout autant, des mots du poète ?

« Blancs et solitaires, majestueux,/ ils apparaissent soudain sur la soie de l’azur,/ ou se serrent les uns contre les autres/tels des animaux transis, masse hébétée/(…) Leurs pérégrinations en altitude/sont calmes et incessantes./Rien ne les rend soucieux./Ils croient probablement/en la résurrection, béatement/heureux, comme moi qui,/allongé sur le dos,/les regarde un moment. »

*

Lecture d’extraits.

Blancs * et solitaires, majestueux,

ils apparaissent soudain sur la soie de l’azur,

ou se serrent les uns contre les autres

tels des animaux transis, masse hébétée (…)

Leurs pérégrinations en altitude

sont calmes et incessantes.

Rien ne les rend soucieux.

Ils croient probablement

en la résurrection, béatement

heureux, comme moi qui,

allongé sur le dos,

les regarde un moment.
 

* les mêmes nuages, les merveilleux nuages ... de Baudelaire !

*

Division du travail

Tout ce que tu ne sais pas faire :

faire atterrir le gros-porteur plein à craquer,

démontrer le théorème de Mordell,

tricoter – les autres le font pour toi,

peu doué comme tu l’es, dépendant

du bienheureux Saint Florian,

du directeur de prison, de l’homme

aux pinces isolantes, de la voyante,

de l’éboueur, du chamane,

et sans oublier la maman.

Tous savent faire quelque chose, ensemble

subviennent à tes besoins, te distraient,

et, que tu le veuilles ou non,

te tiennent compagnie – mais toi ?

*

Onomatologie

Mon chien, mon cratère lunaire, ma mare aux canards :

tous baptisés, ayant tous trouvé leur propriétaire, tous pourvu

de prénoms, de noms de famille, de sobriquets et de toponymes.

Tukkum par exemple, Tasso ou Au bon coin.

Même le désert, vide comme il l’est,

est appelé désert de machin, Tögrög, Burget Tuyur,

Betpak-Dala. La mer aussi est qualifiée.

Les cartes sont maculées de chiures de mouche.

Seuls les moustiques en ont réchappé,

à moins que vous connaissiez des anophèles prénommés

Adalbert ou Gustav ? Au contraire, les comètes,

les nébuleuses, les galaxies… oh, nous nous en assurons !

Comme si nous savions ce qu’était Babylone

rien qu’en appelant Babylone Babylone.

Comme si nous ne savions pas que la plupart des choses,

presque tout, serait aussi là sans nous.

*

Révélation profane

Tabernacle blanc de neige,

même l’éternel pochard

trouve grâce à tes yeux,

en un tour de main tu fais don

d’absolution à la pécheresse

et éclaires les insomniaques

qui, dans ton lumineux reflet,

s’agenouillent devant toi, consolation nocturne

des assoiffés, doux saint patron

de tous les crève-la-faim !

Source d’espérance, tu te révèles

aux nécessiteux, minuscule,

glacial jardin d’Eden !

Tu bénis le pèlerin, dispensant manne,

pêches fraîches, raisins,

cerises luisantes et vin.

Autel ou réfrigérateur :

placée devant ce choix,

plus d’une âme pieuse pourrait,

croyez-moi, chanceler.

*

Enfants soldats

Comme il grattait, l’uniforme

au rêche tissu vert moisi,

sur la peau nue.

Pas encore dix-sept ans,

l’enfièvrement de la mort

et son éclat métallique

dans ses yeux bleus.

Un loup-garou, pendu

en ce chaud mois de mai

sur une place de marché de Franconie.

Un exemple pour tous ceux, aujourd’hui,

qui n’ont jamais entendu parler

de ce genre de choses.

Autres promesses,

autres mensonges et autres cieux,

guenilles de couleurs différentes,

mais la même odeur de pétrole,

de nitrocellulose et d’angoisse,

la même rage d’en finir avec soi-même

et avec les autres.

*

 
 


 

 

 


 

 

 

27/04/2017

 



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Michel Arbatz

 lors du spectacle

 Desnos et Merveilles

 
 


 

 


 

Michel HOST

 

20/04/2017

 



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13/04/2017

 



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 06/04/2017

 



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Christian Saint-Paul reçoit Yves CHARNET, écrivain, poète, professeur d'université, qui vient présenter son dernier livre :

« Dans son regard aux lèvres rouges »

éd.Le Bateau Ivre, postface de Jean Delabroy, 262 pages, 19 €.

Lors de l’un de ses passages à l’émission « les poètes » pour la parution de son livre « Quatre boules de jazz - Nougasongs » sur son amitié avec Claude Nougaro, on pouvait lire dans le compte-rendu de l’émission :

Ce livre, dont le personnage qui se promène au fil des pages est Nougaro, est une suite de l'œuvre toujours en cours de construction d'Yves CHARNET. Tous les livres d'Yves Charnet pourraient être mis bout à bout : il en résulterait un long poème commencé avec "Proses du fils" et qui laboure les blessures d'une vie où l'abandon, la terreur du rejet de l'amour, seul sujet qui vaille, l'appel à l'amitié, à la générosité qui le bouleverse jusqu'à la moelle, creusent les sillons infinis d'une écriture spontanée, épidermique et pourtant si empreinte d'expérience, qui signe les grands poèmes de notre histoire littéraire.

Car si le vécu se taille la part du lion dans ces écrits, la culture littéraire, artistique, tauromachique même, s'y est agrégée en un conglomérat inséparable. C'est de là que provient cet énorme plaisir à lire les mots de Charnet : ils sont terriblement compréhensibles, faits de notre quotidien, mais aussi de nos réminiscences, les chansons populaires, et pas que celles de Nougaro, les poètes comme Stanislas Rondanski.

Et ce livre, même s'il est un fabuleux cri d'amour, à Nougaro, et de rage devant sa disparition, est bien au-delà d'un simple exercice de mémoire et d'exorcisme.

L'autofiction qu'il pratique inconditionnellement est la forme la plus élaborée de sa poésie. Et le lecteur s'y retrouve. Il ressent les mêmes émotions que l'auteur; Charnet abolit les distances, aucun subterfuge, les choses sont dites comme elles sont. Et cet accent inouï de vérité tient le lecteur dans un constant état d'émotion, ce qui fait l'indéniable grandeur du livre.

"Au milieu de ma vie, j'aimerais bien encore apprendre" écrit Charnet qui cite la rengaine de Dabadie que chante Gabin. Le sentiment existentiel des chansons n'a jamais quitté l'auteur de "Proses du fils" qui découvre le jazz à 35 ans. Plus tard ce sera la tauromachie : "l'aficion est un asile". L'asile où s'enlisa Stanislas Rodanski.

Charnet lui, éprouve toujours "cette lancinante nostalgie de l'existence", "le temps passait sous ma peau" se désole-t-il. "Je n'ai même plus le courage de regarder le cadavre de mes jours".

Mais l'amitié avec Nougaro était "faramineuse"; les souvenirs sont puissants, celui du chanteur à 52 ans avec sa belle brésilienne, les soirées ensuite avec Hélène, la merveilleuse Hélène qui sera ce qu'il aura connu d'enfin stable. "A la fin de ses fêtes galantes, Claude a donc trouvé Hélène".

Mais survient ce sentiment qui s'invite partout, surtout là où il ne devrait pas être de mise : "le barouf des origines jusqu'au bout". "On aurait dit une mauvaise corrida. Une de ces corridas foirées par la faute des toros".

Car Charnet ne peut lutter contre "cette absence à moi-même depuis l'enfance". Si, il peut, par ses livres. "C'est physique, la pensée". Charnet ne sera pas comme Rondanski, détaché de tout.

Car la mort est aussi l'autre fantôme qui rôde dans les livres de Charnet. Mais il peut encore se regarder vivre, coup de défi à la camarde que chantait Brassens. "Un livre, c'est aussi ce qui vous arrive pendant que vous écrivez ce livre".

Le Matricule des Anges n° 143 en mai 2013 qui lui était largement consacré, le présentait comme celui dont la destinée est de « toréer l’absence ». Toréer, car notre poète est un aficionado qui court les corridas avec ce romantisme à la Hemingway qui utilisait les récits de taureaux pour mieux cerner la vie et son basculement intime, la mort.

Yves Charnet dans son dernier livre « Dans son regard aux lèvres rouges » poursuit toujours son impossible et incessante posture de recherche de l’amour conciliable avec un état de paix.

Cet amour fou, il le trouve avec Romy, prénom emblématique de l’idéal amoureux féminin, Romy Schneider, femme fatale et tragique. Mais dès les premières pages, le lecteur est pris à la gorge par la certitude d’une catastrophe annoncée. Cet amour, loin d’incarner un état de paix, sera la plus sévère cornada infligée au torero Yves Charnet. Et ce livre est aussi le récit de la faena de celui qui ne cessera donc jamais de toréer l’absence.

Et Yves Charnet s’explique :

Dans ce livre, dit-il, je me ressens avant tout, comme dans tous les autres : poète. Comme Flaubert, je veux voler les phrases et arriver au cœur du réacteur. Flaubert, le modèle, dont j’ai mis en exergue de ce livre une citation de « Correspondance » : « La vie ! La vie ! bander, tout est là. C’est pour cela que j’aime tant le lyrisme. Il me semble la forme la plus naturelle de la poésie. Elles est toute nue et en liberté. » Je devais situer ce livre sous le signe de la liberté sidérante de Flaubert. C’est une belle définition de la liberté et du lyrisme.

Mais je cite aussi Tchekhov, « La Mouette » : « Même le bruit de ses pas est splendide ». L’apparition de l’être aimé est un ravissement, et dans ravissement il y a le mot vie.

Guillaume Apollinaire avec ses « Lettres à Lou » figure également parmi les quatre citations qui ouvrent le livre. « Je voudrais te faire mal pour que tu m’aimes. Je voudrais que nous soyons seuls dans une chambre d’hôtel à Grasse pour que tu m’aimes. » Cette citation comprend le nom du lieu : Grasse, qui est aussi grâce. Et il écrit cela en pleine guerre !

Enfin, Serge Lama avec « Je voudrais tant que tu sois là » achève ce préambule de citations avec les mots les plus simples mais totalement expressifs sur le désarroi de celui condamné à toréer l’absence.

D’ailleurs, il n’y a pas d’amour qui n’ait sa chanson. Un jour une chanson vient se poser sur ton épaule. Elle connaît ta vérité blessée : ne pas être suffisamment aimé. C’est une sorte de prophétie. Serge Lama a depuis, pour nous, le couple que nous formions avec « Romy », toujours commencé ses récitals par cette chanson.

J’ai conscience aujourd’hui que tous mes livres travaillent sur cette jonction de la poésie et de la vie. Il faut pour cela, avoir une écoute poétique de sa vie et des signes de la vie. C’est avec ce radar là que je fonctionne.

Dans les chansons, en partant de l’intime on arrive à l’universel.

Christian Saint-Paul fait alors remarquer que Nietzsche avait bien compris la démarche poétique quand il écrit : « les poètes n’ont pas la pudeur de leurs émotions ; ils les exploitent. »

Mais qu’est-ce qu’une poésie qui ne vient pas du tréfonds du vécu ? s’interroge Yves Charnet. Pourtant la question de la pudeur est la question scandaleuse. Mais la vie est sans pudeur. Il n’y aurait pas la mort alors. Existe-t-il quelque chose de plus impudique que la mort ?

La vie c’est l’horreur et la merveille. L’ovale qui rend la lumière intérieure du visage de la princesse de Clèves, et en même temps, le cru et le désastre.

J’écris au plus près de l’expérience, sans souci des convenances. « Proses du fils » était dans un sens aussi inconvenant. Il faut déshabiller les apparences.

Christian Saint-Paul lit alors la note de lecture de Michel Baglin parue sur son excellent site : revue-texture.com :

Le cœur est gros, bien sûr, depuis les « Proses du fils » et tous les livres qui ont suivi, mêlant toujours les « ficelles de fils unique » aux blessures de l’amoureux emballé et meurtri.

Et la prose, peuplée de réminiscences sur le pont des Reviens-t’en, cherche à retenir dans ses filets ce que la vie nous offre et nous reprend aussitôt. Un amour, par exemple, à la cinquantaine sonnée, auquel on ne croyait plus. Quant à la poésie, elle est bien là, partout entre les lignes, elle est celle du désir impossible. De la ferveur et de l’élan retombé.

L’amour s’appelle ici Romy. Elle est jeune, mariée, porte de jolies petites robes sexy mais n’est pas une tombeuse. Longtemps restée fidèle à son époux conciliant, elle n’a eu qu’un amant avant cette histoire enflammée par Éros. Romy, « la mouette », est fragile, double peut-être, amoureuse et pourtant pleine de remords. Elle a un « sourire de petite fille modèle » mais se révèle au lit d’une sensualité parfois légère et parfois grave. Soit dit en passant, ce roman offre un beau portrait de femme – femme-enfant souvent, un peu rouée parfois - attachante et fuyante. On a le droit de penser à Romy Schneider, puisque l’auteur évoque à son propos les films de Sautet, « César et Rosalie » entre autres, et cette envie « d’habiter sa vie comme un conte de fée ».

De la cristallisation à l’errance.

Elle finira par fuir, donc, et on le sait dès le début. Mais peu importe l’histoire : elle se termine mal comme toutes les histoires d’amour, par une rupture. Et elle se termine bien : par un livre. Cet énergique lamento d’un écrivain qui sait que « nous ne vivons pas seulement de rencontres. Mais aussi des récits propres à ces rencontres ».

Ainsi se succèdent les chapitres, plus ou moins longs, qui racontent la rencontre - l’instant de « cristallisation » de l’amour - les diverses échappées dans les villes – Toulouse et l’appartement « péniche » sur le bord du canal, Paris, Beauvais, Sète, Trouville, Arles – et les retrouvailles dans les chambres d’hôtels, mais aussi, après la rupture, l’errance mélancolique dans ces mêmes lieux et la mémoire palpitante du cœur chaviré et du corps perdu.

J’aime particulièrement chez Charnet ses arrière-pays ou, si l’on préfère, sa toile de fond. Fond sonore, notamment. Question de génération sans doute (même s’il est plus jeune que moi), nous avons souvent les mêmes. Nougaro, bien sûr, mais encore, Eddy Mitchell sur la route de Memphis. Ou, en jazz, Sophisticated Lady (je la préfère, moi, par Ella Fitzgerald) et puis les chansons, Serge Lama qui donne le ton - « je suis malade… » - sans oublier l’obsédante bande-son de Gato Barbieri qui communique au « Dernier tango à Paris » toute sa résonance pathétique. Ce chef d’œuvre désespéré de Bernardo Bertolucci s’invite d’ailleurs souvent, comme en filigrane, dans le récit de Charnet, de même que de multiples citations, allusions, etc. – autant de connotations littéraires, filmiques ou musicales qui renforcent l’évocation nostalgique de tout ce qui nous fuit.

Maria Schneider, face à Marlon Brando, n’est pas sans évoquer l’amoureuse de l’auteur. Elle aussi a parfois « l’impression de n’être personne. Juste une faussaire. » Mais c’est bien sûr aussi la leçon d’un livre brodant sur cette intuition renouvelée : « Toutes les vies sont fausses. Toutes les passions. »

Le présent – de l’amour, du bonheur, comme de toute autre chose – demeure insaisissable et l’on n’habite jamais que des ruines futures. L’impossible présence au monde, aux autres, à soi, est le vrai leitmotiv de la perdition qui cherche à se dire dans les arabesques de l’écriture. Dans « toute cette absence à soi sous la soie ».

Michel Baglin

Puis Yves Charnet évoque le film « Le vieux fusil » tourné à Bruniquel, dans lequel Romy a cette phrase admirable en remontant ses bas : « je déteste les hommes à qui je cède de suite ». Je peux m’identifier à Philippe Noiret, poursuit Yves Charnet, c’est un corps lourd, un corps gros. Il lui dit : « les nouvelles sont mauvaises, il va y avoir la guerre, voulez-vous m’épouser ? » Ce qui était fort malencontreux dans leur situation.

C’est très compliqué un grand amour. Comme dit ma mère, cela ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval. C’est une véritable sortie de soi. « Tu bascules dans son regard. » C’est une chute. René Char l’a dit ainsi, observe Christian Saint-Paul. On tombe dedans. Tomber en amour disent les canadiens. Michel Eckhard-Elial rappelait récemment à cette antenne, précise Saint-Paul, cette vision de Char de l’amour qui est une chute. Y compris l’amour de Dieu.

Lecture d’extraits du livre.

Yves Charnet reprend ses commentaires :

C’est la manie du détail qui va donner le souffle et sa réalité au récit. C’est le travail du signifiant à même l’expérience de la vie. Le travail d’autofiction, comme l’écrit si justement Jean Delabroy dans sa postface, est au cœur même du poème puisqu’il y a à la fois un lieu réel nommé et les lignes de fiction. Les deux sont intimement imbriqués , indissociables et cela crée une tension étonnante entre des éléments chimériques et les données du réel. Je n’interviens pas en autofiction pure comme Brodsky, mais en poète. Comme Nerval.

Et il y a une géographie, essentiellement toulousaine, des lieux où le couple fut heureux. On repasse par ces lieux.

La vie fait cela : tirer des fils insoupçonnés pour en faire une trame, puis une pelote. Le fil rouge, puisqu’il y a du rouge partout dans ce livre.

Le thème inévitable, récurrent, permanent chez Yves Charnet, est celui de l’abandon.

Le livre est celui d’une catastrophe amoureuse. Il dit comment cela se passe.

J’ai aimé écrire cette partie d’errance dans ce drame, confie l’auteur.

Mais cette errance, remarque Saint-Paul, on la retrouve dans tous les livres de Charnet. Les pérégrinations vers les corridas, mais aussi l’errance du désœuvrement qui est une des formes de la poésie lyrique occidentale.

La figure mythique de ce livre est allemande, Romy Schneider. Le livre se situe vers la fin, en Alsace, proche de l’Allemagne : Truchtersheim. C’est là que le poète Charnet se demande comment il est devenu ce type à deux têtes : un professeur-écrivain ; un écrivain-professeur. C’est là aussi que surgit la gravité de la Blessure.

Lecture de ce passage.

La conclusion est la lecture de la fin du livre.

Il t’en aura fallu du temps pour lâcher prise. Cette belle captive dans tes oubliettes ; prisonnière à la langue arrachée. Tout ça se termine donc par les divagations d’un type qui somnole, entre Nice & Paris, en écoutant en boucle son album de tango favori. Un vieil air de cet Argentin aux doigts d’or. On le conjure comme on peut. L’abandon. Cet amour bredouillé n’aura jamais été rien d’autre qu’un brouillon. Yves & Romy, votre histoire embrouillée. Tu t’endors sur la ritournelle qui berce ta mélancolie. Lancinante mélodie pour bandonéon ; Astor Piazzolla ; « Oblivion ». Votre histoire d’amour n’aura vraiment existé que dans ce livre. Elégies pour une Bovary de passage. Flaubert les aurait rangées parmi les « Mœurs de province ».

Les petites tribulations de ton Romybook. Tu en auras vu de toutes les couleurs. Dans son regard aux lèvres rouges.

 
 


 

 

 

 

 

 

30/03/2017

 



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23/03/2017

 



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16/03/2017

 



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Après avoir annoncé l’actualité des Rencontres du Centre Joë Bousquet de C